L’ancienne église d'Eysines

L'ancienne église, le cimetière et la maison curiale (presbytère) qui l'entouraient, étaient situés jadis, en bordure de la route du Médoc, sur l'actuelle place du 4 Septembre.

Si nous savons, avec précision, la date de leurs transferts sur leurs emplacements respectifs actuels, par contre, à notre connaissance, aucune pièce d'archives ne permet de situer la date de leur construction, notamment celle de cette église, aujourd'hui disparue.

Il en est également ainsi pour l’origine de notre commune.

Deux trouvailles isolées, parmi sans doute bien d'autres demeurées ignorées, une hache de silex trouvée en 1953 au lieu des Peyreyres et un poignard de bronze découvert en 1877 dans un tumulus au lieu de Gleyze, permettent cependant de présumer que notre territoire communal a été fréquenté dès l’âge de la pierre. Les premiers habitants ont dû s'installer tout d'abord, non loin de la Jalle et dans les clairières de cette immense forêt qui, de la sortie de Burdlgala (Bordeaux), s'étendait fort loin en Médoc. La pêche et la chasse suffisaient alors à leurs besoins modestes...

Leur culte fut celui de tous les peuples primitifs non encore convertis au christianisme. Celui-ci s'implanta progressivement en Aquitaine, au cours des IIIe et IVe siècles et Eysines subit à son tour l’influence des évangélisateurs qui conquirent, en premier lieu, à la foi nouvelle, la grande cité voisine.

À ce moment-là un village gallo-romain s'étendait, sans nul doute, de part et d'autre des rives de la Jalle. Sa partie centrale devait se trouver immédiatement à l’ouest des actuels ponts du Taillan, dans cette partie de la rive droite de ce cours d'eau, riche en sources et où fut élevée l'une des forteresses de l’époque « la motte de Bussac », en bordure « dou Camin de Soulac », la lebade pensons-nous, à peu de distance relative du camp romain de Saint-Médard-en-Jalles.

Bien vite il fallut au christianisme naissant eysinais, un lieu de culte. Tout permet de penser qu'il fut élevé par un clerc ou par un laïc, en ce lieu bien significativement dénommé « gleyze » (église) dont l'appellation s'est transmise jusqu'à nous.

Puis vinrent les invasions successives de l'Aquitaine : en 276, les hordes germaniques, venant de l’Est, anéantissent Burdigala, En 407 et en 413, c'est le tour des Vandales et des Wisigoths ; ces derniers demeurent sur les lieux jusque vers l'année 507, En 711, Ies Sarrazins arrivent à leur tour, puis en 844 les Normands qui, montés sur leurs légères barques d'osier, remontent la Jalle.

Tous ces barbares apportent chacun pour leur part, la destruction et la mort. Après le passage des Normands tout fut absolument détruit.

C'est ainsi que disparut notre premier lieu de culte chrétien de Gleyze et c'est bien longtemps après que les survivants revenus, se préoccupent d'en édifier un nouveau certainement sur l'actuelle place du 4 Septembre.

Un document de 1326 fait état de la « chapelle d'Eysines ». Archiprêtré de Moulis. Un autre de 1850 précise que le cimetière solidaire de l'Eglise, quant à son emplacement suivant Ies usages du temps, avait approximativement à cette époque, au moins cinq cents ans.

De ces deux indications de dates qui, relativement se complètent, il apparaît possible de présumer que l'ancienne église ; précédée par une chapelle édifiée lors de la restauration du culte après les Invasions, devait au moins dater de la fin du Xllle siècle ou de la première partie du XIVe.

Nous possédons les pièces, nous permettant de connaître les détails de sa construction et de ses dispositions Internes.

Un texte de 1849 dit ceci : « Cette église, assez peu remarquable a été primitivement bâtie dans le style roman tertiaire, comme l'attestent l'abside et quelques parties de ce monument. Les latéraux et la nef ont été refaits à différentes époques et le maçon qui a fait les nefs latérales, a fidèlement copié les ogives de la nef centrale qui est de la fin du XVe siècle. Les reste du clocher attestent cependant le Xllle siècle ».

Un autre texte de 1856 dit : « Son plan est formé d'une nef romane précédée d'un clocher carré et suivie d'une abside semi-circulaire. Le clocher a été renforcé au XVe siècle par des contreforts angulaires. Les ouvertures dont Il est paré, sont des petites fenêtres à sections droites et très évasées. À l'ouest, s'ouvrait une porte en plein cintre recouverte par un arc ogival du XIVe siècle. La porte actuelle qui est du XVe siècle s'ouvre au Sud, dans un avant corps roman en partie ruiné. À l'abside on voit des contreforts plats. »

Vieille-eglise

Cette église fut consacrée par un Archevêque de Bordeaux, à la demande de Jacques Estebonin, curé d'Eysines, un huitième février d'une année non précisée.

Le procès-verbal de sa visite effectuée le dimanche 19 Septembre 1604 par Pierre de Lurbe chanoine et archidiacre, official de Mgr le Cardinal de Sourdis, Archevêque de Bordeaux, nous donne par ailleurs de précieuses indications complémentaires.

Cet ecclésiastique fut reçu par Gratien Bouet, procureur de la paroisse, Jean Gondard bayle, Guilhem Lameyrac et plusieurs autres paroissiens.

A cette date le toit de l'église et la couverture étaient de torchis. Il y avait sept autels respectivement dédiés à Saint Martin, patron de la paroisse, à Notre-Dame, à Saint Jean patron de la confrérie, à Saint Jacques le Majeur, à Saint Roch, à Saint Eloi et à Sainte Quitterie. Les quatre derniers, considérés comme encombrants, devaient disparaître à la suite de la visite, après transfert des images de leurs saints aux autres autels.

Un grand bassin d'étain était placé dans une grande cuve ronde de pierre, aux fonds baptismaux entourés d'une balustrade.
Huit « bassins », plats destinés à recevoir les offrandes, s'offraient à la générosité des fidèles.

L'église possédait plusieurs reliques de saints dont une de la vraie croix (cruce domini). Le clocher comportait deux cloches, l'une de neuf quintaux, l'autre de quatre. Il y eut refonte de l'une d'elles en 1781 avec la participation du chapitre de Saint-Seurin.

Il y eut à un moment donné quatre confréries, mais elles avalent dû être dissoutes à cause des bruits et dissensions qui survenaient après les banquets qu'il était accoutumé de faire en l'honneur de chacune d'elles.

Pour ce qui concerne les cérémonies extérieures, les processions étaient nombreuses : d'abord tous les dimanches, hommage permanent rendu aux morts, autour du cimetière. Puis le jour de la Saint Marc autour de la paroisse, en utilisant toujours les mêmes chemins dits « processionnaux ».
Le jour des rogations, la procession allait à Bruges. Le mardi, on allait reconduire la procession de la paroisse de Bruges. Le mercredi était réservé au Vigean, au bois de Picot et à Lescombes.
Une autre procession avait lieu le jour de la Fête-Dieu ; elle passait au milieu du bourg, s'arrêtait à la Croix du Sable, située sur la place, au-devant de notre ancienne Mairie et transférée au XIXe siècle à l'entrée du cimetière, puis allait à la « Teste longue » à Lescombes et s'en revenait à l'église par le même chemin.

D'après un second P.V. de visite fait en 1735 nous savons en outre que :
Le maître autel était dédié à Saint Martin évêque, représenté dans un tableau avec un beau cadre peint et doré, entouré d'un beau retable de bois de noyer : de chaque côté du retable se trouvait un tableau, celui de gauche représentant Saint Roch, celui de droite Saint Sébastien. Ces deux derniers saints considérés comme protégeant de la peste.
Non loin, Il y avait deux bras de bois peint agrafés à la muraille où l'on mettait des cierges allumés les dimanches et fêtes, à l'élévation. Le sanctuaire était séparé de la nef par une balustre de bois de noyer. Il y avait au dessous de cette balustre un pupitre, une chaise pour le curé et des bancs pour les choristes. La sacristie était derrière le ma1tre autel.

Un deuxième autel, à droite en entrant dans l'église, était dédié à Saint Jean Baptiste, tous les traits de l'histoire de ce saint y étaient représentés. A gauche, un troisième autel était dédié à Notre-Dame, la scène de la naissance de l'Enfant Jésus y était peinte.

Par disposition testamentaire et moyennant le paiement d'un droit de douze livres, les fidèles pouvaient demander que leur inhumation soit faite à l'intérieur de l'église en précisant, le cas échéant, devant tel ou tel autel.
Le banc attitré des Jurats de Bordeaux, comme seigneurs hauts justiciers de la paroisse, occupait la première place du côté de l'épitre. Le droit de banc particulier, pour l'assistance aux offices, s'acquerrait moyennant le paiement d'une aumône.

Une tribune était située au fond de l’Eglise, tandis que le clocher comportait la salle de réunion de la fabrique.

L'église était bâtie de pierres. Elle avait une profondeur de 65 pieds, une largeur de 50 et en hauteur 30. Les murailles étaient blanchies et les fenêtres vitrées étaient garnies de barreaux de fer.

Dans quelle mesure cette église était-elle fréquentée ? Le même P.V. de visite de 1735 dit : « Tous les paroissiens viendraient aux offices, s'ils n'avaient la possibilité de s'arrêter aux cabarets ».

Parmi les prêtres ayant desservi la paroisse, nous avons relevé il la fin du XVle siècle, Jean Jacques Dussaut qui devint évêque de Dax.

Indépendamment des processions déjà citées, Il s'en faisait également une tous les ans, le dimanche avant la Saint-Jean Baptiste. Y participaient tous ceux qui possédaient des chevaux. Elle allait il l'église de Saint-Jean d'Illac, en chantant les litanies des Saints. On s'arrêtait il toutes les croix Implantées le long du parcours, le curé y donnait la bénédiction et ensuite « on présentait un coup à boire ». Etant rendu à Illac, le Curé de cette paroisse y disait la grand-messe. Les femmes y portaient des enfants qu'elles faisaient passer par une veyrine (trou) pratiquée dans le mur de l'église, derrière le maître autel et s'y faisaient passer quelquefois, elles-mêmes. (Sorte de dévotion considérée comme superstitieuse par l'autorité ecclésiastique et interdite par la suite). Le soir, le cortège se retirait processionnellement.

Une église succursale était située dans les bois au Haillan, à l'extrémité ouest de la paroisse. Dédiée à Sainte Christine, elle était desservie par le curé d'Eysines qui y disait la grand-messe les jours de Saint-Marc et de Sainte-Christine, à la suite d'une procession qui s'y rendait. Cette annexe était, entourée d'un petit cimetière.

Il existait à Eysines une confrérie dite de Saint-Jean-Baptiste, sorte d'organisation d'entraide instituée par le Pape Innocent XI. Elle avait reçu ses statuts en 1703.

Le 16 septembre 1600, Maître Daniel Martin curé de la paroisse, résigne ce « bénéfice » en faveur des religieux Feuillants du couvent Saint Antoine de Bordeaux.

Il existe, encore, aux Archives départementales de la Gironde, les originaux :
de la bulle en parchemin, avec sceau de plomb, du 1er février 1601, du Pape Clément VIII prescrivant l'union de la cure Saint Martin d'Eysines au monastère des Feuillants,
du consentement de la dite union, du Cardinal de Sourdis, archevêque de Bordeaux, donné de Rome de 15 mars 1601,
de l'arrêt d'homologation du 30 janvier 1602 de la bulle papale par le parlement de Bordeaux,

Les Feuillants, qui devaient devenir par la suite seigneurs de la maison noble de la Plane à Lescombes, assurèrent la desserte de la paroisse, peut-être pas toujours très régulièrement, par le ministère d'un vicaire amovible, du 14 décembre 16O1, date de leur prise de possession, jusqu'au 13 juin 1623, date il laquelle le Cardinal de Sourdis érigea le prieuré d'Eysines en « vicairerie perpétuelle » et l’attribua à Maître Etienne Mondon avec le titre de vicaire perpétuel.

Les Feuillants prirent alors, suivant l'usage, le titre de « curé primitif » avec les privilèges attachés il cette charge (droits de dîme et d'officier à l'église à certaines fêtes), Cette prérogative fut la cause d'un long conflit entre ces religieux et les vicaires perpétuels successifs, préoccupés de rejeter leur ingérence dans le ministère paroissial.

Une transaction définitive intervint enfin, en 1777, entre le curé Pierre Desvignes et les Feuillants qui « cèdent et abandonnent les fruits et revenus décimaux et tous autres droits... qu'Ils ont droit de jouir, lever et percevoir à Eysines... »

En 1600, la paroisse est depuis longtemps dépourvue de maison presbytérale. À cette époque, le curé est parvenu à faire sa demeure dans une vieille maison joignant le cimetière, mais en 1609 elle est si vétuste, que les Feuillants invitent les habitants d'avoir à la mettre en état. Le nécessaire est fait, la maison restaurée demeurera presbytère jusqu'à la fin du XIXe siècle bien après le transfert de l'église et du cimetière.

La Révolution arrive. L'église devient « temple de la raison », le curé Pierre Desvignes refuse de prêter le serment constitutionnel et se retire à Blanquefort où il devait mourir.

Il est remplacé par un prêtre assermenté, précédemment chapelain de Talence, l’abbé Fabien Dessolier, élu par les électeurs du district de Bordeaux, suivant la nouvelle formule révolutionnaire, le 24 mars 1791 à Bordeaux dans l'église du Collège national. La proclamation de son élection fut faite le 3 avril suivant dans la cathédrale Saint André.

Ce prêtre devait devenir maire d'Eysines. Sévèrement jugé par ses supérieurs, Il ne fut pas repris dans le ministère malgré sa demande, lors du rétablissement du culte et de la réorganisation des paroisses, à la suite du Concordat de 1801.

Non entretenue pendant la période révolutionnaire et les années suivantes, l'église était en très mauvais état en 1822 et menaçait de s'écrouler.
Les réparations nécessaires sont faites en 1824, mais en décembre 1847 la foudre tombe sur le clocher, provoquant la démolition de sa flèche en bois et l'ébranlement de sa base construite en pierres.

Le 4 mai 1849, le Conseil municipal composé de MM. Jeantet aîné, Maire, Bouet Adjoint, Puytorac, Barrière, Solle, Constantin, Guiraud, Lacave, Lalumière, décide à la majorité l'édification d'une nouvelle église, en un point plus favorable.
De son côté, le docteur Barrière, conseiller municipal, offre gratuitement le nouvel emplacement nécessaire.

Malgré ces prémices favorables, la lutte devient ardente entre les partisans et les adversaires du transfert. Nous avons fait l'historique complet de cette lutte dans une étude déposée aux archives de la Mairie et de l’Église et dont la copie sera versée aux archives départementales.

Cependant, en raison de son caractère vétuste et des dangers qu'elle présente, l'église est interdite au culte en 1854. Les offices sont alors célébrés dans une chapelle provisoire, le chai de M. Barrière, aménagé à cet effet.

Le maire Jean Lalumière voit enfin ses efforts persévérants et tenaces couronnés de succès. Un décret Impérial du 19 avril 1856 accorde les autorisations nécessaires en vue du transfert et de la reconstruction, au point où notre église est actuellement édifiée.

La première tranche des travaux est terminée fin octobre 1857. Le Cardinal Donnet, archevêque de Bordeaux, procède à la bénédiction de la nouvelle église et le service divin y est célébré pour la première fois à la Toussaint 1857, avec un grand concours de fidèles.
Les travaux de la seconde tranche (clocher, porche, fonts baptismaux) commencés au cours du premier trimestre 1869, sont terminés le 19 février 1870.
Le 10 août 1859, M. Petit Maire, MM. Saux et Dugay conseillers municipaux procèdent à la reconnaissance de la première tranche ; ceux de la seconde sont reconnus en 1872. Le coût total des travaux s'élève à 74 856,08 F.

L'ancien cimetière dont le maire Jean Lalumière pouvait écrire le 5 mars 1852 : « ...formant ceinture, il enclave de tous côtés l'église, Il en rend l'abord difficile et est surtout révoltant pour les fidèles qui ne peuvent fréquenter l'église qu'en foulant de leurs pieds la cendre de leurs morts » ; il est transféré en 1862 sur un nouvel emplacement. Quant au presbytère définitif, il est construit en 1900 au chevet de l’église.

Texte de Daniel Sibassié publié en 1966 dans le Bulletin Municipal d’Eysines.

Translation des cimetière et presbytère

En hommage à Jean Lalumière, maire en des moments difficiles au cours du XIXe siècle pour ce qui concerne les translations ci-après.
Le XIXe siècle fut en grande partie à Eysines, l'objet d'une lutte ardente, entre deux conceptions idéologiques, ayant pour base d'abord le déplacement de l'église, puis, par voie de conséquence, ceux du cimetière qui l'entourait de toutes parts et du presbytère.
Nous savons qu'en son temps, l'église, le cimetière et le presbytère étaient situés sur la place du 4 Septembre, les maisons nobles de la Taule du Luc, d'un côté, celle de Lescalle de l'autre.

Le cimetière

Dès 1849, le docteur Barrière, dont une rue porte le nom, en bordure de l'actuel jardin du presbytère, fait des offres de cession gratuite du terrain nécessaire pour l'édification de la nouvelle église et d'un cimetière non loin, sur le terrain approximativement compris entre notre salle des fêtes et la rue Lieutenant Villemeur. Des vignes occupaient à l'époque, l'ensemble du terrain offert, les chemins d'accès seraient tracés en conséquence.
Cette proposition est acceptée par le Conseil Municipal le 30 décembre 1849.

De l'enquête de commodo-incommodo faite le 20 Janvier 1850 au sujet du déplacement du cimetière, nous extrayons cette opinion d'un habitant de la commune :
« L'église est en contre-bas d'un mètre du cimetière, le presbytère de deux mètres. Des miasmes provenant du cimetière nuisent à la santé des habitants des bourgs de Lescombes et d'Eysines... qui furent victimes, en 1833 des ravages du choléra-morbus, fait renouvelé en 1849.
Le cimetière d'une contenance de 12 ares, datant de 500 ans, a toujours été trop petit pour notre population de 2 500 âmes. II forme une élévation qui doit son accroissement au nombre considérable de tombes qu'on y a pratiquées dans un espace aussi restreint ».

Un accord pouvait se faire sur la proposition Barrière, mais cédant à certaines influences, le Conseil Municipal renonça le 8 février 1852 à cette offre et vota le transfert de l'église et du cimetière sur un terrain situé au couchant « à quelques mètres seulement de la Maison commune » (ancienne Mairie).

Cependant, les avis ayant dû évoluer, le 29 novembre 1855, le Préfet autorise l'acceptation de la donation Barrière d'un hectare 19 ares.
Si pour l'église la donation est viable, par contre, le cimetière ne peut être placé à l'emplacement envisagé. Le 10 février 1856, le Préfet fait en effet connaître que le cimetière ne peut être placé près de l'église, parce que les lieux de sépulture doivent être à 35 mètres au moins des maisons agglomérées et que les églises qui ne forment pas le centre des habitations sont appelées à le devenir tôt ou tard.
Cela conduit la municipalité à la recherche d'un nouvel emplacement remplissant les conditions requises. Parmi les offres faites, dont une au Serpoulet ! celle de la famille Ponson est retenue par le Conseil Municipal le 8 mars 1857. II s'agit d'un terrain situé au lieu de la Mission d'une contenance d'environ 67 ares.

Le 11 août 1861, le devis du maçon est approuvé pour la construction d'un mur de clôture sur une superficie de 32 ares 24 centiares avec possibilité d'agrandissement si cette superficie s'avère insuffisante pour l'avenir. Les travaux sont effectués et le 12 juillet 1863 le maire peut dire au Conseil Municipal : « C'est avec satisfaction que les habitants de la localité, ont vu s'ériger un nouveau cimetière auquel la majorité a participé à sa clôture par une souscription volontaire ».

Les ossements de l'ancien cimetière sont placés dans le nouveau, dans un charnier spécial creusé à un mètre du sol.
Il est planté des cyprès qui devaient disparaître dans la première partie du XIXe siècle.

La grande croix de fer placée au centre du cimetière, sur un socle de pierre, provient de l'ancien cimetière où elle avait été érigée en 1789. Avec le temps elle a perdu bien des accessoires qui l'ornementaient (angelots, soleil, instruments de la passion, ...). Quant à la croix de pierre qui date de 1542, elle était en dernier lieu sur la place de l'ancienne mairie, après avoir subi plusieurs changements. A l'initiative du maire Raffin, son transfert est voté sur la place extérieure du cimetière. Un agrandissement ultérieur de celui-ci l'a emprisonnée face à la porte d'entrée. Nous en ferons la description dans une future étude. Signalons qu'il existe encore à Eysines des sarcophages provenant sans nul doute de l'ancien cimetière.

Le presbytère

C'est pour son transfert, après celui de l'église que les passions furent les plus fortes, au moins de la part de certaines personnalités.

Plan-presbytere1. presbytère , 2.  jardin, 3. bâtiment rural

Faisons auparavant un peu de rétrospective sans entrer dans de vains détails. Déjà en 1600 pour nous en tenir à cette date et depuis longtemps, les curés et les vicaires « ont été contraints de chercher, louer, mendier des chambres par divers endroits de la paroisse, pour se loger et se retirer ».
À cette date, les R.R.P.P. religieux Feuillants de Bordeaux, prennent possession du service paroissial d'Eysines, mais ne s'y intéressent guère par la nomination d'un curé résident.

En 1608, le Cardinal de Sourdis, archevêque de Bordeaux, préoccupé malgré tout du logement d'un vicaire, dit que pour le loger « il sera utilisé une vieille maison joignante au cimetière, malgré son incommodité ». Son toit était à demi tombé et tout le bâtiment menaçait ruine. Par la même occasion, le Cardinal se préoccupe de savoir par monitoire, suivant l'usage de l'époque, indépendamment du pillage de l'église et de la cure, qui pourrait dire qu'il y a eu ci-devant une maison de Curé... qui l'a démolie et qui saurait à présent la place où elle se trouvait.

De son côté, le Syndic des religieux feuillants, venu à Eysines le 24 mars 1609, signale aux habitants, à 11 heures à l'issue de la grand messe, la nécessité de construire une maison curiale, la vieille maison suggérée en 1608 n'en pouvant faire l'office.

Par délibération du 19 juillet 1609, les paroissiens décident de procéder à la constructIon qui ne va d'ailleurs pas sans aléas. Quoi qu'il en soit, la maison presbytérale est en bon état en 1735, lors de la visite de Monseigneur de Maniban, archevêque de Bordeaux, M° E. Bzenard, étant curé.

Pour en revenir à des temps plus récents, la reconstruction du presbytère au XIXe siècle s'était posée depuis 1855.
Malgré le transfert de l'église en 1857, le Curé continue à habiter l’ancien presbytère. Le curé Tiphon se plaint de son insalubrité, de son insuffisance et de son grand éloignement de l'église. « Depuis 1870, termine-t-il son exposé, par suite des démolitions et de la transformation du jardin en place publique et en chemins, il est relativement aux passants et aux voisins, dans une situation inconvenante, inacceptable pour un Curé ».
Malgré cela, le presbytère fut réparé et le curé Tiphon y rentre avec son vicaire l'abbé E. Barbot, aux premiers jours de 1871.
En 1871, M. le Curé Tiphon se fait construire à ses frais une maison qu'il pourra céder à la Commune, si elle veut l'acquérir comme presbytère.

Le Maire H... dont l'acharnement sectaire dans cette affaire est manifeste, refuse, alléguant les dépenses déjà engagées pour la construction d'un nouvelle école de filles.

Le 22 avril 1888, le commissaire enquêteur Gardère, Maire du Haillan, émet un avis favorable à l'aliénation du presbytère, apprécié à une valeur minimum de 6 000 F. en avril 1887 par Piet et Sibassié, entrepreneurs.
Un habitant participant à l'enquête croit spirituel de dire que l'éloignement de l'église ne constitue pas un cas pour ne pas habiter le presbytère, car il donne au curé, l'occasion de passer dans la rue principale du bourg et par ce fait d'être « ce bon pasteur au milieu de son troupeau ».
La liste des nombreux votants de l'aliénation comprend un grand nombre de noms qui survivent encore de nos jours, même au conseil municipal actuel. Le 27 mai 1888 le conseil municipal refuse l'aliénation.

Le 18 août 1894, le curé Laborde, écrit au Conseil municipal : « Le prolongement des tramways jusqu'en face de la cure va donner à celle-ci une plus-value incontestable. N'y aurait-t-il pas intérêt pour la Commune à profiter de cette circonstance ? ». Il invoque à son tour l'état de vétusté et fait des propositions de financement.
Cette proposition est acceptée le 3 mars 1895, la Commune ne devant pas financer la construction pour une somme supérieure à la vente du presbytère existant.
Le Conseil municipal confirme sa précédente décision le 7 novembre 1897. Sont présents à la délibération : A. Miqeau, Montalieu, Croizet, Videau, Verdier, Antoune, Caudéran, Dupuch, Lugageac, Chenieu, Malemon, Curat, Lalumière, Grazia. Absents : Fourton, School, Corbal.

La mise en adjudication des travaux est faite le 2 juillet 1899. L'adjudicataire les commence aussitôt. Le décompte du troisième et du dernier lot est fait le 5 mars 1901 et le mur de clôture est terminé en juin 1902.
Le 14 août 1899, le maire Aladin Miqueau avait vendu à la société civile représentée par Jules Dumas, Jacques Alauze et Jean Lafon, le nouveau presbytère pour le prix de 6 000 F.

Espérons qu'un jour le Maire Jean Lalumière, principal instigateur d'une situation avantageuse dont nous bénéficions aujourd'hui, ne sera pas oublié.

Texte de Daniel Sibassié publié en 1972 dans le Bulletin Municipal d’Eysines.

L’ancienne église en 1840

Depuis la publication, en 1966, de l’étude de Daniel Sibassié sur l’ancienne église d’Eysines des progrès notables ont été accomplis. Il est possible aujourd’hui de faire un nouveau point sur ce monument que nos ancêtres n’ont pas pu ou pas su conserver.

Le promeneur qui s’arrête sur la place du 4 septembre a beaucoup de peine à imaginer qu’un lieu si exigu ait pu recevoir une église et son cimetière. Cette place était en réalité beaucoup plus grande que de nos jours :
à l’est, elle débordait largement sur le parc du château de Lescalle,
à l’ouest, elle allait jusqu’à la rue C. Durgeon. Le plan permet de comprendre l’organisation des lieux.

Laissons aller notre imagination. Nous sommes en 1840 et nous allons suivre le guide pour une visite détaillée.

Venant du bourg, nous nous arrêtons un instant à l’entrée du cimetière. Il est clos de murs, un portail métallique en commande l’entrée. En son milieu trône l’église bien assise au sol, allégée par un clocher élégant, c’est le plus important édifice de la paroisse. Si la construction semble remonter au XIIe ou XIIIe siècle, elle a subi au cours des âges de nombreuses modifications.

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Archives départementales de la Gironde : album 162 tome 2 folio 3.

Mais revenons au cimetière. Pendant des siècles, il a accueilli tous les morts de la paroisse et le niveau du sol s’est progressivement élevé à tel point qu’il faut descendre de plus d’un mètre pour entrer dans l’église. Les tombes sont si enchevêtrées qu’il est difficile de traverser le cimetière sans les piétiner. Une partie du jardin du presbytère vient d’être affectée à son agrandissement. La loi prescrivant d’éloigner les cimetières des zones habitées n’est pas encore promulguée, mais cette opération est envisagée : les Eysinais ont connu de nombreuses épidémies dont le choléra en 1833. Le docteur Marchand « médecin des épidémies » en a attribué la responsabilité au cimetière (Cette épidémie ne semble pas avoir été très importante puisque le nombre des décès de 1833 est inférieur à la moyenne annuelle calculée sur 10 ans et sur 20 ans.). Au milieu des tombes s’élève la croix des missions érigée à l’époque de la Révolution. Placée sur un piédestal de pierre, elle est réalisée en fer forgé et ornée de différents motifs, religieux ou non (angelots, soleil, outils) (Cette croix se trouve aujourd’hui dans le cimetière. Elle a perdu la plupart de ses attributs). Il y avait autrefois (en 1735) une croix de pierre. Peut-être s’agit-il de la croix de pierre, datée de 1542, placée actuellement à l’entrée du cimetière. En 1840 elle était près de l’ancienne mairie.

Nous sommes arrivés au pied de l’église et le clocher retient notre attention. La tour carrée a reçu au XVe siècle des contreforts angulaires. Sur la face ouest apparaissent les traces de l’ancien portail, à savoir l’arc en plein cintre typiquement roman qui fut recouvert au XIVe siècle par un arc ogival gothique. Le tout fut muré au XIVe ou XVe siècle lors du percement de la porte principale actuelle. Sa tour est percée de petites fenêtres dont les plus élevées, au niveau des cloches, sont munies d’abat-son. La flèche, recouverte d’ardoise, est surmontée d’une croix qui supporte un coq de cuivre. L’ensemble s’élève à près de trente mètres.

À l’angle sud-ouest, appuyé au clocher et au bas-côté de droite, nous trouvons le porche : un toit supporté par trois colonnes de pierre surmontées de chapiteaux. Il ne sert pas seulement à abriter les fidèles, mais est depuis toujours le foyer de la vie publique. Ici se sont toujours tenues les assemblées capitulaires qui permettaient aux habitants de débattre des questions touchant la vie commune ou de défendre leurs intérêts (Les comptes rendus de ces assemblées étaient rédigés par un notaire et c’est ainsi qu’ils sont parvenus jusqu’à nous. Ils nous permettent de mieux connaître la vie des Eysinais sous l’ancien régime : fiscalité, loyer des terres, coutumes locales, etc.). C’est également ici qu’au lendemain de la révolution de 1789 se sont déroulées les principales réunions et que les proclamations et décrets officiels ont été affichés.

De ce porche, deux portails ouvrent sur l’église. Le plus important donne sur la nef. Datant du XIVe ou XVe siècle, il est garni d’une porte de bois ferrée, sans doute est-ce celle qui fut offerte en 1735 par le sieur Pierre Mitchell, propriétaire de la verrerie d’Eysines. Le second portail, plus récent et moins important permet d’accéder au bas-côté de droite.

Pénétrons dans l’église. En face de nous un escalier en colimaçon permet d’accéder à la tribune qui en occupe le fond et par là au clocher où, après une escalade, nous découvrons deux cloches.

La plus grosse porte l’inscription ci-après :

« SOLI DEO HONOR ET GLORIA = M. MTRE DEVIGNES CURE = ARNAUD BECHADE ET RICHARD VIDEAU OUVRIER EN 1788 = 
MESSIRE LOUIS VICOMTE DE NOE MAIRE DE LA VILLE DE BORDEAUX = MESSIRE BERNARD DUHAMEL VICOMTE DE CASTETS
LIEUTENANT DE MAIRE = MESSIRE JEAN HENRY COMTE DE GALLARD BEARN LIEUTENANT DE MAIRE EN SURVIVANCE =
MIRE JEAN VINCENT DE PAULE DELESME Cher = GABRIEL LEYDET AVOCAT = JOSEPH GASCHET DE LISLE AVOCAT =
Mire JEAN CAZEMAJOR DE CESTAS Cher DE SAINT LOUIS = FRANCOIS VILOTTE AVOCAT = ANDRE AQUART
CITOYEN = JURATS GOUVERNEURS DE BORDEAUX PARRAINS = Mire JEAN LAURENT BUHAN ECUYER AVOCAT
PROCUREUR SYNDIC = Mire ALEXIS DE LAMONTAIGNE ECUYER AVOCAT SECRETAIRE ORDINAIRE DE LA VILLE.
MARRAINE DLLE MARIE ANNE CATHERINE DE BODIN DUSSAULT DE SAINT LAURENT FILLE DE Mire ANTOINE DUSSAULT DE SAINT LAURENT.
POULANGE + FECIT. »

La marraine est la fille du propriétaire de la maison noble de Bois Salut, lequel fut condamné à mort et exécuté sous la Terreur. Les familles eysinaises sont représentées par Arnaud Béchade et Richard Videau ouvriers de la fabrique de l’église. Cette cloche provient de la refonte d’une autre, encore plus ancienne, achetée en 1574.

La seconde cloche beaucoup petite porte « HYPOLITE GROSSARD 1835 ». Les circonstances de son acquisition ne sont pas connues (Peut-être provient-elle de la refonte d’une précédente cloche signalée tout au long des XVIIe et XVIIIe siècles).

Une horloge se trouve dans le clocher.
La charpente est en mauvais état et a besoin de réparations urgentes.

En quittant le clocher, nous nous arrêtons sur la tribune. C’est sans doute là que sera installé l’orgue que le conseil de fabrique a décidé, dans sa séance du 26 avril 1840, d’acheter à M. Henry, facteur d’orgues à Bordeaux. C’est un bel instrument à six jeux, comptant 330 tuyaux et logé dans un imposant buffet (On ne trouve aucune trace de cet orgue après la destruction de l’église).
De la tribune, nous jouissons d’une vue sur l’ensemble de l’édifice. Devant nous la nef principale (fig. 3), fermée par l’abside où trône le maître autel. A droite et à gauche, séparés par des voûtes ogivales supportées par de forts piliers, les bas-côtés avec les autels consacrés à Saint Jean-Baptiste et à Notre-Dame. Le sol est recouvert de carreaux, il a été remis en état en 1824.

Passons directement dans le bas-côté de gauche. Au fond, entourés d’une balustrade de bois, sont les fonts baptismaux. Ils sont creusés dans une pierre ronde et recouverts d’une planche fermant à clef. A l’intérieur, nous voyons une cuvette en cuivre utilisée pour l’administration des baptêmes. C’est ici que pour beaucoup d’Eysinais tout a commencé.

Nous remontons vers l’autel consacré à la vierge et nous passons devant un confessionnal en bois de sapin. Devant l’autel, au sol, une pierre gravée. C’est l’ancienne sépulture de la famille de Lescalle. L’autel de pierre est simple. Un petit tableau représente la Vierge (en 1735 on signale une « Naissance de Jésus peinte sur bois, la Sainte Vierge tenant l’enfant ». C’est peut-être le même tableau qui existe encore en 1840).

À gauche, adossé au mur bord, il y avait autrefois un autel consacré à Saint Roch. Il a été supprimé en 1604.

Nous retournons maintenant dans la nef. Ses dimensions sont imposantes : 25 mètres de long, 10 mètres de haut et 6 mètres de large. Le plafond est entièrement lambrissé. Sur la droite, vers l’entrée, accroché au dernier pilier, un grand crucifix semble attendre les fidèles. A gauche, adossée à un pilier, une chaire de pierre à laquelle on accède par un escalier de pierre muni d’une rampe de fer.

Le chœur dans lequel nous nous trouvons est surélevé de deux marches par rapport à la nef, il comporte des bancs et des lutrins pour les choristes qui animent les offices (la grand’messe est chantée tous les quinze jours). Ce chœur a été construit sur l’ancienne sépulture des « seigneurs » de la Plane.

Le sanctuaire est encore plus élevé (une marche) et occupe toute l’abside. Il est fermé par une rampe en fer qui sert de table de communion. Le maître-autel est dédié à Saint Martin. Il est en pierre avec un cadre de bois. Le tabernacle sculpté et doré date du milieu du XVIIe siècle (Il remplace celui qui en 1659 était « fort vieux, sa porte cassée). L’ensemble est surmonté d’un retable en bois de noyer à quatre colonnes entre lesquelles sont placés trois tableaux : au centre Saint Martin, à droite Saint Sébastien et à gauche Saint Roch. Ces tableaux ont été exécutés en 1672 par Jean Mazoyer « peintre ordinaire du Roi » à Bordeaux (Les tableaux ont été commandés le 27 juillet 1672 par contrat passé chez un notaire. Comme pour l’orgue, on n’en trouve aucune trace après la destruction de l’ancienne église.).

Sur le côté gauche de l’abside s’ouvre une porte qui conduit à la sacristie. Cette sacristie a été construite au XVIIIe siècle dans le prolongement du bas-côté de Notre-Dame pour remplacer l’ancienne sacristie qui occupait le fond de l’abside.

La visite va se terminer par le bas-côté de droite où se trouve l’autel consacré à Saint Jean-Baptiste ; il est orné « d’un tableau assez bon, mais on ne sait ce qu’il représente ». Il y avait, jusqu’en 1604, contre le mur sud, deux autres autels consacrés à Saint Jacques le Majeur et à Saint Eloi.

Nous sortons par la porte placée au fond du bas-côté Saint Jean et retrouvons le porche. Ayant traversé le cimetière nous partons par le chemin de procession d’Eysines à Bruges (aujourd’hui disparu. Le début de son tracé correspondait au départ de l’avenue de la Pompe.). Ceci nous permet de voir l’église par son chevet et de l’admirer ainsi sous un nouvel angle (fig. 4) (Il s’agit d’une lithographie de Legé de 1845).

Lithographie-de-1845-de-LegeBibliothèque municipale de Bordeaux fonds Delpit. Mic 100/7 carton 47. 

Après cette visite le guide ne tendra pas la main. Sa récompense sera de savoir que les lecteurs connaîtront mieux ce monument qui a disparu du paysage eysinais sans laisser de traces à cause d’un accident météorologique et du manque d’intérêt manifesté par les hommes de l’époque.

Article publié en 1988 dans Eysines mon village.

 

La fin de l’ancienne église

En 1988, dans « Eysines, mon village », vous avez pu vous transporter en 1840 pour visiter l’ancienne église de notre commune. Elle se trouvait sur la place du 4 Septembre. Revenons en 1840.

Les Eysinais peuvent être satisfaits. Après avoir menacé ruine, leur église a fière allure ; mais pour cela il a fallu réaliser de coûteux travaux de maçonnerie, de charpente et de couverture, installer une horloge et améliorer la décoration intérieure. Le conseil de fabrique vient même de commander à un facteur de Bordeaux un bel orgue à six jeux.

Il y a toutefois deux motifs d’inquiétude : le clocher et le cimetière. Les murs et la charpente du clocher ont besoin de « promptes réparations », le cimetière devrait être déplacé, d’abord pour respecter la loi mais surtout à cause des épidémies de choléra qui touchaient régulièrement les habitants du bourg. M. Farinel de la Forêt a même calculé qu’à raison de quarante morts par an le cimetière a accueilli 20 000 sépultures ce qui n’a pas manqué de faire monter le niveau du sol ; de plus d’un mètre. Un petit effort financier et ces difficultés seront réglées.

Mais d’autres problèmes plus politiques se posent. L’église n’est capable d’accueillir que 600 fidèles pour plus de 2 000 habitants. Certains voient là la cause de la désaffection des Eysinais pour la religion (en 1840, on ne compte que 4 communiants et 40 communiantes pour Pâques contre 1 450 et 180 au Taillan dont la population n’atteint pas 1 000 habitants). Pour eux il est nécessaire d’agrandir ou de reconstruire l’église. Il y a aussi la question du Haillan. Avec une volonté croissante, les Haillanais, s’estimant mal traités par la municipalité, veulent constituer une commune et une paroisse indépendantes. Une reconstruction de l’église en un lieu moins éloigné du Haillan pourrait calmer les ardeurs sécessionnistes.

Les projets et contre-projets se multiplient, les discussions s’éternisent et rien n’est fait pour enrayer le mal qui s’aggrave.

Lorsqu’en décembre 1847 la foudre, « le feu du Ciel », abat le clocher, seuls des travaux de soutènement sont entrepris et les paroissiens continuent à la fréquenter alors qu’elle est décrite comme « église en ruine ou plutôt masure informe presque entièrement lézardée, étayée depuis 5 ans ». Pour des raisons évidentes de sécurité, elle est interdite au culte en janvier 1856. En novembre de la même année, Léo Drouyn vient en relever le croquis, il note sur son carnet : « Cette église est dans un état déplorable et offre peu d’intérêt, son plan est formé d’une nef romane précédée d’un clocher carré et suivie d’une abside semi-circulaire. La nef a un bas-côté moderne. Le clocher actuellement maintenu par des étais a été au XVIe siècle renforcé par des contreforts angulaires. La partie supérieure n’existe plus ; les ouvertures dont il est percé sont de petites fenêtres à section droite et très évasées en dehors et en dedans, à l’ouest s’ouvrait une porte en plein cintre recouverte par un arc ogival au XVIe siècle. La porte actuelle, qui est du XVe s’ouvre au sud dans un avant corps roman en partie ruiné. A l’abside on voit des contreforts plats ».

Mais il est déjà trop tard, depuis 1854 la décision de transfert a été prise, le financement est assuré ; l’ancienne église est démolie en janvier 1857 et ses restes sont utilisés pour la construction de la nouvelle.

1856-eglise

Plan-de-leglise-en-1854

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Eglise en 1856, dessin de Léo Drouyn

Article paru dans le Bulletin municipal d’Eysines de juin 2003.

 

Les cloches d’Eysines

Les cloches de l’église d’Eysines sont les témoins les plus visibles (et audibles !) de l’ancienne église.

Le 30 juin 1574, chez Maître G. Soteau, Méric de la Caussade, Bernard de la Loubeyre, Micheau Godard, Pierre Faure, Perrin Robert, Arnauld Duboscq, Aarnauld Mmiqueau, Bertrand de la Loubeyre, Perrin Rieu, Raymond de la Forest, Etienne Corrent, Jehan Guiraud, Raymond Feydieu, tous de la paroisse d’Eysines et représentant probablement le Conseil de Fabrique, reconnaissent devoir à Raymond Causse bourgeois et marchand de Bordeaux, 168 livres et 15 sols tournois qui restent à payer pour la vente d’une cloche de 9 quintaux et 10 livres reçue ce même jour.

Le 19 septembre 1604, Pierre de Lurbe, chanoine et archidiacre de Bordeaux est envoyé par son évêque le cardinal de Sourdis en visite dans les paroisses. A Eysines, il signale la présence de « deux cloches au clocher, l’une d’environ huit à dix quintaux et l’autre de quatre à cinq ».

Pierre-de-Lurbe

Le 31 décembre 1693, le curé d’Eysines baptise « une petite cloche ». Le parrain est Arnaud Campet conseiller du Roy et son procureur en l’élection de Guyenne et la marraine demoiselle Thérèse de Constans femme de M. de Godière (Arnaud Campet possédait, en indivision avec Cantinolle, le bourdieu de Peyron, devenu « les Tilleuls ». Godière était propriétaire de la maison noble de Pied-Sec).

1693-bapteme-cloche

Le 5 mai 1735, au cours d’une nouvelle visite de l’envoyé de l’évêque, on signale la présence de « deux grosses cloches bénites depuis longtemps ».

La plus grosse de ces cloches devant être détériorée (sans doute fêlée), elle doit être refondue. Le 5 mai 1787, le chapitre de l’église Saint-Seurin de Bordeaux, qui exerce des droits seigneuriaux à Eysines, décide de contribuer, à hauteur de 30 livres, à la refonte de la cloche. C’est chose faite en 1788. Le fondeur est Pierre Poulange. D’origine lorraine, on lui doit de nombreuses cloches des paroisses de la région depuis 1760. Un an après, le 17 mai 1789, les paroissiens de Bruges se réuniront en assemblée capitulaire pour commander au même Pierre Poulange de refondre leur cloche qui est fendue en la faisant plus grosse d’un huitième, le prix de la matière étant le même que celui payé à Blanquefort, au Taillan et à Eysines. Cloche livrable en juillet 1789 ! Pierre Poulange décède le 24 mars 1810 à Bordeaux.

Les flancs portent diverses inscriptions :
les noms des paroissiens « ouvriers de l’église », ce sont Arnaud Béchade (époux de Catherine Dubos) et Richard Videau (époux de Jeanne Moussa),
ceux des nombreux représentants de la ville de Bordeaux,
les parrains sont Jean Laurent Buhan, avocat au Parlement de Bordeaux et Alexis de Lamontaigne également avocat au Parlement et secrétaire ordinaire de la ville, la marraine est Marie Anne Catherine de Bodin Dussault de Saint Laurent fille d’Antoine le « seigneur » de la maison noble de Bois Salut.

Cette cloche est toujours en service à Eysines.

La seconde cloche porte l’inscription : « Hypolite Grossard. 1835 ». Sans doute a-t-elle été dans le clocher de l’ancienne église avant de rejoindre la nouvelle.

L’orgue de l’ancienne église

Dans sa séance du 26 avril 1840, le Conseil de Fabrique d’Eysines décide l’achat pour 2700 francs d’un orgue chez Henry facteur à Bordeaux.

Cet instrument comporte six jeux avec un clavier à main et un clavier à pédales :
un bourdon de 4 pieds bouché,
une grande flûte de 8 pieds,
un prestant de 4 pieds,
une doublette de 2 pieds,
une grosse trompette.

Chaque jeu a 54 tuyaux, à l’exception du cornet qui en comporte 60, soit 330 au total. Le buffet, de 3 mètres de haut et 2 de large, est orné de deux tourelles.

Il est installé au cours de 1841 sur la tribune qui occupe le fond de la nef de l’église, tout contre la tour du clocher. Un organiste est engagé.

L’église connaît une période faste. Après des années difficiles, elle a été sérieusement remise en état : charpente, toiture, décoration intérieure, tout a été revu.

Survient alors la catastrophe : en décembre 1847, la foudre frappe le clocher démolissant la flèche et ébranlant la tour. On doit descendre les cloches et il faut, pour cela, éventrer la voûte du clocher, ce qui le fragilise encore plus. Malgré les étais mis en place, la ruine vient rapidement. Un long débat s’engage : faut-il réparer l’église ? doit-on l’agrandir ? ne serait-il pas préférable d’en construire une autre ? En 1850 ou 51, l’organiste est congédié. En 1855, l’église est interdite au culte.

Aucun document ne permet de savoir ce qu’est devenu cet instrument. S’il avait été vendu, la recette apparaîtrait dans les comptes de la Fabrique comme apparaît la vente d’un autel. S’il avait été transporté dans la nouvelle église, on trouverait trace du traitement de l’organiste. Aurait-il été abandonné aux chutes de pierres et aux gouttières ?

Vous n’entendrez donc jamais sa musique. Sachez toutefois qu’il existe, à Montpon-Ménestrol, un orgue du même facteur qui lui ressemble comme un frère.

Les cimetières d’Eysines

Pendant des siècles, comme dans toutes les paroisses de France, le cimetière d’Eysines s’étendait autour de l’église (place du 4 septembre). Afin de les placer sous la protection divine, chacun essayait de faire inhumer ses morts le plus près possible du saint édifice. Les plus fortunés, au prix d’un don aux œuvres de l’église, parvenaient même à obtenir une inhumation dans la nef. Les couches successives de sépultures avaient entraîné une surélévation du niveau du sol de plus d’un mètre et, pour entrer dans l’église, il fallait descendre quelques marches ; les tombes étaient si enchevêtrées qu’il était impossible de traverser le cimetière sans les piétiner.

Les objets de culte

Les rapports des visites épiscopales, conservés aux Archives départementales, sont riches d’informations précieuses sur notre histoire. Ils sont parfois suivis d’ordres de l’évêque. Peut-être pourront-ils nous éclairer sur l’origine et l’âge de certains objets du culte de notre église.

Le tabernacle

Dans le registre des délibérations du Conseil de Fabrique, à la date du 3 avril 1864, il est décidé de faire réparer le vieux tabernacle et de le placer au grand autel.

Voici ce que je sais du tabernacle de l’ancienne église.

1604. Tabernacle de bois au milieu du grand autel. Porte débauchée et fléchisses déprise de leur place. Tabernacle trop encombrant. L’Evêque ordonne la réparation de la porte et de la serrure.
1659. Le grand autel est garni d’un tabernacle fort vieux et sa porte est cassée. L’Evêque ordonne qu’il soit changé, doré et doublé au dedans.
1691. Le dedans du tabernacle doré est proprement étoffé.
1735. Tabernacle en sculpture et doré. Garni d’étoffe de soie verte en dedans. Ferme à clef. Contient custode, soleil et porte Dieu.
1806.Tabernacle de bois doré et sculpté. La dorure a presque disparu. Il ferme mal.

Le grand autel de marbre est commandé en 1872.

Calice

1659. 2 calices d’argent doré avec leurs patères.
1691. 2 petits calices d’argent.
1735. Un calice d’argent, une patère dorée.
1806. Un calice d’argent doré.
1854. Achat d’ornements et d’un calice pour 323 francs, 25.

Soleil ou ostensoir

1659. Un soleil d’argent, y mettre un pied d’argent.
1691. Un soleil d’argent sans pied.
1735. Un soleil d’argent neuf avec son pied. Croissant doré.
1806. Ostensoir de cuivre argenté dont la coupe et le croissant sont dorés.

Encensoirs

1659. Un encensoir sans navette ni cuillère.
1735. 2 encensoirs avec navette et cuillère de métal.
1806. 2 encensoirs avec leurs navettes en cuivre.

Ciboire

1659. Un ciboire d’argent doré. Il devra être changé pour un plus grand, doré en dedans, avec couvercle et croix au sommet.
1735. Un ciboire d’argent doré en dedans.

Croix

1659.Une grande croix d’argent.
1691. Une croix pour les processions.
1735. Un crucifix d’argent sur l’autel, une grande croix d’argent pour les processions, une petite croix d’argent pour l’extrême onction sans pied, une grande croix de fonte pour envoyer chez les morts dans les campagnes.
1805. Une croix en cuivre argenté (croix de procession).

Vase des Saintes Huiles

1604. Dans l’armoire à gauche de l’autel (semble être de plomb assez mou). Un vase d’étain sera acheté).
1659. Le vase des Saintes Huiles est en bon état.
1735. Une boite d’étain dans les fonts baptismaux.

Lampes

1659. Il y a 3 lampes, une devant chaque autel : d’argent autel Notre Dame, de fonte aux autres. La lampe d’argent sera mise au grand autel.
1691. 2 lampes, une d’argent, l’autre de fonte.
1735. Une petite lampe d’argent (735 grammes).
1806. 2 lampes en cuivre dont une est blanchie.

Custode

1604. Une custode d’argent sera achetée.
1691. Une custode d’argent, dorée au dedans.
1805. En cuivre argenté.

Missels et autres livres

1604. un graduel sera acheté.
1735. deux missels, un graduel, un antiphonaire et psautier, un processionnal.
1805. deux missels, un beau, l’autre usé, un rituel neuf, un processionnal neuf.

Je crois me souvenir que l’un des missels a été donné à l’église du Haillan.

Chandeliers

1735. 6 grands chandeliers de fonte autel Saint Martin, 4 de fonte pour N.D., 4 d’étain pour Saint Jean, fort petits.
1805. 12 chandeliers d’autel en cuivre.
1840. Chandeliers de cuivre argenté.

Inventaire 1906

Dans la sacristie, deux placards contenant : 2 candélabres de bronze, 2 cloches, un plateau de bronze doré, une hallebarde, 3 christs sur 3 hampes, 2 encensoirs, 2 burettes, 2 chandeliers, une fontaine et son support.
Dans l’église : une horloge, 2 cloches, 28 bannières, 10 candélabres, 2 lutrins.

En 1909, ces biens sont attribués au Comité de bienfaisance. Sources : archives départementales, 1V304 et 1V323.

Place-du-4-septembre

La place du 4 septembre, hier et aujourd'hui : la moitié de l'église et du cimetière se trouvent dans l'enceinte du château Lescalle à la suite de la rectification de la voirie.

Recherches et texte de Michel Baron.