De la forteresse au château        

De nombreux textes ont été écrits sur ce monument historique à différentes époques, nous vous en proposons un certain nombre qui vont se compléter.

La clé du Médoc

Le vieux château appelé aussi la forteresse est l'empreinte visuelle de la présence gallo-romaine, puis normande dans la vie de la commune.
Les deux plus puissantes forteresses du Médoc, qui commandent tout le pays, sont celles de Lesparre et de Blanquefort, mais elles se présentent sous deux aspects très différents. Lesparre est une place forte entourée de remparts, et la ville était bâtie sous les murs mêmes du château qui lui servait de bastion avancé.

Blanquefort, au contraire, est une masse redoutable, isolée au milieu des eaux et qui ne peut compter que sur elle-même. La population qui vit aux alentours se réfugie au besoin dans l'enceinte formée par ses tours imposantes, encore debout de nos jours. Blanquefort est le type du château féodal à la construction duquel chacun a contribué parce que chacun compte sur sa protection. Sentinelle avancée, aux portes de Bordeaux, aucune décision ne peut intervenir sans lui. Il interdit les passages, détruit les coalitions, arbitre les conflits.

On a justement appelé le château de Blanquefort, à cause de sa situation unique : la clé du Médoc.

Paul Duchesne, La chronique de Ludon en Médoc, Rousseau frères, Bordeaux, 1960, p.19-20.

 Forteresse-gravure-Mme-Guibillon

Date de construction 

« Pour la construction du château, nous nous réfèrerons à Léo Drouyn (La Guyenne Militaire) qui en a laissé la plus sérieuse étude. Nous ne sommes pas d'accord avec lui sur un seul point : la date de construction qu'il situe entre 1287 et 1309 sous le règne d'Édouard 1er et que nous situons entre 1160 et 1190 aux temps d'Ayquem-Guillaume le Vieux, c'est-à-dire à une période antérieure de trois quarts de siècle environ. »

Maurice Métraux, Les « Blanquefort » et les origines wikings dites normandes de la Guyenne sous la féodalité, Imprimeur Samie Bordeaux, 1963, p.6.

 

La forteresse médiévale

« Le vieux-château », c’est sous ce nom que les Blanquefortais désignaient ce que l’on appelle aujourd’hui la forteresse médiévale. Il est vrai que cette appellation est plus précise, mais combien d’entre nous, habitués à jouer dans cette zone qui était à l’abandon, rêvaient du vieux château de notre enfance, merveilleux terrain d’aventures et de mystère. Sur la carte de Belleyme au XVIIIe siècle, il est noté : « Château (ruines) » ; mais au cadastre napoléonien, il est noté « le château rompu ». Sur la carte de 1889, il est le « Vieux Château », et sur la carte IGN de 1958, encore le « Vieux Château (ruines) ». Il est nommé « Vieux Château de Duras, Prince Noir » sur le guide-plan de Blanquefort autour de 1970. Il devient récemment forteresse sur les cartes éditées par la municipalité de Blanquefort, sans doute à partir d’un relevé rédigé par Alain Tridant en 1981.

« Cette forteresse est un site extraordinaire édifié sur un piton rocheux au milieu de marais près de Bordeaux. Elle commandait les anciennes routes romaines, toujours en fonction au Moyen-âge, qui menaient du Médoc à Bordeaux. La première construction d’un château de pierre eut lieu à la fin du XIe siècle, et la dernière reprise au XVIIe siècle. Ce n’est qu’à cette époque que les marais furent asséchés et que le site perdit son intérêt stratégique. Historique et description de ce magnifique ensemble castral composé d’une enceinte et d’un double donjon.

Le site est fouillé et entretenu par l’association le G.A.H.B.L.E.
Une légende concernant un souterrain situé à Blanquefort existait depuis longtemps. Certaines versions le faisaient même se poursuivre jusqu’au château de Roquetaillade. En fait, la présence des marais tout autour du site interdisait toute possibilité d’un souterrain en dehors du piton rocheux sur lequel est construite la forteresse. C’est en 1998 que la légende devint malgré tout une réalité : un effondrement dévoila l’existence de salles troglodytiques creusées dans le roc, sous la cour. »

Extrait du n° 36 de la revue Aquitaine Historique d’octobre 1998.

 

Un monument militaire du Moyen-âge

Non seulement par sa situation très forte, mais par l'heureuse disposition de ses défenses justement admirées, Léo Drouyn place le château de Blanquefort au rang des monuments militaires les plus intéressants de France.

D'après certains vestiges de fossés, il pense que les Normands ont dû fortifier Blanquefort à leur manière, après avoir détruit la forteresse romaine. Quant à cette dernière, on peut presque sûrement en affirmer l'existence, car on a trouvé, dans le remplissage des murs du château médiéval, des briques et du ciment gallo-romain, ainsi qu'un grand chapiteau antique de marbre blanc veiné de noir. Quoi qu'il en soit, l'histoire de cette forteresse est inconnue jusqu'au XIe siècle. Elle ne dut se composer tout d'abord que d'une tour carrée élevée sur une motte et entourée de murailles et de fossés. Le château tel qu'il nous apparaît, avec ses ruines grandioses, date du roi Edouard 1er d'Angleterre, c'est-à-dire du XIIIe siècle. C'est un carré long, flanqué de six grosses tours, quatre aux angles et deux de plus petit diamètre, placées au milieu des grands côtés ; celle qui se trouve sur la face méridionale était la cage d'un escalier tournant, et sa porte d'entrée était ornée de riches sculptures qui existent encore. Toutes les tours étaient liées les unes aux autres par d'étroites courtines ; les appartements étaient à deux étages, avec des fenêtres ouvrant entre deux tours. Un certain luxe régnait dans ce château, malgré son apparence toute militaire, puisque le roi Édouard vint y résider quelque temps pour se reposer en 1287.

Le château était isolé au milieu d'une grande cour à peu près elliptique, entourée d'un mur d'enceinte épais de quatre à cinq mètres et défendu par neuf tours dont deux sont énormes ; celles-ci se trouvent sur la ligne du nord. On entrait dans la grande cour par une porte à l'est ; deux tours protégeaient cette entrée et le pont qui y conduisait. Ainsi, la forteresse se composait de deux parties bien nettes, le donjon et son enceinte, tous les deux puissamment fortifiés. Dans le donjon, habitait le seigneur et sa famille. Les tours d'enceinte abritaient les hommes d'armes et l'artillerie ; l'une d'elles servait de chapelle, une autre de corps de garde, à l'entrée.

Enfin, dans la cour elle-même, se trouvaient les écuries, et c'est là que se réfugiait la population, lorsque l'invasion ravageait le pays. Peu de forteresses étaient aussi bien protégées. Deux fossés de six mètres de largeur, séparés par un vallum, baignaient les tours et les murs, et le tout était entouré par les deux bras de la jalle. Il devait y avoir, en outre, une chaussée artificielle permettant d'accéder au château en tout temps. Là aussi avaient dû s'accumuler les défenses accessoires, mais elles n'existent plus. Il paraît prouvé que, depuis le XIIIe siècle, le marais de Blanquefort s'est élevé de deux mètres environ. Une poterne, qui servait à entrer dans les fossés pour visiter le pied des remparts, et qu'on voit encore contre la grosse tour du nord-est, ne laisse aucun doute à ce sujet. On se figure aisément, dans ces conditions, sous quel aspect formidable ces tours devaient apparaître aux assaillants. La forteresse soutint de véritables sièges pendant l'occupation anglaise. C'est elle qui se rendit la dernière au roi de France, à la fin de la guerre de Cent Ans.

Paul Duchesne, La chronique de Ludon en Médoc, Rousseau frères, Bordeaux, 1960, p.19-22.

 

Léo Drouyn en 1847

Le château de Blanquefort se trouve à l’est de l’église et à quelques distances dans le marais. On y parvient par des chemins en très mauvais état, qui à l’approche du château, traversent des oseraies et des marécages. Le château était entouré d’une double enceinte ; les trous des fossés qui circonscrivent la première, quoique n’étant pas figurées sur le plan que je possède, sont néanmoins bien apparents encore au levant et au midi. De ce dernier côté, sur le bord de ce fossé est un chapiteau de colonnes en marbre blanc sculpté en feuilles d’acanthes assez grossières et se rapprochant de la forme qu’on leur donna aux XIe et XIIe siècles ; voici quelles sont les dimensions de ce chapiteau : hauteur 0 m 65, diamètre à la base 0 m 45 et au sommet 0 m 65. Le fossé régnant tout autour du château au pied des murs qui circonscrivent la 2e enceinte est partout très apparent quoiqu’à certaines parties il soit à peu près comblé et praticable aux piétons. On y trouve, éparses, çà et là plusieurs de ces grosses boules en pierre, dont on se servait dans la défense des places et qu’on précipitait au moment des assauts sur les assaillants du haut des tours et des murs. On remarque sur la levée à l’est des traces d’un ouvrage qui pourrait avoir été une barbacane. La principale porte d’entrée du château est dans cette même direction ; je l’ai dessiné assez exactement pour me dispenser dans donner la description. Ces caractères principaux ne la font pas remonter au-delà du XVIe siècle.

schema-chateau

Forteresse-reconstitution

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Au moyen de cette porte, on permettre dans la seconde enceinte entourée comme je viens de le dire d’un mur ou rempart fortifié d’espace en espace par des tours rondes de dimensions divers, et, par leur appareil se rattachant à des époques successives, comprises entre le XIIe siècle environ et le XVIe. La première tour qu’on trouve à droite en pénétrant dans cette enceinte était un corps de garde destiné à la défense de cette porte. Les murs de cette tour sont percés de meurtrières dont une est cruciforme. Il y a une cheminée.

La seconde tour, toujours à droite de la porte présente au rez-de-chaussée une salle de forme carrée pourvue d’une cheminée et voutée en arc de cloitres. Elle est percée de 2 meurtrières dont l’extrémité inférieure est arrondie pour faciliter le service des armes à feu. Sur le sol, est une de ces boules en pierre qu’on trouve au pied des murs d’enceinte. Au premier étage est une salle de forme octogonale et voutée en ogive. Ici, la voute est à nervures qui retombent sur des consoles en forme de chapiteaux, à double rang de feuilles de chênes. Quelques-uns sont à têtes plates. Les nervures de la voute sont arrondies. On distingue encore le chambranle de la cheminée ; à gauche de celle-ci, est un chapiteau à double rang de feuilles de chêne ou de vigne et au-dessus un lion léopardé.

Cette salle est éclairée à l’orient par une baie de fenêtre dans l’épaisseur de laquelle est taillée un banc, probablement celui du châtelain car il est surmonté comme décor d’une accolade formé par un tore qui retombe sur des colonnettes de grosseur égale à celle du tore et sans chapiteau. Au midi, se trouve une autre fenêtre avec banc, sans décor. Il n’existe plus que les formerets de la voute qui couvrait cette salle. Les nervures qui coupèrent ces formerets ont la baguette. À droite de la cheminée, au nord, est une meurtrière, arrondie à son extrémité inférieure ; il s’en trouve une autre au-dessous de la fenêtre au levant. À l’extrémité nord de cette salle, on avait pratiqué un trou ou puits de forme carré ayant 10 pieds environ de profondeur qui se fermait au moyen d’une trappe et dans lequel on communiquait par un corridor vouté. Au nord-ouest est une meurtrière cruciforme arrondie dans le bas. L’épaisseur des murs de cette tour varie ; elle est de 2 m au nord, coté attaquable et de 1 m 22 seulement au midi, c’est à dite du côté de l’enceinte ; les baies de fenêtres sont en arc plein-cintre surbaissée.

La tour qui occupe le flanc nord-ouest du rempart est beaucoup plus grosse que toutes les autres de l’enceinte ; son sommet dépasse peu le niveau de la cour de la seconde enceinte dont le niveau dépasse celui du marais environnant. L’épaisseur de cette tour demi-circulaire est de 4 mètres 15, y compris un corridor ou chemin de ronde.

Près de cette tour et dans la partie ouest, le rempart présente une ouverture qui, peut-être, était originellement une cage d’escalier servant à pénétrer soit dans quelques salles basses soit à parvenir à une poterne extérieure. Du coté sud-ouest, des constructions récentes qu’habitent un paysan gardien du lieu et sa famille, s’adossent aux courtines qui continuent ensuite sans autre interruption que de petites tours demi-circulaires dans l’une desquelles se trouvent encore des boules en pierre et viennent se rejoindre à la tour qui du côté du midi défendait la porte d’entrée de concert avec la tour du côté nord que j’ai décrite plus haut.

Texte de Léo Drouyn. Cahier 1 162 T 15 1 Blanquefort 27 juillet 1847 MM. Ch Des Moulins, Panel fils et moi.

Forteresse-vieux-chateau

 Forteresse-Leo-Drouyn

 

 

 

 

 

 

 

 

Remarques sur sa construction

Nous n'avons pas l'intention ni la prétention d'apporter quelque chose de bien nouveau sur la construction du château de Blanquefort qui n'ait été déjà exprimé par Léo Drouyn dans sa « Guyenne Militaire ».

Nous avons cependant fait ressortir par ailleurs, en nous plaçant dans le seul domaine historique, qu'en raison des textes cités il nous paraissait impossible d'accepter la date de sa construction dans la seconde moitié du XIIIe siècle entre 1287 et 1309. Nous pensons même relever une certaine contradiction dans le texte de Léo Drouyn quand il dit, d'autre part, que son édification relève du type le plus authentique des châteaux normands (ou vikings). C'est en raison de cette dernière remarque que nous estimons que l'origine de la construction nous semble plus ancienne et que nous la plaçons plus volontiers dans la deuxième moitié du XIIe siècle.

En se référant aux textes et aux dates des évènements nous relevons en effet que la période la plus faste de la maison des Blanquefort se situe à l'époque de Ayquelm-Guillaume le Vieux (v. 1155), soit dans la seconde partie du XIIe siècle (le mariage de sa fille Raymonde avec Pierre III de Bordeaux eut lieu aux environs de 1195). Nous savons, par ces mêmes textes, que la garde du château fut confiée à Pierre III en 1214 et que les transformations entreprises par Arnaud II étaient terminées avant 1247. Il faut donc aller jusqu'au XIVe siècle pour trouver mention d'améliorations plus importantes réalisées par Gaillard de Durfort de Duras (qui épousa Marquisa de Goth en 1323).

En outre, des considérations historiques qui nous paraissent incontestables, il existe une autre façon, plus technique, de situer la conception et la forme de cet important ouvrage par rapport aux constructions de la même époque, en faisant abstraction bien entendu des éléments de surcharges, décoratifs ou autres (dans le cas de Blanquefort, ces éléments se situent jusqu'à la Renaissance). Or, dans ce domaine, nous retrouvons à la base le véritable tracé du XIIe siècle sous la forme du donjon isolé au centre de son enceinte unique et entourée d'eau.

II est fort probable que son entrée a été conservée assez longtemps au premier étage tout comme au château de Robert le Diable à Falaise (voir la tapisserie de Bayeux). Nous retrouvons ainsi, et la remarque de Léo Drouyn est parfaitement justifiée, le type le plus évident de la conception viking, dite normande, du donjon de bois, dans sa forme d'un rectangle allongé édifié sur une « motte » naturelle ou artificielle entourée d'un fossé rempli d'eau. C'est dans le courant du XIe siècle que les donjons de bois disparurent pour faire place à des constructions de pierre, tout en conservant certains éléments en matériaux légers tels que les planchers ainsi que certains accessoires de la défense (mâchicoulis, chemins de ronde, etc.). Ces premiers donjons de pierre, en général très élevés, étaient étayés à l'extérieur à l'aide de contreforts sans grand relief (type : Loches). Il en reste encore des traces sur l'extérieur des remparts.

Dans le cours du XIIe siècle, parurent d'abord les quatre tours d'angle afin d'augmenter le potentiel de la défense, puis vinrent ensuite les tours tangentes intermédiaires qui furent édifiées dans le but de diminuer la longueur des courtines (le premier exemple connu est le château de Gaillard des Andélys, vers 1196).

Les constructions de pierre du début n'utilisaient qu'un petit appareil avec des remplissages (il en reste de très nombreuses traces sur place, particulièrement le long de l'enceinte). Ce n'est qu'à partir du XIIIe siècle que j'on trouve un appareil plus important ainsi que l'emploi de la voûte d'arête pour soutenir les planchers. Un des éléments les plus caractéristiques que l'on peut encore voir sur place ainsi que sur le plan de Léo Drouyn, est la curieuse façon de construire les salles situées dans la base des tours sur un plan carré alors que ces mêmes tours sont rondes à l'extérieur ; ces salles sont en outre recouvertes par une voûte en berceau (XIIe siècle). Cela devrait prouver suffisamment à notre sens, soit que la voûte d'arête ne s'employait pas au temps de leur construction, soit que la réfection de ces mêmes tours n'ont jamais été entreprises en repartant des fondations, On peut ainsi comprendre l'étonnement de Léo Drouyn de ne pas trouver les fameux empattements qui auraient dû raisonnablement exister si elles avaient été édifiées au XIIIe siècle.

Dans ce même XIIIe siècle les dépendances deviennent aussi plus nombreuses et les enceintes se multiplient en formant un certain nombre de cours s'imbriquant les unes dans les autres avec des poternes intermédiaires (cela ne semble pas avoir été jamais le cas de Blanquefort). L'entrée principale n'ayant plus sa raison d'être au premier étage disparaît à son tour. L'influence des croisades devait apporter bien d'autres modifications aux conceptions de l'art militaire et par conséquent à la manière de construire les châteaux et d'établir la défense. La création des fameux « Cracs » de Syrie ou du Liban fit abandonner jusqu'à l'implantation des ouvrages qui se situèrent par la suite, le plus souvent sur des endroits élevés (nous sommes déjà très loin du donjon et de la motte des Vikings). Le personnel armé, comme celui du service civil se multipliant, il fallait loger tout ce monde en transformant les constructions existantes de fond en combles, en construisant d'autres édifices en se basant sur une conception toute différente des structures.

Dans le cas du château de Blanquefort, nous ne retrouvons rien de tout cela, ce qui confirmerait ce que nous disions plus haut, à savoir que la situation la plus brillante de la famille des Blanquefort correspond à la période de Ayquelm Guillaume le Vieux et que lorsque le roi Jean Sans Terre confia la garde du château à Pierre III de Bordeaux, sa réputation de puissante forteresse était déjà quelque peu périmée. Les travaux exécutés par Arnaud II de Blanquefort ne nous semblent pas suffisamment conséquents pour avoir pu utiliser les éléments existants en les reprenant jusque dans leurs bases (d'où l'étonnement de Léo Drouyn de ne pas trouver d'empattements au pied des tours, qui auraient dû exister normalement dans une construction du XIIe siècle).

Nous pouvons donc maintenir, dans le cas présent, que malgré les quelques transformations successives, dont les plus importantes ne furent entreprises qu'au XIVe siècle, que la structure générale reste celle d'un château de la fin du XIIe siècle.

Il reste évident qu'au temps de la naissance de l'artillerie, la forteresse de Blanquefort ne représentait plus un potentiel bien important ct on ne s'explique pas très bien l'acharnement de Mazarin à le détruire. Au cours d'une visite sur place on peut encore actuellement, malgré le peu d'accessibilité, constater plusieurs choses curieuses : ainsi, vue de l'extérieur, une partie de l'enceinte se présente avec un appareil de pierre plus petit à la base qu'en élévation, ce qui peut passer pour le contraire de la logique ; on aperçoit également, en comparant les différents appareils de pierres les parties qui ont subsisté de la première construction (au droit des anciens contreforts) et celles qui furent modifiées ou ajoutées dans la suite ; seule, la chapelle comporte une couverture voûtée en ogive (XIIIe siècle) ; partout ailleurs l'absence de voûtes est assez significatif (à part les voûtes du berceau signalées plus haut). Il existait cependant au sommet de l'escalier de la tour S.-O., qui s'est effondrée il y a à peine deux ans, une coupole remarquable en forme de calotte. Il nous semble pourtant difficile d'en déterminer l'âge car ce moyen de couverture a été utilisé depuis le XIIe siècle (rapporté des croisades) jusqu'au XVIe siècle et à l'époque de la Renaissance.

Pour nous résumer et pour tenter de fixer un processus des différents stades de la construction du château de Blanquefort, nous pensons qu'on pourrait le formuler de la façon suivante :

Premier stade : édification après les invasions normandes dans la seconde moitié du Xe siècle du donjon de bois, avec son enceinte de même et ses fossés réunis à la Garonne par un canal, existant encore, qui permettait l'accès des « Drakkars ». Ce donjon fut édifié sur une motte artificielle entre deux bras de rivière à la façon normande, par le fondateur de la maison de Blanquefort : Wilhelm Furt dit Guillaume le Fort (suivant une tradition devenue classique, le donjon fut édifié sur le plan d'un rectangle allongé avec son entrée protégée au premier étage).

Deuxième stade : reconstruction du donjon en pierres soutenu probablement par des contreforts plats à l'extérieur, dans le type du XIe siècle, par Arnaud 1er (1080-1107) qui participa à la première croisade (1096-1099).

Troisième stade : Ayquelm-Wilhelm le Vieux, petit-fils d'Arnaud 1er, v. 1155, qui épousa Assahilde de Tartas et dont la fille Raymonde épousa Pierre III de Bordeaux (v. 1195) semble avoir été le plus important Seigneur de Blanquefort. Ses nombreuses possessions à Blaye, Castelnau, Bourg, l'île d'Ornon, etc., représentent le plus grand héritage de la Maison (époque de la 3ème croisade). C'est probablement pendant son existence que l'aspect du château se modifia le plus sérieusement avec l'adjonction des tours (fin du XIIe siècle).

Quatrième stade : la rénovation partielle entreprise par Arnaud II, terminée avant 1247 (XIIIe siècle) doit comprendre la tour Nord de l'enceinte et la chapelle ainsi que les différentes modifications de l'enceinte.

Cinquième stade : la 8e croisade de Louis IX est terminée (1270). Le château, dont on se dispute la possession, ne paraît pas avoir subi d'autres modifications avant d'appartenir à Bertrand II de Goth (v. 1308). Le neveu du Pape Clément V le cèdera à sa fille Marquisa, épouse de Gaillard de Durfort de Duras et ce sont ces derniers qui exécuteront les grandes transformations que l'on voit encore, telles que l'entrée de la tour avec ses sculptures du XIVe siècle. C'est à ce stade qu'il faut placer également l'édification du grand escalier ainsi que les modifications des ouvertures dans l'enceinte pour installer les batteries de l'artillerie. Quant à l'entrée principale de l'enceinte, elle annonce déjà la Renaissance sous une forme assez maladroite.

Ainsi, aucune des transformations successives de la vieille forteresse n'a jamais modifié sérieusement les structures de base ni la forme du plan du XIIe siècle. Seul l'aspect des façades fut modifié selon les besoins et les circonstances ou selon les modes rapportées des croisades. C'est, à notre avis, la seule explication de sa configuration actuelle et de la fragilité de ses bases.

Il reste évident que parmi tous les châteaux de la région, Blanquefort reste le seul témoin de ce type de construction du XIIe siècle qui n'a que très peu évolué dans le sens des grands changements opérés par les siècles suivants. C'est aussi le seul témoin qui nous reste de la période viking dite normande. Ce seul titre devrait lui permettre de n'être pas négligé comme il l'est présentement ; titre qu'il partage avec Cubzac-les-Ponts qui ne présente pas cependant des traces aussi anciennes (le château dit des 4 Fils d'Aymond).

Maurice Métraux, Les « Blanquefort » et les origines wikings dites normandes de la Guyenne sous la féodalité, Imprimeur Samie Bordeaux, 1963, p.19-24.

 

Les récits d’aujourd’hui

La forteresse médiévale de Blanquefort est située sur la commune de Blanquefort. Elle appartient actuellement à un propriétaire privé. C’est le « vieux-château », comme des générations de Blanquefortais l’ont dénommé, mais au cadastre napoléonien, il est noté « château rompu ». Il voyait passer sous ses murailles l’ancien chemin de Bordeaux à Parempuyre qui le longeait après avoir traversé la jalle. Aujourd’hui, il est de bon ton de l’appeler forteresse…

« Le château de Blanquefort a été considéré jusqu'au temps de la Fronde comme l'une des places de guerre les plus importantes de Guienne. Maintenant, il est l'un des plus belles ruines. » Léo Drouyn. En 1862, il est l’un des premiers châteaux médiévaux français à être classé Monument historique.

Le G.A.H.BLE, association blanquefortaise, décrit ainsi la forteresse médiévale des XI-XVe siècles : « Un îlot rocheux émergeait de quelques mètres au dessus des marais, au nord de Bordeaux ; il fut habité dès la protohistoire, comme en témoigne la présence de tessons de céramiques de l'âge du bronze moyen. Les Romains,en construisant la « levade », route tracée à travers ce marais et prolongée ensuite jusqu'au nord du Médoc, ont utilisé cet îlot, sans doute pour y placer un poste de garde ; des tegulae et des monnaies à l'effigie de Constantin ont été mises au jour sur le site. Au XIe siècle, le seigneur du lieu y a fait construire un premier château : donjon rectangulaire en pierre entouré d'une palissade en bois ; c'est l'impression visuelle de ce bâtiment clair, visible de loin dans son environnement de marais, qui a lui a donné son nom : blancafortis, le « fort de couleur blanche ». Ce nom est ensuite passé à la famille seigneuriale, les Blanquefort, puis au village voisin qui en dépendait.

L'Aquitaine étant devenue anglaise depuis le mariage d'Aliénor avec Henri Plantagenêt (1152), futur Henry II d'Angleterre, et afin de faire face à la pression des rois de France, la Couronne anglaise fit transformer le modeste château de Blanquefort en forteresse royale au début du XIVe siècle : adjonction de six tours de même hauteur au bâtiment existant, formant ainsi une terrasse sommitale, et construction d'une enceinte de pierre. La forteresse était naturellement défendue par le marais et commandait le seul chemin reliant le Médoc à Bordeaux. Aucun pont n'étant encore construit sur la Garonne, le pouvoir de Bordeaux craignait un débarquement des Français sur la rive gauche de l'estuaire de la Gironde et l'attaque de la ville par son accès du nord. Cette même crainte poussera le roi de France Charles VII, à l'issue de la guerre Cent Ans (1453), à moderniser la forteresse et, surtout, à l'adapter à l'artillerie.

Les Anglais ne cherchant plus à revenir en Aquitaine, et puisqu'elle est située loin des frontières, la forteresse de Blanquefort perd dès lors tout intérêt militaire ; elle perd même sa défense naturelle quand, au début du XVIIe siècle, les marais environnants sont asséchés. Elle est propriété des ducs de Durfort-Duras, seigneurs de Blanquefort, jusqu'à la Révolution mais, ils n'y habitent plus depuis le XVIe siècle et un incendie détruit partiellement le bâtiment central qui ne sera pas rebâti. Vendue comme bien national, elle passe entre les mains de divers propriétaires qui, seulement intéressés par les terres qui l'entourent, la laissent se dégrader ; l'un d'entre eux en fait même une carrière de pierres : les marches des escaliers, les encadrements de portes et de fenêtres servent alors à la construction de maisons dans le village. En 1962, des jeunes décident de réhabiliter les vielles pierres enfouies sous les gravats et la végétation ; ils assurent à la fois l'étude, la sauvegarde et l'animation du monument, tout en entreprenant des campagnes officielles de fouilles archéologiques. C'est à ces pionniers que le G.A.H.BLE succède en 1984 ».

www.gahble.org 

 

Le château fort de la CUB

La seule forteresse de l’agglomération bordelaise a donné son nom à sa commune. Le château de Blanquefort est la seule forteresse médiévale de l’agglomération bordelaise qui soit arrivée jusqu’à nous. Une singularité que ne lui assure pas pour autant une grande popularité : elle reste fort méconnue, du fait de son statut de lieu privé, semble-t-il. Ce qui n’empêche pas le « blancafortis » (qui a donné son nom à la ville) de s’ouvrir à la visite, pourvu que l’on en fasse la demande ou que l’on s’informe du calendrier des journées portes ouvertes. L’association gestionnaire est le Gahble (Groupe d’archéologie et d’histoire de Blanquefort). En quelques pas, le visiteur, instruit par les commentaires de Maryse, réveille dix siècles d’histoire.

Au XIXe siècle, l’historien-dessinateur Léo Drouyn notait dans ses carnets : « Le château de Blanquefort fut l’une des places les plus importantes de Guyenne. Maintenant, il est une des plus belles ruines. » On ne dirait pas autrement aujourd’hui.

Des fouilles conduites sur le site ont révélé une présence humaine à l’Âge du Bronze (12 siècles avant J.-C.), puis la venue des Romains fut attestée par la découverte de tuiles et de deux monnaies. Il s’agissait alors d’un site (un contrôle, peut-être) de la voie romaine reliant Bordeaux au Médoc.

La configuration actuelle apparaît au XIème siècle quand un donjon rectangulaire est élevé. Le nom du seigneur du lieu, Akelmus Willelm Affurt (!), apparaît vers 1030. Puis, en 1078, un texte de l’abbaye de La Sauve-Majeure mentionne le « blancafortis » comme étant le premier fort en pierres d’un territoire qui recouvre l’actuel département de la Gironde. C’est une nouveauté : les édifices précédents étaient en bois.

Comme au temps des Romains, le château fort seigneurial contrôlait la route du Médoc, axe de circulation majeur dans la région.

La famille de Blanquefort, une des plus puissantes de Guyenne, s’éteint vers 1250. Henri III puis Édouard Ier, rois d’Angleterre et ducs d’Aquitaine, font l’acquisition du château et des terres. La forteresse entre alors dans le dispositif défensif de Bordeaux. Peu de temps après, en 1308, face à des difficultés financières, Édouard II cède la seigneurie à Bertrand de Got, neveu du pape Clément V. Durant la guerre de Cent Ans (1337-1453), le château passera entre les mains de plusieurs puissantes familles d’Aquitaine. La forteresse connaît ses derniers combats durant les guerres de religion, les propriétaires d’alors étant protestants.

Après la Fronde, le crénelage est rasé sur ordre de Mazarin et l’assèchement des marais supprime la défense naturelle du château. Il est abandonné et il subit un incendie au XVIIe siècle. À la Révolution, la forteresse est confisquée « Bien national » et utilisée comme carrière de pierres. Il faudra attendre 1962 pour que le blancafortis soit définitivement protégé.

Article du journal Sud-ouest du 20 août 2013, Hervé Pons.

Le « blancafortis » vieux de mille ans

La seule forteresse médiévale parvenue jusqu’à nous, sur l’agglomération bordelaise, est celle de Blanquefort. Qui sait, aujourd'hui, que la ville de Blanquefort puise son nom dans le « blanca fortis », le château blanc ? Qui sait, hormis ses voisins, que le « blanca fortis » est toujours là et ne se porte pas trop mal pour son âge ?

Quel habitant de la CUB, à moins qu'il ne soit amateur d'Histoire, sait que la seule forteresse médiévale de l'agglomération bordelaise, qui soit arrivée jusqu'à nous, est le château de Blanquefort ?

Une singularité, qui ne lui assure pas pour autant une grande popularité. Elle reste, en effet, fortement méconnue, du fait peut-être de son statut de lieu privé, semble-t-il. Ce qui n'empêche pas le « blancafortis » de s'ouvrir à la visite. En quelques pas, le visiteur, instruit par les commentaires du guide, réveille dix siècles d'histoire. (1) Il faut en faire la demande ou s'informer du calendrier des journées portes ouvertes. L'association gestionnaire est le Gahble, Groupe d'archéologie et d'histoire de Blanquefort. Site Internet : www.gahble.org.

Au XIXe siècle, l'historien-dessinateur Léo Drouyn, notait dans ses carnets : « Le château de Blanquefort fut l'une des places les plus importantes de Guyenne. Maintenant, il est une des plus belles ruines. » Un de ses successeurs ne changerait pas un seul mot aujourd'hui.

Des fouilles ont révélé une présence humaine, 12 siècles avant Jésus Christ. La présence des Romains fut attestée par la découverte de tuiles et de deux monnaies.

La configuration actuelle apparaît au XIe siècle, quand un donjon rectangulaire est élevé. Ce serait le premier fort en pierres édifié sur un territoire, qui recouvre l'actuel département de la Gironde. Jusqu'alors, les édifices étaient en bois. Comme au temps des Romains, le château fort seigneurial contrôlait la route du Médoc.

La famille de Blanquefort, dans les années 1200, était l'une des plus puissantes de Guyenne. En 1250, Édouard Ier, roi d'Angleterre et duc d'Aquitaine, fait l'acquisition du château et des terres. La forteresse entre alors dans le dispositif défensif de Bordeaux. En 1308, la seigneurie est vendue à Bertrand de Got, neveu du pape Clément V. Durant la Guerre de cent ans, le château passera entre les mains de plusieurs puissantes familles d'Aquitaine. La forteresse connaît ses derniers combats durant les guerres de religion, les propriétaires d'alors étant protestants.

Après la Fronde, le crénelage est rasé sur ordre de Mazarin et l'assèchement des marais supprime la défense naturelle du château. Il est abandonné, puis victime d'un incendie au XVIIe siècle.

À la Révolution, la forteresse est confisquée au titre de « Bien national » et utilisée comme carrière de pierres. Il faudra attendre 1962 pour que le « blanca fortis » soit définitivement protégé. Des campagnes de fouilles et de restauration s'y déroulent régulièrement.

Article du journal Sud-ouest du 13 août 2014, Hervé Pons.

Un nouveau carreau de pavement à la forteresse

À l'occasion des travaux de déblaiement effectués à la forteresse médiévale, un nouveau carreau de pavement estampé a été mis au jour en décembre 2000. La découverte n'est pas exceptionnelle puisque de nombreux fragments sont régulièrement dégagés de leur gangue de terre dès que l'on souhaite débarrasser le monument de ses remblais parasites. Mais ce dernier carreau dégagé, quasiment entier, offre la particularité d'être tout à fait original par rapport à ceux qui sont déjà connus à Blanquefort, ce qui ajoute un nouvel élément à l'importante série déjà inventoriée.

Rappelons que ces carreaux en terre cuite servaient à décorer le sol des salles d'habitation de la forteresse. Sans doute posé au début du XIVe siècle lors de l'importante campagne de reconstruction du bâtiment central de la forteresse, ce décor a systématiquement été détruit au milieu du XVe siècle quand Antoine de Chabannes entreprit la rénovation du site après les dégâts causés par la fin de la guerre de Cent Ans.

Au XIVe siècle, l'objectif avait été d'agrandir le donjon primitif, vieux de trois siècles, par l'adjonction de six tours périphériques ; ainsi transformée en vaste habitation fortifiée, la demeure seigneuriale aquitaine était à même d'accueillir une garnison de soldats dont le rôle était d'assurer la défense de Bordeaux : elle devenait dès lors forteresse, au profit des rois d'Angleterre, à l'époque maîtres de la région. Au souci de maintenir une présence militaire sur un site stratégique (contrôle de la route du Médoc, voie de pénétration d'éventuels envahisseurs, les Français en l'occurrence), s'était ajouté celui d'assurer un confort et une qualité de vie aux occupants des lieux (on mentionnera à ce titre, la mise en place d'un réseau de latrines ingénieuses afin de faciliter l'hygiène et préserver l'intimité de ces derniers) ; les carreaux de sol, fruits d'un artisanat de luxe, participaient par ailleurs au décor du bâtiment et témoignaient de la richesse de la famille possédante.

Au XVe siècle, lors de l'adaptation de la forteresse aux contraintes de l'artillerie, au profit du royaume de France cette fois-ci, d'autres travaux d'embellissement furent réalisés (la porte du bâtiment central, ornée d'un gâble de style flamboyant, en est l'exemple le plus symbolique) et - passés de mode ou faute d'artisans locaux assez qualifiés ? - les carreaux furent remplacés par des plaques de calcaire blanc. Jetés dans la cour intérieure, peut-être pour en renforcer la surface afin de faciliter la manipulation des canons, ou bien utilisés comme pierres de calage dans les murs rénovés, ces carreaux ont depuis lors été soigneusement collectés et étudiés par le chantier archéologique de la forteresse.

De nombreux et différents modèles de carreaux ont déjà été inventoriés à Blanquefort (cf. une première analyse publiée dans le Bulletin du G.AH.BLE, n° 15 et 16, respectivement de novembre 1990 et avril 1991, revue et corrigée dans la présentation qui en est faite aujourd'hui à La Maison du Patrimoine) ; si le dernier mis au jour est de dimensions connues, son motif décoratif n'a par contre pas encore pu être défini avec certitude. Faisant partie des modèles « longs », utilisés comme bordure des compositions réalisées au sol avec des modèles « carrés », ce carreau mesure 15,3 x 10,2 cm (soit une longueur égale à une fois et demie la largeur, norme courante au Moyen Age).

Comme la majorité des carreaux mis au jour à la forteresse, son motif est estampé (marqué en creux dans l'argile molle rouge grâce à une matrice en bois sculpté, puis rempli de pâte d'argile blanche) et sa surface est recouverte d'une glaçure épaisse (enduit plombifère vitrifié). Malheureusement, le dessin du motif est fortement altéré, ce qui rend son interprétation très difficile, d'autant plus qu'aucun autre exemple de ce type n'est actuellement en notre possession. Les recherches entreprises dans divers ouvrages spécialisés n'ont pas encore permis de trouver de modèle s'en rapprochant ; cependant, un motif de carreau, « carré », connu à Blanquefort, peut lui être comparé : il s'agit d'un sagittaire dont le dessin aurait pu servir de base pour réaliser une version « allongée. » Même si on en est donc encore au stade des suppositions quant à l'identification du motif de ce carreau, ce modèle apporte un précieux et nouvel élément à la riche collection des pavements de sol mis au jour à Blanquefort ; dans l'état actuel de nos recherches, la série blanquefortaise atteint 57 motifs différents pour un même site, ce qui la rend particulièrement exceptionnelle et renforce tout l'intérêt de la publication, en cours de réalisation, qui va lui être consacrée.

Texte d’Alain Tridant, extrait du Bulletin du G.A.H.BLE, mai 2001, n°37, p.15-16.

Forteresse-1
Forteresse-4
Forteresse-5
Forteresse-6
Forteresse-3
Forteresse-2
Forteresse-7
Forteresse-8

Le château de Duras à Blanquefort

La tradition fait remonter l'origine du château de Blanquefort à des temps fort reculés et en attribue la fondation à une « dame blanche » d'une grande beauté et possédant des richesses incalculables. C'est elle qui, d'après la légende, hante les ruines, la nuit. D'après Guillon, il s'agirait de Blanca ou Blanqua Bianca, fille d'un chef arabe, établi à Gironville (Macau), qui la laissa après la bataille de Poitiers. Du reste, plusieurs châteaux de la région girondine sont marqués de l'empreinte de leur passage.

Au sujet de l'origine du nom : Blanquefort, il existe trois interprétations :

  1. Blanquefort viendrait de : fort de Blanqua ;
  2. à cause de la blancheur des pierres de son enceinte ;
  3. ou bien en hommage au « vin blanc fort » produit sur son territoire depuis des temps fort reculés. Mais l'emplacement de son château fut occupé par des peuplades très anciennes. On attribue aux Normands le creusement des deux bras de la Jalle. Les Romains s'installèrent à cet endroit, ainsi qu'en témoignent les objets qui y furent découverts : castrum, chapiteau de « marbre blanc veiné de noir des Pyrénées (trouvé sur les bords du fossé d'Andraut), stylet de bronze et monnaies du temps des empereurs romains. D'autre part, pour le remplissage des murs du château, furent employés des briques et du ciment gallo-romains.

Forteresse-chateau-duras

Léo Drouyn prétend qu'un château construit par eux existait encore en partie au XIIe siècle, date à laquelle y furent faits des travaux importants. Akelmus de Blanquefort figurant sur une donation fait par Sanche, comte de Gascogne, en faveur de l'église Saint-André de Bordeaux. Il existe aussi des chartes de 1098 et 1108 et mentionnant Arnaud de Blanquefort de Wilhemfurt, seigneur d'Ornon, à qui elles donnent le titre de chevalier. Arnaud signa, avec Aimeric et Guitard de Bourg et Pierre de Bordeaux, la charte de fondation du prieuré de Mansirot, sous l'invocation de Sainte-Foi. (Nous ne retrouvons aucune trace de ce monument : n'a-t-il pas été bâti ou a-t-il été recouvert par les dunes de Carcans ?). Alméric et Arnaud, vicomtes de Blanquefort, se trouvaient au nombre des dix chevaliers qui s'unirent à Othon, neveu du duc de Guyenne, et prirent les titres de défenseurs et protecteurs de l'abbaye de la Sauve. Arnaud et son épouse donnèrent un franc alleu (bas latin : allodium, terre franche) à cette abbaye, dirigée par Pierre d'Amboise après 1126, une terre située entre la Jalle et le Jallet, moyennant une redevance d'un sixième et demi, le pré d'Esparet. Vers 1130, Amaubin, archidiacre de Saintes, fit donation à l'abbaye de Sainte-Croix de l'église Saint-Nicolas de Blanquefort, située « au-dessous du château ».

En 1137, Gombaud (en latin : Gombaldos, abrégé du gothique : Gondewald, bon guerrier) de Blanquefort, « pour le salut de son âme et celles de ses parents », donna « à la manse et à l'édifice même » du monastère Sainte-Croix, la part de ses biens provenant de la succession de son père. Il lui céda également 250 sous, la dîme des moulins que les moines de la Sauve avaient fait construire sur la Jalle, depuis l'estey Claux « jusqu'à la mer », et la dîme des poissons pêchés dans ces eaux. En 1145, Amauvin de Blanquefort fit don d'une terre « juxta portum de Saucilia », en faveur de Saint~Seurin de Bordeaux, et Austin Robert y joignit une propriété située entre les églises Saint-Seurin et Saint-Vincent. Arnaud reprit aux moines de la Sauve le pré d'Esparet en 1147. Il leur donna en échange la terre d'Omet, le pré de Bégairan et la pêcherie dans la Jalle (le poisson y était alors très abondant et la Garonne arrivait alors jusqu'aux lieux encore appelés de nos jours : Port-du-Roy, la Rivière, l'Ile). Cet acte fut signé à l'Archevêché de Bordeaux, en présence de témoins, dont Pons de Cantemerle. Le même Arnaud déposséda le chapitre de Saint-André des dîmes qu'il possédait sur le village de Cujac, dans la paroisse de Saint-Aubin-en-Jalles. Son successeur, Amalin, les rendit aux chanoines en 1174. Amalin, fils d'Arnaud 1er, figure avec Amanieu d'Albret, Fouques et Mattas, Guillaume Mingaut, sénéchal du Poitou, lors de la confirmation par Richard d'Angleterre des privilèges de l'Abbaye de Sainte-Croix.

En 1173, il eut un différend avec ladite abbaye au sujet des droits de chasse et de pêche à Macau. Désirant que les habitants de ce village lui versent des impositions sur le gibier et le poisson, il fut débouté de sa demande. Vers 1174, nouveau différend, cette fois entre Garsias, évêque de Bazas, et Raymond Bernard, abbé de Clairac, chargés par le pape Alexandre III de trancher entre Géraud de Ramefort, abbé de Sainte-Croix, et P. de Meiolan, prêtre, au sujet de l'usurpation par ce dernier de la chapellenie de Saint-Martin de Blanquefort. Il fut décidé que la collation de cette chapellenie appartiendrait à l'abbé de Sainte-Croix et que les fruits et revenus, de quelque nature qu'ils soient, seraient perçus par moitié entre le collateur et le chapelain. En 1189, les chanoines de Saint-André concédèrent une sépulture dans un cloître, près de sa mère, à Assalide, fille du vicomte de Tartas, femme en premières noces d'Eyquem Guillaume de Blanquefort, et en secondes noces, de R. Bernard de Rauman. Lors de la troisième croisade (1189-1198), un membre de la famille de Blanquefort, Amanieu, se trouvait aux côtés de Richard Cœur de Lion. En 1219, Arnaud III, sous les ordres de Catulle, comte d'Astarac, au service du comte de Toulouse, défendit Marmande assiégé par Amaury de Monfort.

Le roi d'Angleterre tenait en haute estime les seigneurs de Blanquefort, comme le prouve cette lettre du 12 juillet 1234. « Vous connaissez assez la contestation qui existe entre nous et le roi de France ; vous savez comment il s'est emparé méchamment de nos bonnes gens et de notre terre en Gascogne ; en conséquence, nous vous requérons et vous prions en grâce de nous aider, comme vous et vos ancêtres vous avez toujours aidé nous et les nôtres à recouvrer, maintenir et défendre notre dite terre. Faites-en sorte que, dans cette circonstance, nous ayons à nous louer, comme toujours, de vos bons services. » En 1236, Arnaud III déclara la guerre au seigneur de Lesparre (les seigneurs de Blanquefort et de Lesparre figuraient à la tête des hauts seigneurs de la région en 1235). La paix fut conclue sur l'intervention du roi d'Angleterre qui écrivit aux deux barons pour leur annoncer son mariage avec Aliénor, fille du comte de Provence, et leur recommander de vivre en bonne intelligence et faire observer la trêve à leurs vassaux respectifs. À cette époque, la seigneurie d'Agassac dépendait de la châtellenie de Blanquefort. Un des valets de Gaillard d'Agassac ayant été trouvé noyé dans les douves du château, son maître, soupçonné de ce meurtre, fut cité à comparaître devant Pierre de Roquetaillade, juge de Blanquefort. Il protesta de son innocence et fut acquitté en prêtant serment sur le fort de Saint-Seurin de Bordeaux.

À partir de 1241, il est fait souvent mention des palus de Blanquefort appartenant au chapitre de Saint-André, Arnaud, toujours très attaché à la maison de Toulouse, entra en guerre à cause d'elle, avec le vicomte de Fronsac qui en était le plus cruel ennemi. Il s'empara de Bourg, qui lui appartenait. Henri, de passage à la Sauve, écrivit le 22 août 1242, à Arnaud : « Sachez que nous avons établi une trêve entre vous et le vicomte de Fronsac jusqu'à la fête de Saint-André.

Tant qu'elle durera, tout doit rester en paix et vous, ni le vicomte de Fronsac, n'avez le droit de vous faire réciproquement aucun tort. C'est pourquoi nous vous ordonnons, en vertu de la foi que vous nous devez, de laisser en paix le dit vicomte et la vicomtesse sa mère ; nous vous défendons de les molester ou de leur faire la moindre injure, non plus qu'au seigneur de Bourg.

S'il arrive, pendant cette trêve, que quelque dommage ou quelque peine soit causée par votre faute à votre adversaire ou à ses sujets, nous vous condamnerons à payer une amende. Et si, pendant le même temps, le vicomte moleste vous ou les vôtres, et vous fait éprouver quelques pertes, il sera condamné à la même peine. Nous vous prévenons que nous avons écrit dans le même sens au dit vicomte. » La même année, on signale la présence d'Arnaud III à la bataille de Taillebourg et sa participation, comme vassal du roi d'Angleterre, et avec les principaux barons du Bordelais et du Bazadais, à la signature de l'alliance conclue entre le roi de France et le comte de Toulouse. La guerre s'étant rallumée en Guyenne entre Louis IX de France et Henri III d'Angleterre, Arnaud reçut, de ce dernier, cette lettre : « Je vous invite à vous trouver à Sainte-Bazeille le jour de la Saint-Mathieu ; venez-y avec tout le service que vous me devez et tâchez d'emmener à votre suite autant de braves gens que vous pourrez ; ils seront à ma solde et je paierai les frais du voyage. »

Nous avons vu plus haut que le château de Bourg était un sujet de contestation entre les seigneurs de Blanquefort et de Fronsac. Ce dernier ayant trahi la cause anglaise, Henri III attribua Bourg à Arnaud en 1252. (Dom Devienne assure que Montfort avait pris Bourg à Arnaud de Blanquefort. Il dut le lui rendre sur l'insistance du roi d'Angleterre qui envoya un conservateur pour faire exécuter sa décision et rendre la liberté aux prisonniers faits par Montfort.)

Arnaud III eut trois enfants : Eyquern Wilhem ou Ayquem Guillaume, fils ainé (un historien a prétendu qu'il s'agissait de sa fille ou de sa sœur, mais le doute n'est plus possible) ; Thalésie, qui se maria avec le seigneur de Lamarque ; Raymonde, mariée à Pey ou Pierre de Bordeaux. À sa mort, Eyquem lui succéda, mais disparaissant à son tour, Raymonde obtint la seigneurie de Blanquefort et la donna en dot à sa première fille Assalide, épouse de Géraud de Blaye ; sa seconde fille, Ida, s'étant mariée à Béraud de Goth de Lomagne en 1249. Mais, en 1255, Thalésie, dame de Lamarque, privée de l'héritage, implora l'appui du prince Édouard, duc d'Aquitaine, et promit que, si elle recouvrait le château, elle le lui donnerait pendant cinq ans, se réservant les hommages et les revenus.

Édouard ordonna alors à son sénéchal d'assembler les trois états du Bordelais pour rendre justice à la dame si elle y avait droit. Cette réunion eut lieu le 4 avril 1256 dans la chapelle capitulaire des frères prêcheurs de Bordeaux. En firent partie : Gérard de Malemort, archer de Bordeaux ; Raymond, évêque de Bazas ; Géraud de Blaye. Il fut décidé que Pierre Bertrand, époux de Mabile, fille de Géraud de Blaye et d'Assalide, devait remettre le lendemain le château de Blanquefort entre les mains du sénéchal. Pierre Bertrand y avait fait faire de gros travaux. Par un acte du 31 juillet 1247, Mabile reconnut que son mari avait employé de ses propres deniers 100 000 florins pour la réfection du château, celle des moulins (« en la sarta de Penhos ») et celle du château de Bourg. Nous retrouvons, à la date du 12 octobre 1257, un engagement pris par Pierre de Corn (habitait-il au lieu dit Corn à proximité du Vieux-Château ?), prévôt de Pierre Bertrand, de payer annuellement 300 sols bordelais pour la chapellenie fondée par Arnaud, ainsi que l'attribution de 100 sols bordelais pour l'anniversaire d'Arnaud de Blanquefort ; également une charte de Pierre Bertrand, chevalier, assurant 400 sols de rente pour l'entretien du chapelain. La même année, Édouard d'Angleterre chargea l'évêque d’Herisford de prendre possession du château en son nom. De 1257 à 1270, la seigneurie de Blanquefort passa en partie au pouvoir de la dame de Chalès dont la fille Alaïde épousa Bernard de Frencaléon le 15 mai 1270. Alaïde et son mari vendirent au sénéchal Roger de Leyburn (Libourne), agissant pour le compte du roi d’Angleterre, la moitié du château et de la châtellenie moyennant 10 000 livres bordelaises et à la réserve de l'usufruit. Le sénéchal leur accorda de plus l'usufruit de l'autre moitié qu’Édouard possédait par suite de la mort de Talmont, frère d'Alaïde. En 1282, le seigneur de Blanquefort était possesseur de la seigneurie d Audenge qui sera, en 1313, l'objet de contestations.

En 1287 et 1289, Édouard d'Angleterre vint à Bordeaux et, malade, dut aller se reposer au château de Blanquefort, ce qui prouve que les marais étaient plus sains qu'on ne pourrait le penser. Arnaud, fils de Pierre Bertrand, essaya de faire valoir ses droits au château et s'adressa au pape Nicolas IV en 1288. Ce dernier écrivit, en février de l'année suivante, à Édouard 1er, que son sénéchal de Gascogne occupait injustement le château de Blanquefort et celui de Veyrines. S'inclinant, le roi concéda à Arnaud le château à titre de fief révocable et à Arnaud de la Lande, prêtre, la chapellenie du château moyennant 50 sous sterling de redevance (14 juin 1289).

En 1297, le roi Édouard reconnut en douaire à sa femme Marguerite, sœur du roi de France, le château et la châtellenie et une somme égale aux revenus de cette seigneurie qui devait être perçue sur les péages de Bordeaux et de Marmande. Auparavant, en 1290, une pétition avait été adressée à Édouard par Bertrand de Blanquefort réclamant la possession de prestations seigneuriales qui lui étaient dues par la vicomtesse de Fronsac pour les paroisses de Mios et de Salles. Ce Bertrand était l'un des grands maîtres de l'Ordre des Templiers. Le 21 avril 1308, un bail fut passé par Pierre Guillaume de Blanquefort, seigneur de Mataplan, damoiseau (damoiseau : en latin domicellus, diminutif de domino, donzel ou donset).

Le 16 juin 1308, le roi Édouard II fit don de la seigneurie de Blanquefort à Bertrand de Goth, neveu du pape Clément V (celui-ci, fils de Béraud et Ida) et fils aîné d'Arnaud Garsie de Goth. « Sachez qu'à cause de notre amitié pour le Souverain Père Clément et du désir que nous avons de lui être agréable et pour les bons services que nous avons attendus de son neveu Bertrand de Goth, chevalier, nous désirons faire à ce dernier un don qui lui serait agréable. En conséquence, nous lui donnons le château et la ville de Blanquefort avec tous ses revenus se montant à 1 500 livres chipotines.

Nous garantissons pour nous et nos héritiers cette possession que Bertrand pourra transmettre à ses héritiers légitimes. Et comme Bertrand sera tenu d'être notre intermédiaire lorsque nous aurons des affaires avec la cour romaine, si les revenus de la seigneurie n'atteignent pas 1 500 livres chipotines par an, l'appoint en sera fait à lui ou à ses héritiers sur la coutume de Bordeaux par les mains de notre connétable jusqu'à ce que nous lui ayons octroyé d'autres terres dans le duché d'Aquitaine. » Devant les réclamations relatives à cette donation, le roi se crut obligé de la confirmer par des lettres du 1er février 1312, en ajoutant encore de nouveaux bienfaits à ceux dont il avait comblé Bertrand de Goth. Ainsi, le 16 janvier 1313, ce dernier reçut Puyguilhem et Monségur. Mais le roi d'Angleterre n'était pas le seul à lui faire des dons, puisque le roi de Sicile se montra aussi très généreux envers lui. Mais Bertrand de Goth dépensait beaucoup et ses besoins augmentaient sans cesse. Ne reculant devant aucun moyen, et aidé de son cousin, Raymond Guillaume de Budos, il détourna du trésor du pape plus de 300 000 florins d'or nécessaires à la préparation d'une croisade. Il en fut plus tard pardonné.

Arnaud de Blanquefort, frère du seigneur d'Audenge, archidiacre de Cercès et prévôt de l'église d'Arles, mourut et fut enseveli dans la chapelle Sainte-Catherine de la cathédrale Saint-André de Bordeaux, sépulture de la famille de Blanquefort en 1310. En 1313, Bertrand d'Audenge qui relevait du seigneur de Blanquefort, se prétendit exempt d'hommages envers lui, sous prétexte que lui et sa femme Aude de Tiran (ancien château de Saint-Médard-en-Jalles qui conserve des souterrains) étant issus d'un frère puiné de Bertrand, ne devaient cet hommage qu'au seul roi d'Angleterre. Le monarque anglais en décida autrement et contraignit Bertrand d'Audenge à être vassal de Bertrand de Goth, sauf cas d'appel de la cour royale. Ce Bertrand d'Audenge, damoiseau, avait reçu, le 14 novembre 1308, la somme de 558 livres 5 sous et 4 deniers chipotins en dédommagement.des pertes qui lui furent causées par sa participation à la guerre entre Édouard Ier et le roi de France. Rose de Blanquefort, sœur d'Arnaud, fit son testament en 1316. De son premier mariage avec Braïde de Blanquefort, Bertrand de Goth n'eut pas d'enfants. Il se remaria avec Béatrix, vicomtesse de Lautrec, dont il eut Régine. Celle-ci, mariée avec Jean d'Armagnac, mourut sans enfants.

Auparavant, elle testa au château de Lavardens, en faveur de son mari qu'elle institua son légataire universel (12 août 1325). (Régine ayant soutenu le parti français, ses propriétés en Bas-Médoc furent confisquées.) Mais ce testament fut attaqué devant le Parlement de Paris par le comte de Durfort de Duras, mari de Marquisa, nièce de Bertrand de Goth, et le duc de Bourbon, chargé de prononcer, accorda le château de Blanquefort à la maison de Durfort en 1323 ou 1325. Ce fut Gaillard de Durfort, second fils d'Arnaud de Durfort et de Marquisa de Goth, nièce de Clément V, qui en devint le maître, son frère aîné gardant la possession des terres de l'Agenais appartenant à la famille.

Cependant, s'étant attaché au service du roi de France, ses possessions en Guyenne furent confisquées en 1326. Entre 1326 et 1334, le château fut pris, pour le compte de Philippe de Valois, par Pons Arnanieu de Madeilhan, qui ne le conserva que peu de temps. Le 14 mars 1338, le château fut donné, par le roi d'Angleterre, à Gaillard, seigneur de Landiras, malgré la donation qu'en avait faite Philippe de Valois à Jean Eymen de Durfort en 1334, donation purement fictive. Puis, le roi d'Angleterre donna le château à Bernard Ezi, seigneur d'Albret, le 18 octobre 1341. Ne l'aurait-il conservé que quelques semaines ? Car, par un titre du 23 novembre 1341, nous savons qu'il était possédé, à cette date, par Jean de Saint-Symphorien.

Nous savons qu'en 1343, Marie de Blanquefort était mariée à Gaillard d'Ornon. Le 8 août 1344, Gaillard de Durfort rentra en possession de ses biens et Jean Eymeri ayant été tué en 1345 au siège de Bergerac, il fit sa soumission au roi d'Angleterre qui lui donna, avec Blanquefort, moitié de la seigneurie de Veyrines, sentence confirmée le 12 juillet 1348. Le 14 octobre 1349, divers habitants de Blanquefort firent au chapitre de Saint-André une reconnaissance, déclarant « qu'eux et leurs pères et prédécesseurs ont été, de tout temps, et que leurs héritiers et successeurs devront être questaux du vénérable chapitre de Bordeaux pour faire la quête et taille à sa volonté et, en outre, ont convenu expressément de faire dorénavant à perpétuité par chacun an trois manœuvres avec bœufs, brogs (charrettes) et leur propre corps, et ceux qui n'ont point de bœufs ni de brogs, avec leur propre corps aux frais et dépens du dit chapitre. » L'inconstance et l'ambition de Gaillard de Durfort lui firent perdre la faveur du roi d'Angleterre. Il fut même fait prisonnier par lui à Eymet en 1353. Certains historiens pensent qu'il fut tué à la bataille de Poitiers, en 1356. Le château fut donné le 21 mars 1355 à messire Auger de Montaut, chevalier, seigneur de Mussidan, en échange de la baronnie de Gensac.

À ce moment-là, Gaillard II implora de nouveau sa grâce et, peut-être par nécessité, le roi se montra clément envers lui. Le 13 avril. 1356, il reçut mission, avec le sénéchal de Gascogne, le maire de Bordeaux et quelques barons du parti anglais, de négocier la paix avec les commissaires du roi de France. Il fit hommage de sa seigneurie au roi d'Angleterre, en présence du prince de Galles, dans l'église Saint-André de Bordeaux. Il avait épousé Éléonore, sœur d'Archambaud, comte de Périgord, qui lui apporta en dot 2 000 florins. Ils eurent deux enfants, Jean et Gaillard. En 1358, eut lieu une reconnaissance identique à celle du 14 octobre 1349, entre les habitants et le chapitre de Saint-André.

Le seigneur de Blanquefort sollicita arbitrage dudit chapitre à propos d'un différend opposant aux habitants d'Issan, en 1365. Il revendiquait lesdits habitants comme étant « ses hommes questaux, taillables à la mercy dudit seigneur ès biens et personnes ». Après arbitrage, composition et transaction, le chapitre décida « que les habitants sont libres et francs, que les contrats de questalité seront cassés et annulés, qu'ils seront aussi quittes des 50 livres dont ils étaient taillés annuellement en payant tous les ans au seigneur, outre les droits d'aguière, 10 tonneaux de vin portés à l'un des ports de la Bastide, Macau, La Barde, Margaux, plus une poule par chaque feu, deux manœuvres à bœufs ceux qui en ont, sinon la personne pour ceux qui n'ont bœufs et nourri celui qui assistera ensuite 5 sous bourdelais d'export à nuance du seigneur ». Un historien a affirmé, qu'après ses chevauchées en Espagne à la tête des Compagnies, Duguesclin, ayant été fait prisonnier par le Prince Noir (1367), fut emmené captif à la forteresse de Blanquefort. Mais il est difficile de certifier ce dernier point.

En 1378, Gaillard de Blanquefort reçut le titre de prévôt de Bayonne, « n'avec toutz les profitz, gens, cens, rentz, revenues, et autres esmolumentz à y celle appartenantz, parmi ce qu'il en face au toi nostre dit seigneur, et aux siens, homage liège et autres droiz et devoirs et qu'en doivent estre faitz et sont duez et accoutumez ». Gaillard III fut fidèle à la cause anglaise, malgré un accord passager avec Amanieu, seigneur d'Albret, et Gérard d'Albret, seigneur de Sainte-Bazeille, qui tenaient pour le roi de France, le 5 août 1388. Mais il en coûte parfois cher d'être fidèle. Aussi bien, sur ordre de Charles V, en 1389, ses terres de l'Agenais furent confisquées et son château de Duras rasé.

« Le seigneur de Duras, à qui Thomas Felton avait écrit pour lui demander main-forte, fut fait prisonnier par le duc d'Anjou. Celui-ci le laissa libre à condition de ne plus porter les armes contre les Français. Cette clause n'ayant pas été respectée, d'Anjou marcha sur Duras. Le seigneur de Duras s'y rendit pour le défendre. La ville fut prise d'assaut et tous ses habitants furent passés au fil de l'épée. Le château fit plus de résistance, et comme elle retardait les opérations du duc, il reçut à composition Gaillard de Duras qui revint à Bordeaux et reçut des Anglais, en dédommagement, Monségur et Lesparre. » (D. Devienne.) Pour le dédommager, le roi d'Angleterre le nomma son sénéchal en Gascogne, ce qui lui donna l'occasion de rendre service aux jurats de Bordeaux se trouvant dans des circonstances difficiles. Le 14 septembre 1389, eut lieu un accord entre le chapitre de Saint-André et les habitants du lieu dit « Saules se » qui demandaient de fixer le chiffre de la taille, « attendu la misère à laquelle les avait réduits la guerre ». Au XIVe siècle, la puissance de la seigneurie de Blanquefort était immense, sa juridiction comprenant une grande partie du Médoc et se prolongeant jusqu'au bassin d'Arcachon. Parmi ses vassaux, on peut citer les seigneurs d'Arès, de Margaux, d'Audenge, de Giscours, d'Issan, de Macau (celui-ci possédé durant deux siècles) et, parmi les paroisses dont elle avait haute justice : Soussans, Avensan, Maurian, Ludon, Le Pian, Cantenac, Arsac, Saint-Médard-en-Jalles, Bruges, Eysines. Etaient également soumis : Garsies, Breillan, Sénéjac, Parempuyre, etc. Les archives départementales de la Gironde possèdent un état des recettes perçues par Guillaume Robert de Blanquefort sur le seigneur d'Arsac (1395).

Le 11 avril 1403 ou 1404, la concession du barrage de « Castelhones » (Castillonnès) fut accordée au seigneur de Blanquefort. Le 1er septembre 1404, il lui fut soldé 1 000 marcs sur ses gages. Dès 1398, il est fait mention de « Saint-Martinus » de Blanquefort comme faisant partie de l'archiprêtrie de Moulis. « Il est à peu près constant dans le diocèse de Bordeaux que les églises sous le vocable de Saint-Martin ont remplacé des édifices chrétiens très anciens et sont construites sur l'emplacement de bâtiments romains. La plupart de nos paroisses rurales existaient sans doute déjà et possédaient un lieu de culte durant la période mérovingienne et carolingienne. La découverte de sarcophages dans l'ancien cimetière de Blanquefort semblerait le prouver. L'église primitive était d'un curieux style byzantin. Il n'en reste qu'une petite partie constituée par une absidiole et la sacristie. On estime sa fondation à la fin du XIème ou au début du XIIe siècle. Elle fut incendiée au XIIIe siècle, restaurée à cette époque, puis au XVIe, avant de connaître de nouvelles vicissitudes, dont nous parlerons plus loin. Une statue de Saint-Antoine du Désert fut retrouvée lors de réparations sous le clocher, en 1874. Après restauration par le sculpteur Ch. Braquehaye, elle fut replacée le 28 juin 1874. Faite en pierre calcaire au grain fin, elle mesure 1 m. 12 de haut, sa base hexagonale irrégulière a 32 centimètres sur sa plus grande largeur de face et 20 centimètres d'avant en arrière. Dans sa main gauche, saint Antoine tient un bâton et, dans sa main droite, un livre fermé. On suppose que cette œuvre date du XIVe siècle, époque à laquelle on attribua à ce saint la guérison du « mal des ardents.

Les habitants de la juridiction de Blanquefort, outre les bourgeois et les gentilshommes, se divisaient en deux classes : les uns, possesseurs de petites terres allodialles, se donnaient le titre d'hommes francs ou libres ; les autres étaient serfs questaux et leurs conditions de travail étaient épouvantables.

Les héritiers du seigneur Houquet de La Trau levèrent l'étendard de la révolte à l'instigation du roi de France. Leur maison de Livran, avec les dépendances dans la juridiction de Lesparre, leur fut confisquée et fut attribuée à Gaillard de Durfort (2 juin 1415). Le roi d'Angleterre permit à Gaillard d'établir foire et marché à Alabar, dans le domaine de Blanquefort, le 8 avril 1415. Gaillard, un des quatre barons du Bordelais, assistait à ce titre, au Conseil royal. Ayant reçu la seigneurie de Gensac en 1416, Auger de Mussidan réclama une indemnité en compensation de la perte du château de Blanquefort.

Il lui fut attribué le château et la châtellenie de Blaye. Jean de Durfort succéda à son frère. Le 18 mai 1423, Henri IV d'Angleterre lui donna la prévôté de Bayonne, charge déjà possédée par Gaillard en 1378. Il le fit de plus sénéchal des Landes le 22 juin 1423 et sénéchal d'Aquitaine en 1440. Jean de Durfort mourut à un âge avancé et fut enterré dans l'église des Frères Mineurs de Bordeaux où était la sépulture des seigneurs de Duras. Gaillard IV fut son successeur. Il avait reçu la charge de prévôt de Bayonne le 18 mai 1439. Il fit un voyage en Angleterre en 1445. Le 4 février 1450, il fut nommé conseiller du roi dans la cité de Bordeaux et le 21 mars de la même année, bourgeois de cette ville. Mais le roi de France Charles VII achevait la reconquête de son royaume.

Le nom de Gaillard IV figure dans le traité du 12 juin 1451, lors de la soumission de la Guyenne au roi de France, et le 9 octobre, lors de la capitulation de Bordeaux. Il participa à ces pourparlers avec l'archevêque Pey-Berland, le seigneur de Langoiran et quelques autres barons venant traiter « au nom des trois états de la ville et cité de Bourdeaux et du pays bourdelois et autres états de Guienne, étant du présent en la main du roi d'Angleterre. Pendant trois ans, il ne cessa d'intriguer en faveur de la cause anglaise. Mais le château dut capituler en 1453 à la suite d'un siège mené par les comtes de Clermont et de Foix, le sire d'Albret, Xaintrailles et probablement Dunois.

Ce fut une des dernières places fortes anglaises en Guyenne. Gaillard dut songer à sa personne et passa en Angleterre. Ses sujets le regrettèrent fort et attendirent avec impatience son retour. Il vécut en Angleterre avec la somme de 100 livres par an que lui accorda le roi anglais et qui lui était payée moitié à Pâques et moitié à la Saint-Michel. Mais, cette pension trop insuffisante, fut relevée à 200 livres, le roi se rendant compte de l'extrême pauvreté de celui qui lui avait été si fidèle. Il lui donna également un sauf-conduit pour voyager dans toute l'Angleterre, par terre et par eau, et se livrer au commerce ; puis, il lui octroya 200 livres à percevoir sur les revenus des pêcheries et domaines royaux.

En 1470, Gaillard reçut le titre de conseiller chambellan et le gouvernement de Calais et fut décoré de l'ordre de la Jarretière. Par lettres datées de Westminster, le 28 juillet 1473, Édouard lui fit don de la seigneurie de Lesparre, titre purement fictif, la Guyenne étant au pouvoir du roi de France. À la suite des interventions de Gaillard, le roi eut l'intention de reprendre la Guyenne et désigna ce seigneur pour commander l'armée levée à cet effet. Un débarquement eut lieu à Brest, mais échoua piteusement. Durant ce temps, le château de Blanquefort était passé entre les mains du comte de Dammartin, puis de Jean Aubin, seigneur de Malicorne, en 1469. Parmi les archives départementales, nous retrouvons, datée de 1470, une donation de Ramond Eyquem « sur terre et aubarède à Blanquefort, lieu-dit l'Angle, pour la messe du dimanche instituée par Raymond Barde ».

Gaillard rentra en France peu après, et fut rétabli dans, sa châtellenie par Louis XI, en 1476. Il s'était marié en Angleterre avec Anne de Suffolk. Son fils Jean réunit à la terre de Blanquefort, les seigneuries de Tilh (Saint-Médard-en-Jalles) et de Bussac, à la suite de son mariage avec Jeanne Angevin de Rauzan. Il fut maire de Bordeaux en 1480 et succéda à son père tué en Bourgogne en 1487. Il eut huit enfants de son mariage avec Jeanne Angevin, puis se remaria avec Catherine de Foix, dame de Monbadon. Le curé de Blanquefort, à cette époque-là, se nommait Bernard de Rival. En reconnaissance de l'éducation et des soins qu'il avait donnés à son neveu, le chanoine Arnaud de Rival, il reçut 100 livres en testament de celui-ci en 1489.

En 1491, Jean de Durfort fut chargé de conduire le ban et l'arrière-ban de la noblesse du pays bordelais convoqué par Gaston de Foix, captal de Buch. Il se distingua dans les guerres d'Italie et mourut en 1520. François de Durfort, son second fils avec Jeanne Angevin, lui succéda, Il combattit, en 1503, au Royaume de Naples, à côté de Bayard et se fit remarquer dans une sanglante affaire près de Gaète. Colonel d'infanterie à Marignan, il reçut en récompense, par lettre patente de septembre 1520, l'établissement de quatre foires par an à Blanquefort et un marché par semaine en chacune de ses autres places de Rauzan, Pujols et Villandraut.

Les deux premières de ces places, ainsi que Civrac, près de Castillon, avaient été apportées à la maison-mère par son frère Jacques de Durfort. Dans le château de Civrac, se trouvait une sépulture sur laquelle on pouvait lire : Jean-Claude de Durfort décédé en 1579. Charles de Durfort décédé en 1626. Jacques de Durfort décédé en 1682. François avait épousé Catherine de Gontaut, fille de Pons de Gontaut et de Marguerite de Montferrand (1519). Il en eut deux fils : Henri et Symphorien. Il testa le 12 septembre 1524 avant de repartir pour l'armée et fut tué en Italie deux jours avant la bataille de Pavie, c'est-à-dire le 22 février 1525. Son second fils Symphorien fut un rude soldat et un homme de guerre réputé de son temps. Il se battit dès sa jeunesse et fut choisi par le roi Henri II pour être un des quatre premiers colonels de régiment, au même titre que Charles de Brissac et Blaise de Montluc. Gentilhomme ordinaire de la chambre du roi, colonel du régiment des légionnaires de Guyenne, il embrassa le parti de la Réforme. Il joua un grand rôle dans les guerres de religion qui ensanglantèrent la Guyenne, la Gascogne et le Périgord et, particulièrement, dans la guerre de 1562. Symphorien avait accepté le commandement de la Basse-Guyenne sur le refus du seigneur de Caumont. Depuis Marseille jusqu'à l'Océan, toutes les villes paraissaient disposées à se soumettre à la reine de Navarre, sauf Toulouse et Bordeaux. Marschâtel précipitait sa marche, tandis que Symphorien entrait en Guyenne. Les deux lieutenants du roi se mirent à la poursuite de ce dernier qui menaçait Bordeaux.

Mais Montluc et Buru n'étant jamais d'accord, seul le second, avec la moitié de l'armée royale, se dirigea sur Bordeaux avec l'assistance de Terride et de Charny. Montluc, faisant le siège de Montauban, apprit que Symphorien échappait à Buru. Il courut alors en Basse-Guyenne, entra le 11 juillet à Bordeaux, prit Monségur, mit le siège à Duras où il ne prit que 150 corselets et trois canons et commit partout des cruautés dont il se vante dans ses commentaires. Symphorien vengea son premier échec en livrant Lauzerte à ses huguenots qui pillèrent tout et massacrèrent 500 habitants. Après avoir réuni son armée à celle de Marschâtel, il jugea prudent d'exécuter l'ordre du prince de Condé et d'aller rejoindre à Gourdon le contingent envoyé du Poitou par François de la Rochefoucauld. Il concentra toute son armée à Gourdon le 2 septembre.

Ses soldats avaient comme enseigne une camisole blanche sur leurs armes. Duras n'avait pas assez de canons ni d'argent pour mener ses troupes jusqu'à Orléans. Il se décida d'aller à Montauban chercher des canons. Il prit Castelfranc, Albias, Douelles ; il voulait tenter une attaque sur Cahors, mais son projet ayant été éventé, il précipita sa marche sur Montauban. Il se trouva en présence avec l'armée royale sur le plateau de Caussade. Ses adversaires n'attaquant pas, il prit six canons à Montauban, le château Mercuès et Gourdon où il dévasta J'église des Cordeliers. Le 5 octobre, avec ses 1.500 hommes, il tentait un vigoureux assaut d'Agen. Il fut repoussé, brûla les faubourgs et se dirigea sur la Vézère.

Le 8 octobre, il fut battu dans la plaine de Vergt. Pendant cette campagne, Symphorien parvint, avec une armée numériquement très faible, à occuper pendant six mois Montluc, dont J'armée était bien plus nombreuse que la sienne, permettant ainsi au prince de Condé d'atteindre Orléans et de s'y fortifier. Après cette campagne, Symphorien assista à la bataille de Dreux et fut tué au siège d'Orléans en 1563, à peine âgé de 40 ans. Son corps fut porté à Duras et enterré dans la chapelle de la Madeleine. Pendant ce temps, le château de Blanquefort était pris et repris par les catholiques et les réformés. Il passa, par exemple, entre les mains de Montluc et de Montferrand. En 1562, les huguenots s'en emparèrent, mais M. de Sygan, capitaine des milices bordelaises, les força à évacuer la place. Symphorien de Durfort avait épousé Barbe Cauchon de Maurepas, dame d'honneur de la reine Eléonore d'Autriche, qui, veuve, épousera Guy de Chabot, baron de Jarnac (celui du coup de Jarnac). Il eut d'elle deux fils : Jean et Jacques.

Pour la petite histoire, signalons un procès entre le chapitre de Saint-André de Bordeaux et les habitants de Saulesse en 1564 ; que le notaire de Blanquefort se nommait de Lauret en 1599 et, en 1600, une plainte amère du clergé se plaignant que, dans la paroisse de Blanquefort, « infiniment de personnes prennent la dîme sur elle à son grand détriment et celui du service religieux et à celui de l'archevêque privé des cartières qu'on ne lui paie pas ». Signalons, au passage, que la dîme se payant à l'endroit encore appelé de nos jours « la Dimière ».

Dom Devienne nous dit que : « Le 13 juin 1573, le Parlement apprit, par le rapport de deux de ses membres, que le château de Blanquefort avait été pris par les gens de la religion. Dusault, avocat du roi, requit qu'on mandât le gouverneur. Montferrand prétexta des affaires et ne se rendit pas au palais. Alors, le Parlement rendit un arrêt qui condamnait La Plane, commandant du château de Blanquefort, à être mis dans les prisons de la conciergerie du Palais, afin que son procès lui fût fait, pour avoir découché la nuit que cette place avait été prise, avec ordre audit Montferrand de remettre promptement le château sous l'obéissance du roi. On arrêta, de plus, que le roi serait informé de la conduite peu respectueuse du gouverneur, afin qu'il plut à Sa Majesté de le faire rentrer dans son devoir. Deux jours après, Montferrand vint au Palais et s'excusa de ce qu'il ne s'y était pas rendu le jour précédent. Le premier président lui dit que la compagnie l'avait envoyé chercher à l'occasion de la prise du château de Blanquefort, qu'elle avait appris avec joie qu'il était repris ; mais qu'elle ne pouvait s'empêcher de punir le capitaine La Plane pour n'avoir pas fait son devoir. Il lui fit ensuite quelques reproches de ce qu'au mépris des ordres du roi et des arrêts de la cour, il employait des gens de la religion. Montferrand, piqué, dit qu'il ignorait que le dit La Plane fut suspect ; qu'au surplus, ce n'était point au Parlement, mais au roi et à Monsieur, qu'il devait rendre compte de ses actions; qu'en tout cas, à moins que la cour ne l'y forçât, il ne le ferait jamais devant ledit Benoît de L'Agebaston, premier président, parce qu'il lui était suspect et que depuis longtemps il se montrait ouvertement son ennemi. »

Jean de Durfort fut député en 1573 par le roi de Navarre vers le pape Grégoire XIII pour demander la levée des excommunications lancées contre la famille royale. Il fut également gouverneur de Casteljaloux. Contre son ordre, Henri de Turenne, qui était du parti protestant, avait franchi les murailles de la ville. Il s'en suivit un duel qui nous est conté par le duc de Bouillon dans ses mémoires (p. 179-183) : « Le rendez-vous était au bout du Gravier... Les armes choisies étaient une épée et un poignard... Turenne avait comme second Jean de Gontaut-Biron, baron de Salignac, et Jean de Durfort avait son frère Jacques.

Le jour venu, nous prenons chacun un courtaud, écrit Turenne, des éperons sur nos bas de soie, nous faisant suivre par les petits laquais ; nous sortons par la porte du Pin, et nous nous rendons au lieu désigné où nous demeurâmes près de deux heures. À la fin, nous voyons venir les deux frères montés sur deux chevaux d'Espagne, contre ce qu'ils avaient arrêté. Je m'arrête et mets pied à terre, le baron près de moi, faisons ôter nos éperons et priâmes Dieu. Eux aussi mettent pied à terre ; Durfort s'avance pour nous visiter ; nous étions tous détachés, la chair nous paraissant par l'ouverture de nos chemises ; eux ne l'étaient, mais seulement déboutonnés de quelques boutons. Ainsi que Durfort me visitait, je lui mis la main sur le pourpoint, lui disant qu'il n'était maillé, le tenant trop galant homme. Je dis de même à son frère qui était à dix pas de moi ; je dis qu'il avait des éperons. Je lui dis qu'il les ôtât, le pouvant faire tomber, ce qu'il fit.

Durfort me dit ce que j'avais à demander à son frère ; je réponds que nous n'étions là pour nous éclairer que par les armes, lesquelles nous mîmes au point et allâmes les uns aux autres. Je lui donnais des estocades que je croyais le percer. Il me blessa un peu à la main gauche ; il tombe, je le fais se relever ; je veux aller aux prises, me jetant sur lui ; je rencontre le bout de son épée du bras gauche et m'en blesse. L'ayant mené plus de soixante pas, j'ouïs le baron de Salignac qui disait à l'aîné : prenez une autre épée. Il survint 9 ou 10 hommes de Durfort qui commencèrent à me charger par devant et par derrière, de sorte qu'ils me donnèrent 28 coups de quoi il y en avait 22 qui me tiraient du sang et les autres dans mon habillement. Je ne tombe ni mon arme. Pensant m'avoir donné assez de coups, ils me laissent. Il arrive quelques gens de la ville et même le gouverneur qui me raniment ; étant pansé, mes coups sont reconnus sans danger. Ce duel eut lieu en mars 1579, près du bourg de Saletat. »

Cette affaire eut un grand retentissement, mais les deux adversaires s'étant réconciliés, Turenne donna sa fille en mariage au petit-fils de son adversaire. Jean de Durfort testa le 27 janvier 1584, en disant notamment ceci : « Je déclare et confesse que n'ayant point fait de péchés dans ma vie plus énorme que celui d'avoir été huguenot, j'en demande pardon à Dieu et implore sa miséricorde. » Il mourut en février 1587, près de Libourne. De son mariage avec Marguerite de Grammont, il n'eut pas d'enfant. Son frère Jacques, ruiné, céda le château de Blanquefort à Antoine de Roquefeuille, ne se réservant que les droits de justice et de revenus qu'il aliéna en 1601. D'une obésité prodigieuse, il mourut d'apoplexie en 1626. Guy Aldonce, qui avait épousé Élisabeth de la Tour, sœur du grand Turenne, lui succéda. Louis XIII et Mazarin détruisirent, comme chacun sait, de nombreuses installations féodales. Blanquefort n'échappa pas à la mesure. Le château fut évacué et l'on fit sauter les installations principales des tours centrales. Les seigneurs de Durfort résidèrent alors dans leur terre de Duras mais firent construire à proximité du château de Blanquefort une maison appelée Curgan, dans laquelle ils vinrent passer quelques jours par an. De plus, Ils firent bâtir à Bordeaux l'hôtel Duras, « à l'extrémité occidentale du Campaure ».

Curgan est, de nos jours, divisé en deux parties par suite de la création d'un chemin venant de la mairie actuelle et se dirigeant vers le Vieux-Château. Une de ces parties est encore entourée d'un mur ancien. Dans les allées de la propriété, se trouvent des petits monuments provenant du château. À l'intersection de deux chemins, est situé le cimetière du château de Duras où furent enterrées les victimes de la Male jornade. Des ossements y furent retrouvés et, il y a peu de temps encore, lors des processions, des prières étaient dites à cet endroit que les vieux Blanquefortais appellent : cimetière des Anglais.

Louis de Durfort succéda à Guy Aldonce, puis ce fut son fils Jacques Henri. Jacques-Henri de Durfort, né en 1626, mort en 1704, doyen des maréchaux de France, avait commencé sa carrière militaire en qualité de capitaine dans le régiment de Turenne, son oncle. Il se distingua aux batailles de Mariendal et de Nortlinguen, aux prises de Landau et de Trèves. En 1651, il abandonna la cause royale pour suivre Condé qui le créa lieutenant général, titre qui lui fut conservé lorsqu'il fit la paix avec la cour en 1657. Il servit avec distinction en Italie, en Flandre, accompagna Louis XIV lors de son voyage dans les Pays-Bas et fut nommé prince gouverneur de la Franche-Comté et de Bourgogne et enfin duc et pair en 1689.

En 1650, les véritables chefs militaires de la Fronde bordelaise, les marquis de Sauveboeuf et de Lusignan, cavalcadèrent dans le Médoc et s'emparèrent des châteaux de Castelnau et de Blanquefort. Au sujet des combats livrés près de ce dernier à cette occasion, un chroniqueur du temps nous rapporte ce qui suit : « On eut beau leur démontrer que le poste était d'un très difficile accès, qu'il était coupé d'un canal plein d'eau, traversé par un pont rompu et défendu par deux pièces de canon ; qu'ils avaient affaire à de vieilles troupes bien disciplinées, rien ne put les contenir et quelques-uns accusaient en murmurant le duc de Bouillon d'intelligence avec leurs ennemis parce qu'il leur disait toutes allusions qu'il pouvait et qu'il devait pour les empêcher d'aller les attaquer. Il les y mena donc, voyant leur obstination. Après qu'ils eurent fait deux ou trois décharges et tué 80 ou 100 hommes, du nombre desquels furent deux capitaines de Navaille, la nuit les sépara et ils se retirèrent avec assez de désordre. » Le 26 août 1650, le maréchal de La Meilleraye ordonna au comte de Palluau de se saisir du château de Blanquefort et d'y camper. Comme ce château n'était point en état de résister, le duc de Bouillon ordonna à l'officier qui le gardait avec 50 hommes de l'évacuer et de se retirer à Bordeaux.

Les marais de Blanquefort appartenaient en partie au seigneur du lieu, en partie à la ville de Bordeaux. Dès le 5 juin 1657, le seigneur de Durfort, ne connaissant pas très bien les limites sa propriété, fit faire des canaux dans les palus de Bordeaux, mais il dut interrompre les travaux devant les nombreuses protestations soulevées. Mentionnons aussi, en 1684, un appel du curé de Blanquefort, au prône, incitant les paroissiens à verser intégralement la dîme. Nous voyons que, depuis 1600, rien n'avait changé dans ce domaine. Par contre, le clergé avait plus de succès en matière d'apostolat, puisqu'un état important des nouveaux convertis dans la paroisse est dressé en 169l.

Guy-Alphonse de Durfort de Duras, duc de Lorges, né en 1650, servit en qualité de lieutenant général dans l'armée de Turenne. A la mort de celui-ci, il sauva cette armée par sa présence d'esprit et son courage. Mme de Sévigné conte cette scène à Mme de Grignan dans une lettre du 28 août 1675. II déploya également de grands talents à Altenheim, gagna la bataille de Pfortzheim où il fit prisonnier le duc de Wurtemberg (1692), força les Impériaux à lever le siège d'Emersbourg et, l'année suivante, contraignit Montecuculli à repasser le Rhin en toute hâte. Pour le remercier, Louis XIV le fit capitaine des gardes, maréchal de France (1676) et duc et pair de France. II fut le beau-père de Saint-Simon. Il mourut en 1703. Louis de Durfort, comte de Feversham (1638-1709), frère du précédent, quitta le service de Louis XIV pour passer à celui de Charles II, qui l'envoya en France en qualité d'ambassadeur lors de la paix de Nimègue. De retour en Angleterre, il fut nommé vice-roi d'Irlande, premier écuyer de la reine, veuve de Charles, et généralissime des armées de Jacques II. Il battit le duc de Mommouth à la bataille de Sedgemor, le fit prisonnier, et eut l'honneur de former à l'art de la guerre le fameux Churchill, depuis duc de Malborough. Jean-Baptiste de Durfort, fils de Jacques-Henri (1684-1770), entra d'abord aux mousquetaires.

En qualité de colonel, il se signala successivement en Allemagne et en Espagne. Lieutenant-général en 1720 et gouverneur de la Guyenne deux ans après. En 1744, il se trouva aux sièges de Kelh, de Philisbourg, de Worms, et contribua puissamment à la prise de ces trois places. Commandant du Château-Trompette de Bordeaux, maréchal de France en 1751, gouverneur de la Franche-Comté en 1755. Il s'était marié avec Mlle de Bournonville.

Emmanuel-Félicité de Durfort, fils du précédent (1715-1789), fit ses premières armes en Italie comme aide de camp de Villars. Il se trouva à toutes les guerres du règne de Louis XV et s'y distingua par son courage et ses talents. Ambassadeur en Espagne en 1752, il fut choisi par le roi pour commander en Bretagne lors des troubles qui éclatèrent après la malheureuse affaire de la Chalotais. Aux qualités de guerrier, Emmanuel joignait les grâces de courtisan et les connaissances de l'homme de lettres. Et, bien qu'il n'eût jamais rien écrit, il fut reçu à l'Académie française par Buffon. Pair et maréchal de France, il fut aussi gouverneur de la Franche-Comté.

Au sujet de son ambassade en Espagne, on lit dans l'Histoire de la Révolution française de Ferrand et de Lamarque : « On trouve, dans le « Livre Rouge », des ordonnances de 90 000 livres pour ameublement et vaisselle d'argent achetés de M. le duc de Duras pour M. l'abbé de Bernis ; de 102 955 livres pour meubles et effets achetés à Madrid de M. le duc de Duras pour M. l'abbé de Bernis ; de 44 312 livres pour meubles achetés à Venise de M. l'abbé de Bernis pour M. le comte de Durfort. Le roi payait ces objets ; l'ambassadeur les vendait, le roi les rachetait, et ainsi de suite. »

Emmanuel-Céleste-Augustin de Durfort de Duras, frère du précédent, fut comme lui pair de France. Nommé général en chef des gardes nationales de Guyenne en 1790, il fit tous ses efforts pour s'opposer, dans cette province, aux excès révolutionnaires. Nous parlerons de lui, à ce sujet, plus loin. Contraint de céder à l'orage, il fit partie de l'armée de Condé et chercha successivement un asile en Allemagne et en Angleterre. II y mourut en 1800.

Revenons un peu en arrière pour noter quelques actes intéressants. En 1717, eut lieu un procès entre le chapitre de Saint-André et les tenanciers de Peygoués (Peybois ?). En 1730, voici la situation financière de la paroisse de Saint-Martin de Blanquefort dont le patron est toujours l'abbé de Sainte-Croix de Bordeaux. Les revenus de la paroisse sont de 2 194 livres et les charges de 1 300. Les décimateurs sont : pour 3/8, le curé ; pour 3/8, les Annonciades de Bordeaux ; pour 2/8, le chapitre de Saint-André, l'abbé et le cellérier de Sainte-Croix,

En 1760, les revenus sont de 2 540 livres et les charges de 880 livres et, en 1772, respectivement de 1 799 livres de revenus et 257 livres d'imposition. Signalons aussi, le 22 mars 1740, une reconnaissance au duc de Duras de diverses terres sises à Blanquefort, acquises d'Armand Delart, seigneur de Campaniol. En 1750, Tourny fit faire la chaussée qui traverse le marais.

En 1772, la paroisse de Blanquefort comptait 3 000 habitants, dont 800 communiants. C'était donc un bourg très important pour l'époque. Mais la tourmente révolutionnaire éclata. Emmanuel-Célestin de Durfort de Duras resta quelque temps à Blanquefort puis dut s'expatrier, comme nous l'avons mentionné plus haut. À son départ, la populace envahit Curgan et brûla tout ce qui lui tomba sous la main. Le château et ses dépendances furent saisis par l'État qui les morcela en quatre lots, dont la vente eut lieu le 3 prairial an III. « A été vendu ce jour un ancien château appelé Durfort, situé dans la commune de Blanquefort, ci-devant joui par Duras de Durfort, émigré, consistant en plusieurs tours en ruines, échoppes, jardins, prairies, bedinasses, aubarèdes, contenant ensemble 70 journaux et 22 règes. » La mise à prix fut de 57 966 livres. Mais les enchères montèrent et M. Boué s'en rendit acquéreur pour 151 000 francs, ainsi que de Curgan et Crangeot pour 260 000 francs.

M. Boué laissa le château à M. Cernon qui le donna à sa fille, Mme de Mérens. Ces trois propriétaires en vendirent les pierres pour construire une partie des domaines de Cholet et Fleurenne.

Le château devint, en 1830, la propriété de M. Lafon, juge de paix du canton de Blanquefort, puis de son fils, avant de passer entre les mains de la famille Cavaillé. La famille de Durfort connut ensuite des peines, mais aussi beaucoup de gloire. La duchesse de Duras, sœur du vicomte de Noailles, et cousine de Mme de Lafayette, fut prisonnière en même temps que cette dernière. Leur cauchemar prit fin le 9 thermidor, mais la duchesse ne fut libérée que le 19 octobre 1794. Claire de Kersaint de Duras (1778-1828) écrivit « Ourika, Edouard, Réflexions et pièces inédites. » Son salon fut très fréquenté sous la Restauration. M. de Duras, qui vota la mort de Ney, ainsi que le duc de Lorges et le comte de Durfort, était un familier de Charles X. M. de Lorges fit partie de l'équipée de la duchesse de Berry en 1832. Depuis 1870, deux des membres de la famille de Durfort furent députés (un d'eux fut même président de la Chambre en 1878). Un autre fut archevêque de Poitiers, un autre général de Louis-Philippe. Actuellement, vit toujours la comtesse de Durfort, née Châteaubriand, dans le célèbre château de Combourg. Quand au comte de Durfort, ancien officier et propriétaire terrien dans la Sarthe, nous lui devons de précieux éléments de cette étude.

Les possesseurs du château de 1027 jusqu'au 19e siècle

1027 Akelmus de Blanquefort de Wilhemfurt.
1098 Arnaud 1er de Blanquefort de Wilhemfurt.
11 ? Amalin de Blanquefort de Wilhemfurt.
1174 Arnaud II de Blanquefort de Wilhemfturt.
1210 Arnaud III de Blanquefort de Wilhemfurt.
1250 Eyquem Wilhem de Blanquefort de Wilhemfurt.
125? Raymonde de Blanquefort et Pey de Bordeaux.
125? Assalide et Géraud de Blaye.
1257 Dame de Chalès.
1270 Alaïde et Bernard de Trencaléon.
1289 Arnaud IV de Blanquefort et le roi d'Angleterre.
129? Bertrand de Blanquefort et la reine d'Angleterre.
1308 Bertrand de Goth.
1325 Gaillard 1er de Durfort de Duras.
1334 Jean Eymery de Durfort de Duras.
1338 Gaillard de Landiras.
1341 Bernard Ezi d'Albret.
1341 Jean de Saint-Symphorien,
1344 Gaillard de Durfort de Duras.
1355 Auger de Montaut de Mussidan.
13 ? Gaillard II de Durfort de Duras.
138? Gaillard III de Durfort de Duras.
142? Jean 1er de Durfort de Duras.
144? Gaillard IV de Durfort de Duras.
1453 Comte de Dammartin.
1469 Jean Aubin de Malicorne.
147? Gaillard IV de Durfort de Duras.
1487 Jean II de Durfort de Duras.
1520 François de Durfort de Duras.
1525 Symphorien de Durfort de Duras.
1563 Jean III de Durfort de Duras.
1587 Jacques de Durfort de Duras et Antoine de Roquefeuille.
1626 Guy Aldonce de Durfort de Duras.
16 ? Louis de Durfort de Duras.
16 ? Jacques Henri de Durfort de Duras.
1704 Jean-Baptiste de Durfort de Duras.
1770 Emmanuel Félicité de Durfort de Duras.
1789 Emmanuel Céleste Augustin de Durfort de Duras.
1795 M. Boué.
18?   M. Cernon.
18?   Mme de Mérens.
1830 M. Lafon.
18?   M. Lafon fils.
1865 M. Cavaillé.

La forteresse de Blanquefort est bâtie au confluent de deux bras de la Jalle, sur une légère élévation de terrain formée par un affleurement de calcaire grossier qui compose les coteaux. Elle se composait du château, bâti sur un tertre d'environ sept mètres au-dessus du sol, enveloppé de six fortes tours rondes très rapprochées les unes des autres. Autour de ce bâtiment central, existaient des lices enveloppées dans une enceinte polygonale se rapprochant de l'ovale qui étaient flanquées de neuf tours de saillies et de dimensions différentes.

Autour de cette enceinte, existait un premier fossé, large de dix mètres du côté sud et de vingt à vingt-cinq au nord, entouré d'une large chaussée d'une dizaine de mètres ayant servi de terre-plein et prise aux dépens d'un second fossé très reconnaissable encore dans certains endroits, surtout à l'ouest. Ce terre-plein s'élargissait considérablement et formait ainsi une barbacane appuyée contre le fossé d'Andraut qui venait rejoindre le fossé d'enceinte, toujours plein d'eau par conséquent. Le fossé intérieur pouvait se remplir au moyen d'une écluse qui existait encore il y a quelques dizaines d'années, mais à l'état de ruine.

Le fossé intérieur était entouré d'un vallum qu'on retrouve encore à l'ouest. Il avait été formé par la terre extraite du fossé qu'on devait traverser du côté nord à l'opposé de la porte d'entrée des lices de manière à forcer les assaillants à passer, pour arriver à la porte, sur le côté de ce vallum intérieur. Lorsque la forteresse était entière, elle se composait, à l'intérieur, d'un carré long avec pans coupés entre eux. Cet espace était entouré d'une muraille de trois mètres d'épaisseur contre laquelle étaient adossées six fortes tours, quatre aux angles et une au milieu de chaque grand côté. Tous ces bâtiments, sauf quelques additions, sont de la fin du XIIIe siècle. Les quelques restaurations qui y furent faites datent de la fin du XIVe siècle. Ces tours intérieures se composaient de deux étages au-dessus du rez-de-chaussée, mais elles étaient réunies par cette muraille citée plus haut et qui servait de base à une terrasse se trouvant à la hauteur du second étage.

Sur cette terrasse existaient les défenses principales autour d'une couronne de hourds (sortes de tribunes établies sur deux rangs superposés de corbeaux saillants). On ne sait où se trouvait la porte d'entrée du château, mais Léo Drouyn suppose qu'elle était constituée par cette ouverture que l'on prend aujourd'hui pour une fenêtre (la terrasse du premier étage ayant disparu) et qui se trouve entre les tours L et M, à l'opposé de l'entrée de la forteresse. De sorte que, lorsque l'assaillant, après avoir forcé les autres défenses (y compris les lices), pénétrait dans l'enceinte, il se trouvait en face de deux tours rondes qui devaient lui sembler énormes et où il était extrêmement exposé. Pour pénétrer dans le bâtiment central, il lui fallait donc, la porte se trouvant à l'opposé, faire un demi-tour du château par la droite. Car, sur sa gauche, un mur épais était établi entre la tour J et l'enceinte. Dans la tour J se trouvait une fosse. La tour K fut consacrée à un large escalier à hélice. On y retrouve, bien conservé, un puits étroit.

schema-chateau

C'est à l'intérieur de celui-ci que se situe la légende du diable. Blanquefort est, disent les imaginations, hanté par les esprits. En plus de la légende de la Dame Blanche, il est dit que, dans les souterrains, existent des trésors qui, gardés par le diable, ont toujours causé la mort des audacieux voulant s'en emparer et qu'il faut situer ces trésors au fond de l'orifice dont nous parlons. Sceptique ou non, contentons-nous de signaler la légende. Dans cette même tour K, une porte fut placée au XIVe siècle qui, disparue aujourd'hui, a laissé la place à un trou irrégulier. Précisons que les tours centrales avaient quatorze mètres de haut. La maison se trouvant entre les tours de gauche et l'enceinte, dont il ne reste plus que deux pans de murs, fut bâtie au XVIe siècle, après la démolition des installations centrales et restaurée par M. Lafon au début du XIXe siècle. Autour de cette masse, il existe un espace libre, borné de tous les côtés, qui présente, au premier coup d'œil, l'aspect d'un ovale irrégulier flanqué de neuf tours d'inégale grandeur. Actuellement, nous entrons dans la forteresse sur une chaussée remplaçant le pont-levis. Celui-ci était défendu autrefois par deux petites tours A et I, dont il ne reste plus que des ruines, percées d'embrasures pour les armes à feu.

Puis, nous passons sous une porte qui servait au passage des cavaliers et des chariots. À gauche, se trouve une poterne pour le passage des piétons. Les tours saillantes et les courtines A, B, C, D, E de l'enceinte extérieure sont de la fin du XIIIe siècle. Les autres furent restaurées à la fin du XIVe. Dans certaines, en particulier la tour H, se trouvaient des canons mobiles. Les meurtrières se composaient d'un trou rond pour la gueule des canons et d'une fente verticale pour diriger le tir et évacuer la fumée provenant de l’explosion. La tour F est la plus importante. Ses murs ont, face à la campagne, cinq mètres d'épaisseur. Ils étaient percés pour le passage d’un pont-levis secondaire, plus tard supprimé. À l’intérieur, une fosse.

Dans la tour H, il y avait trois salles superposées surmontées d’une terrasse. La tourelle qui lui est accolée n'est pas un cachot, comme on l'a cru d'abord, mais une fosse à latrines. Dans ce bastion, existe une chapelle entourée intérieurement d'arcades feintes ogivales. Les arcs de cette chapelle reposent sur des consoles que l'on a délicatement sculptées de chênes et de glands. La plus apparente représente, au lieu de feuillages, une tête. La figure est dégradée mais, à la disposition de la longue chevelure identique à la coiffure des Édouard, on peut reconnaître une figure du même temps. Ce qui semble justifier cette conjecture, c'est le léopard sculpté en relief sur le mur à côté de la console.

Si des fouilles étaient autorisées, sans doute découvrirait-on au-dessous de cette terre amassée durant des siècles, une crypte. Cette chapelle est, peut-être, « l'église Saint-Nicolas de Blanquefort située sous le château », dont Amaubin fit don à l’abbaye de Sainte-Croix vers 1130. Peu de forteresses étaient aussi bien protégées : une rivière au nord, une autre au sud, des marais de tous les côtés et deux vallums enveloppant deux fossés pleins d'eau. On ne pouvait attaquer le château par le sud, car les marais d’une demi-lieue de large étaient traversés par deux bras de la Jalle. Par le levant et le couchant, impossible aussi de s'en approcher. Au nord seulement, le marais est moins large ; le troisième bras de la Jalle coule sur un terrain plus solide.

Il devait y avoir, en outre, une chaussée artificielle, et c'était autrefois le seul endroit où l'on pouvait accéder en toutes saisons. Peut-être existait-elle à l'endroit où quelques pierres d'un pont détruit subsistent encore, tout près du lavoir actuel de Canteret. Lorsqu'on a défriché le sol extérieur pour le cultiver, on a trouvé des monnaies de Guillaume IX, duc d’Aquitaine (1087-1127), d'Aliénor d'Aquitaine (1122-1205), d'Édouard III (1312-1377), du Prince Noir (1330-1376) et des rois de France qui ont régné depuis la conquête de la Guyenne. Nous connaissons un Blanquefortais qui en possède une jolie collection.

Il faut remarquer que la forteresse, depuis sa première construction a subi des modifications complètes qui ont porté non sur le plan qui est resté le même, mais sur son système de défense. Drouyn suppose que le château romain existait encore en partie au XIIe siècle ou que, ruiné, il fut remplacé par des constructions en bois. Ce donjon en bois fit place aux six tours intérieures grâce à Edouard 1er d'Angleterre entre 1287 et 1289. À peine l'usage du canon commença-t-il à s'introduire dans les armées en campagne, que le seigneur de Blanquefort, en l’occurrence Gaillard III de Durfort, sentit le besoin de mettre sa place en état de défense et de l'adapter aux nouvelles conditions de combat. Il fallait retenir les assiégeants à plus grande distance ou, du moins, les atteindre de loin pour les démoraliser avant qu'ils aient eu le temps d'arriver au pied des remparts, et de brusquer l'attaque suivant le système employé par Duguesclin. Les murs des deux bastions principaux furent bâtis de façon à ce que la plus grande épaisseur de mur fut tournée vers le point accessible.

Ces modifications placent le château de Blanquefort parmi les monuments les plus intéressants de France. Tel que l’a laissé Gaillard III de Durfort, il a été considéré jusqu'à la Fronde, comme une des places de guerre les plus importantes de la Guyenne. Nous devons l'essentiel de tous ces détails à Léo Drouyn qui, dans sa Guyenne Militaire, fait une description remarquable du monument qui nous intéresse. Ponson du Terrail nous le décrit en ces termes (état au début du XIXe siècle) : « Un ancien château féodal en ruines avec, au premier étage d'une tour, une espèce de chambre octogone, éclairée fort heureusement par une fenêtre oblongue... ; ce qui était un premier étage d'un côté donnait, sur l'autre, sur des fossés boueux et profonds qui étaient bien à quarante pieds au-dessous de la croisée... ; fossés au lit épais de boue et de joncs. »

Il signale aussi la présence d'un sous-sol et d'un souterrain. Cette question de souterrains a longtemps passionné et passionne toujours les Blanquefortais. On a dit à ce sujet pas mal de choses plus ou moins justes. Il est certain que la tradition locale approche souvent de la réalité. D'autre part, il est arrivé, en plusieurs circonstances, que certaines galeries aient été découvertes, à l'occasion de forages de puits creusements de fondations, etc. Nous savons également qu'un souterrain partant du château aboutit au Vigean dans une cave et qu'un autre traverse les sous-sols de la propriété de Curgan. Après une étude approfondie de la question, et avec l'aide de radiesthésistes particulièrement connus en France, nous avons entrepris la recherche de ces galeries. Pendant plusieurs mois, nous avons parcouru la campagne blanquefortaise et avons creusé en différents endroits présumés. Le résultat de ces travaux nous permet d'affirmer aujourd'hui que Blanquefort est sillonné de souterrains dont la longueur (s'il était possible de les mettre bout à bout) pourrait atteindre plusieurs dizaines de kilomètres. Huit d'entre eux partent du château, se dirigeant la plupart du temps vers d'autres édifices du même genre. Un seul va vers la Garonne. Nous avons l'espoir d'éclaircir définitivement ce mystère dans les mois qui viennent.

Guy Dabadie, Blanquefort et sa région à travers les siècles, Imprimerie Samié de Bordeaux, 1952, p. 21-66.