Les lavoirs

Blanquefort, comme la plupart des communes irriguées par des cours d’eau, possédait plusieurs lavoirs qui avaient été aménagés au XIXe siècle avec des plans inclinés pour rincer le linge dans le courant.

La création de deux lavoirs, d’après les registres du conseil municipal :  « le 9 février 1851, M. Lafon, conseiller municipal et propriétaire du château Duras, autorisa la commune à faire établir un lavoir de 10 mètres de long sur 5 mètres de large sur un lopin de terre qu’il possédait sur la rive gauche de la jalle de Canteret, à l’ouest du chemin du château ; elle pourra, en outre, établir un séchoir pour le linge, tant sur l’herbe qu’en se servant des arbres qui sont sur la dite pièce de fond. Ce lavoir fut donc installé en 1851. L’année suivante, M. Lescarret proposa à la commune un terrain de deux ares treize centiares pour la confection du lavoir de Destournet ». Ces deux lavoirs subsistent encore, bien que remaniés, au grand bonheur des lavandières.

Guy Dabadie, Blanquefort et sa région à travers les siècles, Imprimerie Samie, Bordeaux, 1952, p. 132.

On a beaucoup glosé sur le bavardage des lavandières et les échanges de nouvelles, mais la tâche était physiquement difficile. « Laver le linge était très dur, et les femmes rentraient du lavoir, fatiguées, les mains rougies, le dos douloureux, courbées au dessus des brouettes. Quand le temps était beau, les draps et les cotons d’hiver s’étendaient sur les prairies alentour, au soleil, et l’oxygène de l’herbe blanchissait le linge. Il sentait bon l’herbe et la terre. »

Texte extrait de « Le petit blanquefortais illustré » tout par l’image, supplément d’actualité de l’exposition : La Mémoire de Blanquefort, 1e année n° 1994.

Blanquefort a connu une quinzaine de ces lavoirs construits dans les différents hameaux, sur les petites rivières ou fossés qui irriguaient la commune : Andrian, Bigorne, Florimond, Laubarède, Linas, Maurian, Neurin, Peybois, Piganeau, La Rivière, Solesse, les Tuilières, Tujean et Destournets, ce dernier enterré dans les années 1970 pour construire le centre commercial de l’avenue du général de Gaulle.

Les lavoirs du nord de la commune sont créés ou agrandis durant la Première Guerre mondiale ainsi qu’en attestent des délibérations du conseil municipal : M. Olivier demande l’achat de quelques mètres pour l’agrandissement du lavoir des Tuilières ; ce lavoir, très fréquenté et devenu insuffisant. M. le maire promet que satisfaction sera donnée le plus tôt possible, et sur proposition de M. Fourton, la construction d’un lavoir à la Rivière est décidée en principe. Le lavoir des Tuilières a été retrouvé, perdu dans les ronces, et pourrait être réhabilité.

Dans le vivier de Cholet (selon un acte notarié du 29.06.1818), il est signalé « aux deux extrémités du vivier deux lavoirs pavés et entourés de murs ».

Seuls, deux lavoirs subsistent sur la commune aujourd’hui.

Le lavoir de Canteret, longtemps abandonné, vient d’être restauré dans sa partie centrale, c’est-à-dire la plus ancienne, en 2013.

Le voici décrit en 1938 par Mme Demonti : « Et dès le printemps les femmes chargeaient la lessiveuse sur une brouette et allaient laver le linge en bas de cette dite Jalle. Moi, j’adorais cela, on se mettait les pieds dans l’eau et on frottait. Les femmes étendaient le linge sur l’herbe afin qu’il blanchisse beaucoup mieux. »

Et quelques années plus tard, en 1955, par Marie Bret : « Aux premiers beaux jours, le lundi, il y avait l'expédition des femmes au lavoir de Canteret. Je voyais partir, Marraine, Tété, Charlotte, Mimi Capitaine, dès le matin, avec des brouettes, une lessiveuse : les draps, les bleus, les torchons. Elles partaient pour la journée, ça rigolait et à chaque fois je demandais à maman d'y aller. C'était toujours, non. Nous avions déjà une machine à laver, toute ronde. On la branchait dans la douche, Il fallait être deux, car une fois la lessive terminée, il fallait essorer ; Maman ouvrait la machine, sortait le linge tout chaud, le présentait entre deux rouleaux en plastique, et moi je tournais la manivelle, le linge tombait, tout essoré, dans une bassine, il ne restait plus qu'à l'étendre. Un jour à force de demander, maman m'a dit « oui, tu peux y aller » car elle trouvait que c'était perdre son temps que de passer toute une journée pour quelques draps. Me voilà donc partie avec les femmes, maman m'avait donné des mouchoirs à laver à la main ; chacune avait sa brouette, une bassine, une lessiveuse, du savon, un tapoir et à manger. Le premier travail, en arrivant, c'était d'allumer un feu sous un grand chaudron noir, pendu dans une grande cheminée en pierre, la cheminée était immense, on tenait debout dedans. Pendant que l'eau chauffait, on discutait, chacune s'installait à son lavoir, avec un sac en jute sous les genoux. Quand l'eau était chaude, elle la mettait dans sa bassine avec une casserole, elle lavait le linge, le frottait, le tapait avec un tapoir en bois, le rinçait dans l'eau claire du lavoir et se mettait à deux pour l'essorer, alors là, c'était rigolo, on se mettait à chaque bout du drap, et on tournait dans le sens contraire. Après on l'étendait ou dedans ou dehors dans l'herbe. C'était l'heure de manger, chacune me donnait quelque chose et pourtant j'avais de quoi. Quand le linge était sec, on rentrait. Quelle journée extraordinaire. »

Naissance et (re)naissance du lavoir de Canteret 

Construit sous Napoléon III en 1851, le lavoir de Canteret témoigne d'un temps où l'eau courante n'existait pas. Ce bâtiment patrimonial rappelle une ancienne façon de vivre, lorsque les lavandières occupaient le premier plan, battoir à la main... Un équipement ancré dans les XVIIIe et XIXe siècles : les communes ont construit les lavoirs en réponse aux épidémies (choléra, variole et typhoïde) et à la pollution des cours d'eau liée à la révolution industrielle. Ils sont la marque d'une prise de conscience collective en matière d'hygiène. Votée le 3 février 1851, une loi du Parlement prévoit même un crédit spécial pour subventionner ces édifices à hauteur de 30 %, Le conseil communal de Blanquefort décide de créer deux lavoirs sur son territoire, dont celui de Canteret. M. Antoine Lafon, conseiller municipal et propriétaire du château Duras, « accepte la proposition de M. le Maire et autorise la commune à faire établir un lavoir de 10 mètres de long sur 5 mètres de large sur un lopin de terre qu'il possède sur la rive gauche de la jalle de Canteret, à l'ouest du chemin du château (l'actuelle rue de la Forteresse) ; elle pourra, en outre, établir un séchoir pour le linge, tant sur l'herbe qu'en se servant des arbres qui sont sur ladite pièce de fond. Cette concession est faite à perpétuité et gratuitement. » Registre des délibérations du conseil municipal du 9 février 1851. Les documents d'archives blanquefortais ne précisent pas si le lavoir de Canteret fut aménagé pour le travail des laveuses (femmes dont la profession était de laver le linge) ou si le site était utilisé par les lavandières (femmes lavant le linge de leur maisonnée) uniquement pour les dernières étapes de la lessive, à savoir le rinçage et le séchage. Les lavoirs sont un lieu de rencontres et d’échanges des nouvelles des familles et du village pour les femmes qui ne fréquentaient pas les cafés réservés aux hommes.

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Toujours en usage au XIXe siècle : vue l'importance de son utilité publique, le lavoir a fait l'objet de divers travaux au cours de la moitié du XXe siècle, qu'il s'agisse de réparations (1903), d'agrandissement (1908) ou d'une nouvelle couverture (1910). Celle-ci pourrait être consécutive aux dommages créés par un incendie et pourrait ainsi laisser penser que les laveuses y faisaient bouillir le linge... Après cette première renaissance, ce bâtiment fait d'ailleurs l'objet d'une assurance contre l'incendie en 1913. Les registres communaux font état de diverses décisions quant à son aménagement (1928) et son entretien par les cantonniers (1935). Pourtant, presque un siècle après sa construction, un registre rapporte, à la date du 17 octobre 1948, que le maire (Jean Duvert) « étant donné l'état lamentable dans lequel se trouvait le lavoir et l'approche de la mauvaise saison » a pris l'initiative avec la commission des Travaux Publics de le réhabiliter. Cette décision est sans doute la dernière prise du temps de l'utilisation effective du lavoir. Par la suite, comme partout en France, les travaux d'adduction d'eau amènent l'eau courante dans les logements et les inventions techniques, telles que la lessiveuse, puis la machine à laver font disparaître le dur labeur des lavandières et laveuses.

Pour les mémoires du XXIe siècle : si la commune a connu dans son histoire plusieurs lavoirs, celui de Destournet, des Tuilières, de Peybois, de la rivière, il n'en subsiste aujourd'hui que deux : celui de la rue Mathurin Olivier à Caychac et... celui de Canteret, dont la réhabilitation n'est plus possible. Aussi, afin que perdure ce site, la Ville a décidé de le reconstruire en tenant compte de ses dimensions initiales. Une seconde renaissance que les marcheurs empruntant le sentier de randonnée « La boucle des parcs et châteaux » pourront apprécier d'ici le début de l'été.

Lavoir-Canteret

Si Gervaise ou la mère Denis avaient habité Blanquefort… par tous les temps, elles auraient descendu la brouette à linge, emplie de draps et de petit linge, jusqu'aux bords de la jalle, munies de leur planche à laver, d'une brosse en chiendent, de cendres, de saponaire ou d'un savon de Marseille, d'un battoir (ou tapoir) ; de plantes aromatiques (la lavande ou la violette) ... et de leur garde-genoux (sorte de caisson en bois qui protégeait des éclaboussures, et dans lequel la laveuse se tenait à genoux durant toute l’opération) sans compter une bonne dose d'énergie pour assurer cette journée de corvée.

Équinoxes et Solstices, mars 2013, n° 53, p. 28-29. Le magazine de la ville de Blanquefort. Avec l’autorisation de la ville de Blanquefort.

Le lavoir de Caychac, un des plus grands, proche de l’église, a été réhabilité aujourd’hui. 

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De l’usage des lavoirs publics

Dans le cadre du projet d'aménagement du parc Cambon, la municipalité à décidé la création d'une Maison des services publics. Elle comprendra un local recevant une antenne mairie, un autre destiné à l'ANPE, un espace dédié au foyer municipal et une agence postale, à l'essai pendant deux ans. Cette Maison se situera à la place de l'actuel foyer social de Caychac, dont les travaux de démolition commenceront fin mai. Parallèlement à ce projet, la commune réalisera des travaux de rénovation et de mise en valeur du parvis de l'église et du lavoir.

Ce lavoir, vestige d'un temps passé et de pratiques aujourd'hui révolues, est l'un des nombreux lavoirs publics que comptait la commune au siècle dernier, dont un certain nombre d'anciennes familles de la commune ont longtemps bénéficié. Lieu de travail pour, les lavandières, le lavoir était aussi lieu de rencontre pour les jeunes gens amoureux... Du simple fait qu'il soit public, pouvait-on pour autant y accéder et en faire usage librement ? Que nenni.

Il y a tout juste 150 ans, en 1853, le maire de la commune, M. Courrégeoles fils, prenait un arrêté municipal pour en réglementer l'usage, tant pour leur conservation que pour y assurer la salubrité.

Arrêté du maire de la commune de Blanquefort du 25 septembre 1853.

Article premier : dans les lavoirs divisés en deux bassins, il est expressément prescrit de ne laver, dans le bassin supérieur, que le linge déjà lavé dans le bassin inférieur et n’ayant besoin que d’être rincé ; on ne devra laver que sur les madriers.

Article 2 : il est défendu d’attacher des cordes et des bêtes de somme, soit aux palissades de clôture, soit aux poteaux des hangars, sous lesquels on ne pourra, non plus, allumer de feu.

Article 3 : il est aussi défendu de toucher aux vannes et de déposer du linge sur les palissades de clôture.

Article 4 : on ne pourra déposer de bourrier ni d’immondices d’aucune nature sur les emplacements ou les abords desdits lavoirs.

Article 5 : il est interdit de prendre de l’eau dans les lavoirs publics sauf dans les cas d’incendie.

Article 6 : le samedi de chaque semaine, les lavoirs seront nettoyés ; à cet effet, les vannes seront levées à trois heures du soir, pendant les mois de septembre, octobre, novembre, décembre, janvier, février et mars et à 6 heures pendant les mois d’avril, mai, juin juillet et août.

Article 7 : toutes contraventions aux dispositions qui précèdent seront constatées par procès-verbal des agents de l’autorité et seront poursuivis conformément aux lois.

Fait et arrêté à la mairie de Blanquefort, les jours, mois et an susdits. Le maire Th. Courregeoles.

Equinoxes et Solstices, janvier 2003, n° 6, p. 20-21. Le magazine de la ville de Blanquefort. Avec l’autorisation de la ville de Blanquefort.