La vie de la commune pendant la Révolution

Une des premières réformes de l'Assemblée nationale fut la constitution des municipalités.

Désormais, chaque réunion de ces assemblées fut officiellement consignée sur les registres par un secrétaire, et ces procès-verbaux nous sont précieux pour connaître la vie politique de la commune et la physionomie morale de la population pendant cette période si agitée. Le ton de ces procès-verbaux est souvent ampoulé et grandiloquent, selon les habitudes de l'époque. La mode est à la constitution, au contrat social. On bâtit l'ordre nouveau. Tout le monde se croit appelé à régénérer l'humanité. Constatons simplement avec soulagement que, si nos concitoyens ne purent éviter ces travers, ils témoignèrent peu d'entrain pour les excès révolutionnaires. Ils ne tombèrent jamais dans la cruauté et le crime et, à la presque unanimité, ils restèrent toujours d'honnêtes gens.

1789 - Le 17 novembre 1789, l'Assemblée nationale décidait qu'il y aurait une municipalité dans chaque ville, bourg, paroisse ou communauté. Le décret du 14 décembre suivant organisait la nouvelle législation. Les élus prenaient le titre d'officiers municipaux et leur chef celui de maire. Le conseil comprenait en outre un procureur de la commune, nommé par l'Assemblée électorale. Ce magistrat était chargé de défendre les intérêts de la communauté et d'en poursuivre les affaires. Un nombre de notables double de celui des officiers municipaux était ensuite ajouté pour former le conseil général de la commune. Ce dernier était appelé à délibérer sur les acquisitions ou aliénations d'immeubles, impositions et emprunts. Un secrétaire greffier était nommé par le conseil dans chaque commune. Toutes les élections devaient être faites à la majorité des suffrages. Tous les citoyens ne payant pas, comme imposition, la valeur de trois journées de travail n'étaient pas citoyens actifs et, par conséquent, n'étaient ni électeurs, ni éligibles.

Le 7 mars de l'an 1790. Alors, la commune ayant été appelée au son de la cloche, le maire, les officiers municipaux et les notables ont prêté serment de maintenir de tout leur pouvoir la constitution du royaume, d'être fidèles à la nation, à la loi et au roi et de bien remplir leurs fonctions. À la suite de quoi, le maire a déclaré que l'assemblée était dissoute et que les citoyens actifs ne pourraient plus s'assembler sans une convocation expresse ordonnée par le conseil général de la commune. De tout quoi a été dressé procès-verbal, le 7 mars de l'an 1790, de l'heureuse régénération de la Constitution française, dont grâces infinies soient rendues au Tout-Puissant.

Le 20 mars, la nouvelle fonction d'Audigey avait donc rendu vacante celle de secrétaire. Il fut remplacé, dès le 20 mars, par le sieur Gouny.

Le 5 avril, M. de Ferrussac s'est rendu adjudicataire du barrail des sœurs au prix de 498 livres pour un an et à charge par lui d'en payer le prix dans les mains de la dame supérieure de l'hôpital de la paroisse. Une des premières préoccupations de la nouvelle municipalité fut de mettre un peu d'ordre dans la commune. Le procureur Audigey rappelle que l'Assemblée nationale, en détruisant le régime féodal et en abolissant avec lui les droits exclusifs de la chasse, n'avait pas pour cela autorisé chacun à détruire le gibier ailleurs que dans ses possessions. À sa requête, le maire interdit la chasse chez autrui ; les pigeons, en outre, ne seront réputés gibier que du mois d'octobre au mois d'avril. Il est défendu également de laisser vaguer les pourceaux ou de les conduire avec les brebis sur les communaux. Le procureur attire encore l'attention du Conseil sur l'oppression féodale qu'il importe de détruire et les œuvres ruineuses que cette même cupidité n'a laissé de multiplier. Il s'agissait, en l'espèce, que l'on avait trouvé sur les communaux une quantité de vaches que le sieur Villeneuve tenait dans la paroisse de Macau. Les vaches furent expulsées, mais il s'ensuivit un procès dont nous ne connaissons pas l'issue.

Cet Audigey avait des lettres, il fréquentait à Bordeaux et se mêlait aux clubs en formation. Aussi, dès le 25 juillet 1790, se fit-il nommer dans le district de la ville de Bordeaux. Il fut remplacé par le sieur Guillaume Lemoine, avocat. Le nouveau procureur fit prendre tout de suite plusieurs décisions importantes. Les vignes étaient absolument ravagées par les glaneurs dès que la récolte était commencée. Il fut interdit de pénétrer dans les vignes avant que les vendanges ne soient complètement terminées. Le procureur signala encore la déplorable habitude qu'ont certains particuliers de mener pacager leurs bestiaux dans les vignes et ronteaux, la majeure partie de l'année, par où ils causent un dommage considérable aux propriétaires de vignes et requit le maire de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser de pareils abus. La municipalité revint plusieurs fois sur cette interdiction, à peine de cinquante livres d'amende pour les contrevenants. Sur ces entrefaites, la municipalité fut instruite qu'au mépris des ordonnances concernant le taux de la viande de boucherie, le nommé Ribaud, boucher de la paroisse, se permettait de débiter de la dite viande au-dessus du taux porté par la dite ordonnance et que, non content d'enfreindre ainsi publiquement une loi que les circonstances des vendanges rendaient encore plus impérieuse, il n'avait pas craint de s'emporter en injures les plus graves contre les officiers municipaux. La municipalité se montra très énergique. Elle fit comparaître Ribaud dans la chambre de la municipalité, et ce dernier, ayant reconnu avoir vendu la viande à raison de dix-huit sols la livre au lieu de sept sols, comme lui enjoignait la taxe, il fut condamné à vingt-cinq livres d'amende et il lui fut enjoint, en outre, d'avoir à se conformer à la taxe et aussi de tenir son étau suffisamment pourvu de viande pour les besoins de la paroisse.

À l'été de 1789, le clergé rural avait vu avec plaisir luire l'aurore de la liberté. Lorsque l'Assemblée constituante se mit à discuter la Constitution civile, une chose plut infiniment aux curés, le traitement minimum de 1 200 livres. La dîme, décidément irrécouvrable, leur rendait urgent ce salaire. Mais, cependant, l'inquiétude régnait. L'année 1790 s'écoula. Les plus timorés se rassuraient en relisant le préambule de la loi : « Louis par la grâce de Dieu voulait et ordonnait ce qui suit. » Nul ne mettait en doute la piété du roi très chrétien, mais personne ne savait aussi jusqu'à quel point le malheureux monarque avait perdu la puissance d'ordonner.

Le décret du 27 novembre 1790 ravit la dernière chance de se dérober en s'effaçant. Le serment à la Constitution civile du clergé était devenu obligatoire.

En janvier 1791, le décret fut placardé jusque dans les moindres villages et un délai de huit jours fut imparti pour la soumission. Alors s'ouvrit la grande crise. Pour les évêques, quatre seulement jurèrent, dont le fameux Talleyrand, évêque d'Autun. Les villes du Midi tinrent en général plus fermement que celles du Nord. À Bordeaux, trois prêtres seulement se soumirent à la loi nouvelle. À Ludon, les autorités civiles, respectueuses de l'autorité supérieure, aidèrent au changement.

19 mars. Ce jour, le sieur Le Chevalier, curé de Ludon, adresse une lettre à Messieurs les Officiers municipaux pour les prévenir qu'il refuse formellement de se conformer au décret de l'Assemblée nationale du 27 novembre, sanctionné par le roi le 26 décembre 1790, en tant qu'il assujettit tous les fonctionnaires publics à prêter le serment porté par le dit décret. De plus, le sieur Dupuy, vicaire de la dite paroisse, refuse pareillement d'exécuter le dit décret en ce qui le concerne. Devant un tel état de choses, la municipalité, ne voulant pas se rendre coupable d'une négligence impardonnable, envoya copie de la lettre au procureur-syndic du district de Bordeaux et les deux ecclésiastiques réfractaires au serment furent expulsés.

On assista au changement de curé comme on eût assisté à un changement de fonctionnaire. Au nouveau ministre du culte, on demanda avec la même mollesse les rares services qu'on réclamait de l'autre. Le maintien des formes extérieures suffisait déjà à ces Médocains plutôt que la pratique profonde de la foi. L'église demeurait ouverte, le cérémonial y était le même. Pourquoi chercher plus loin et surtout risquer de se compromettre avec l'autorité ? Ce n'est que plus tard qu'on devait s'apercevoir du changement. D'abord apparurent les affiches annonçant l'adjudication des biens du Clergé. Enfin, le pape se prononça.

Le pape Pie VI, qui avait hésité longtemps à parler, par sympathie pour la France et son roi, envoya un bref de réprobation à date du 13 avril 1791. Dans ce bref, il frappe de suspension tout jureur qui ne se sera pas rétracté dans l'espace de quarante jours. Le curé Bellard ne se rétracta pas. C'était un prêtre politicien et fervent des idées nouvelles. Il venait de Lugos et resta peu de temps à Ludon. Il passa ensuite au Porge et, de là, à Beliet, toujours comme curé, mais là il abdiqua la prêtrise, le 14 frimaire an II, remit son église et les vases sacrés à la municipalité et épousa sa servante, Marie Meynard.

Les populations du Médoc ne furent cependant pas toutes aussi débonnaires que celles de Ludon. La paroisse de Labarde fut témoin de graves désordres. Un décret de l'Assemblée constituante autorisait les prêtres non assermentés à continuer à dire la messe dans leur ancienne église, s'il n'yen avait pas d'autre dans l'endroit. C'était d'ailleurs une grave imprudence, et cette mesure fut promptement rapportée pour éviter les désordres possibles.

Le 9 juillet 1792, M. Mathieu, ancien curé de Saint-Martin de Labarde en Médoc, se disposait à célébrer la messe dans l'église pour les habitants de Macau qui ne reconnaissaient pas leur curé constitutionnel, lorsque les paroissiens de Labarde, excités par leur propre prêtre schismatique, pénétrèrent en grand nombre dans la sacristie où M. Mathieu s'habillait et le menacèrent de lui rompre les bras s'il persistait à dire la messe dans leur église. Le pauvre prêtre fut obligé de fuir et d'attendre la nuit dans la maison d'un voisin pour rentrer chez lui. Ce ne fut pas tout. Le lendemain, la garde nationale de la commune envahit le domicile de son ancien curé et le somma de prêter le serment. Sur son refus, on le menaça de le lui faire prêter de force. La municipalité intervint et signifia au curé qu'il eût à quitter la commune de Labarde s'il ne voulait être assommé.

Le 23 avril, assemblée des citoyens actifs de la commune en vue de la nomination d'un procureur-syndic, le sieur Lemoine ayant été nommé juge de paix du canton. M. Pierre Dévignes fut élu et, requis de déférer à ce vœu presque unanime de la commune, déclara accepter cette mission avec reconnaissance.

Le 1er mai, les sœurs grises qui desservaient la maison de charité de la paroisse étaient parties précipitamment, sans même emporter leurs effets, laissant la municipalité assez désemparée. Celle-ci réunit la commune en assemblée à la date ci-dessus. Le maire fit ressortir les inconvénients du service des sœurs, ce qui donne à penser qu'il n'avait rien fait pour les retenir. Il fit remarquer que les sœurs s'abstenaient de traiter divers genres de maladies, notamment les femmes en couches, et qu'elles refusaient de donner toute espèce de secours pendant la nuit, dès six heures du soir. Il conclut qu'il valait mieux s'adresser à des personnes séculières. L'assemblée approuva et il fut décidé que la dite maison de charité serait désormais pourvue d'un chirurgien et d'un apothicaire des pauvres. Le chirurgien fut naturellement le maire lui-même et l'apothicaire choisi fut M. Maurice Thalamin. Ce dernier était un ci-devant frère apothicaire chez les Capucins de Bordeaux. Tous les deux étaient rétribués pour leurs soins donnés aux pauvres et, en outre, l'apothicairie de la maison de charité était confiée au sieur Thalamin pour en faire les profits siens, à la charge par lui de la remettre à son départ dans l'état où il l'aurait prise et inventaire devait en être dressé. Le dit apothicaire s'engageait, en outre, à tenir école une fois par jour pour les enfants des pauvres. Enfin, l'assemblée décida de rendre aux sœurs leurs hardes et livres, ainsi que les couvertes n'appartenant pas aux lits de la dite maison. L'affaire dut être d'importance, car le procès-verbal de l'assemblée est signé de noms qui n'y figurent pas d'habitude : Lemoine, juge de Paix ; Audigey, administrateur ; Bellard, curé ; Daudebar, colonel.

Le 4 mai, vente du premier bien national, la prairie de Cibesque qui appartenait à la Confrérie de la Charité. Ce bien fut vendu 900 livres à M. Lemoins, homme de loi à Bordeaux.

Le 25 juin, le procureur de la commune reçoit du procureur-syndic du district de Bordeaux l'annonce de l'enlèvement du roi et de la famille royale et l'ordre d'en donner connaissance le lendemain à toute la paroisse à l'issue de la messe paroissiale. Par arrêté du Directoire du département, le régiment de Ludon, en la personne de son colonel et de tous les fonctionnaires publics, devront, le lendemain, à 9 heures du matin, se rendre sur le champ de mars pour prêter serment d'être fidèles à la nation et aux ordres que les circonstances et le salut de la patrie exigeront.

Quelques explications sont nécessaires sur le régiment de Ludon et son colonel. À la suite des premières nouvelles de désordres à Paris, une sorte de panique, qu'on a appelé la grande peur, se déchaîna parmi le peuple des campagnes. Dorénavant, un danger vague et imprécis semble suspendu sur toutes les têtes. La peur saisit le paysan ; il faut se méfier, être en garde contre toute éventualité. On veut croire aux brigands et aux ennemis, alors qu'il n'y a ni l'un ni l'autre. L'amour des armes est une épidémie du moment. Dans chaque commune, chaque homme se pourvoit de fusil ou d'épée et se tient prêt à en faire usage. Des milices dites nationales s'organisent, des compagnies de volontaires font patrouilles ; tout juste si nos hommes ne font pas de fusillades dans le vide par mesure préventive. Tous jurent de mourir les armes à la main pour la défense de la patrie et le maintien de la constitution. Dans chaque petit pays, l'armée locale est « prête à bondir », sans trop savoir d'ailleurs sur qui. Cette force, forgée contre le désordre, risquait de devenir un servile instrument aux mains des violents, et l'Assemblée nationale, justement inquiète de cette armée de citoyens-soldats, songea du moins à l'organiser, si elle ne pouvait pas la détruire. Telle fut l'origine des gardes nationales. Toutes les communes eurent leur régiment patriotique. Pour l'attribution du commandement, l'élection fut la règle, avec des différences suivant les localités. Les grades furent d'ailleurs distribués à profusion et, souvent, sans aucun rapport avec les effectifs.

D'une façon générale, dans les campagnes, au début, le choix du citoyen se porta de préférence sur des nobles et anciens officiers. C'est ainsi qu'à Ludon, le chevalier d'Audebard de Ferrussac, ancien capitaine au régiment de Forest, devint colonel du régiment. Enfin, le 30 avril 1790, un arrêté réglementa ce régime provisoire des milices. Le 18 juin, l'Assemblée imposait l'obligation de servir dans la garde nationale pour conserver le titre de citoyen actif.

Mise à la disposition des municipalités pour le maintien de l'ordre, pratiquement la garde nationale assurait des gardes et des patrouilles et servait surtout d'escorte aux officiers municipaux dans les cérémonies publiques.

La municipalité a délibéré d'adresser une lettre à Mme Pomies afin qu'elle ait à se conformer au décret de l'Assemblée nationale, sanctionné par le roi, qui porte suppression des armoiries, écussons et autres droits honorifiques et vestiges du régime féodal. Cette dernière a fait en réponse que personne n'était plus disposé qu'elle à exécuter les décrets mais que, pour elle, elle ne ferait pas effacer les distinctions honorifiques, que la municipalité était maîtresse de le faire. Il fut décidé, en conséquence, que Mme Pomies, ayant des armoiries tant dans l'intérieur qu'à l'extérieur de l'église de Ludon, il serait payé un maçon afin d'effacer les dites marques distinctives ainsi que les armes apposées au-dessus du grand autel et à l'avenant.

De même pour les armes et écussons que Mme Pomies a laissés au-dessus du portail de sa maison d'habitation, la municipalité requit de la garde nationale un détachement de volontaires qui se transporterait au dit lieu pour procéder à la destruction de ces marques honorifiques.

Registre de ceux qui se sont présentés volontaires pour la défense de la patrie :  Pierre Bouchet, 26 ans, André Pineau, 28 ans, Jean Ardouin, 22 ans, Jean Ramond, 22 ans, Jean Blandin, 22 ans, Jean Andreau, 21 ans, Barthélemy Labadie, 24 ans, Arnaud Michel, 24 ans, Pierre Desanges, 22 ans, Jean Endrot, 20 ans, Pierre Joujous, 25 ans, Guillaume Darne, 22 ans, Élie Hostains, 20 ans, Raimond Hostains, 16 ans.

Le 22 août, vente comme bien national à un Bordelais, pour 5 700 livres, du Prieuré de Gillet, comprenant maison de maître, chai, cuvier, vaisseaux vinaires, un journal 3/4 d'artichauts.

Le 4 septembre, M. Saubolle, justement préoccupé de la tournure que prenaient les événements politiques, donne sa démission par la lettre suivante adressée à la municipalité : « En considération de mon état de chirurgien qui m'occupe beaucoup et pour d'autres raisons qui altèrent aussi ma santé, je soussigné Saubolle certifie me départir de ma qualité de maire.»

Le sieur Audigey fut nommé maire à la place de M. Saubolle.

Le 24 septembre, départ du curé Bellard. Il fut remplacé, au mois de décembre suivant, par le vicaire métropolitain Brugnière, jureur et assermenté comme lui.

Le 29 novembre, décret supprimant la liberté du culte réfractaire. Alors, on vit les prêtres emprisonnés. Beaucoup, cependant, s'ingénièrent à rester au milieu de leurs malheureux fidèles pour leur conserver les secours de la religion. Cachés de jour, ils n'approchaient les villages qu'à la faveur des ténèbres pour assister les mourants. En ville, on célébrait la messe dans les caves, comme au temps de Néron, et à la campagne, au fond des bois. On voit encore au Pian, au couvent de la Miséricorde, dans la petite maison de Mlle de Lamourous, une cachette au fond de son salon où elle entendait la messe pendant la terreur.

Le 6 janvier 1792, très curieuse délibération dans laquelle l'Assemblée nationale, ayant demandé aux municipalités de faire connaître l'étendue des marais à dessécher sur les territoires, les moyens les plus pratiques à employer et le montant des dépenses à engager, la commune de Ludon, réunie en assemblée, a unanimement délibéré que le moyen le plus utile pour faire disparaître la grande quantité d'eau dont les marais se trouvent surchargés la plus grande partie de l'année serait d'ouvrir un canal qui irait se dégorger directement à la rivière de Garonne, sur lequel serait établie une écluse, le dit canal devant partir depuis le fossé de ceinture et se continuer à la gorge de Coulom, puis en ligne droite à la rivière. Ce projet devait être réalisé en 1860 par le Syndicat des marais.

Le 13 avril, démission du sieur Audigey des fonctions de maire de la commune, cette charge étant incompatible avec celle d'administrateur du département.

Le 22 avril, le défroqué Thalamin, apothicaire et cy-devant frère-capucin à Bordeaux, est élu maire par l'assemblée des citoyens actifs de la commune, convoquée à cet effet.

Le 29 avril. Ce jour, à trois heures de relevée, le barrail de la Maçonne ayant été mis aux enchères, le sieur Raymond Laroza s'en est rendu adjudicataire pour la somme annuelle de 617 livres.

Le 10 mai, convocation extraordinaire des officiers municipaux et notables de la commune pour prendre connaissance du cri général de la paroisse et du cri de chaque particulier intéressé, respectivement à une pompe que M. Jacques d'Audebard a fait construire sur le chemin royal de nos palus et marais et qui met obstacle au bien public et particulier. Après délibération, sont nommés commissaires pour la vérification du fait : MM. Pierre Dévignes, dit Nouille ; Pierre Dévignes, dit Riquard ; Pierre Dévignes, dit Chin ; Georges Seguin, Louis Martin, Jacques Eyquem. On ignore quel fut le résultat de cette grosse affaire.

Le 12 juin, le sieur Jean Meymat, forgeron, ayant anticipé sur le chemin de procession du Très-Saint-Sacrement en construisant une palissade hors de l'alignement, il avait été nommé une commission d'experts qui avait conclu que Meymat devrait démolir sa palissade et revenir aux anciennes limites. Cette décision donna lieu à un scandale épouvantable relaté par procès-verbal à la date ci-dessus.

À quatre heures de relevée, la nommée Pétronille Brunie, femme de Jean Meymat, forgeron, s'est présentée comme une enragée devant Arnaud Eyrin, officier municipal, faisant fonction d'officier de police, disant qu'elle donnerait cent livres pour que les aristocrates eussent le dessus. Une heure après, la sus-dite a dit en surplus devant témoins oculaires : « Mes enfants, vous vous rappellerez de la journée d'aujourd'hui, rappelez-vous bien des officiers municipaux et de tous ceux qui sont en place ; souvenez-vous de vous venger sur eux, soit de jour ou de nuit ; pour moi, je vous en fais chapelle, tant que je vivrai ». À sept heures du soir, la dite Brunie a dit encore que toute la municipalité était des coquins et une mauvaise race. Enfin, le sieur Jean Meymat a dit : je voudrais que les choses revinssent comme dans l'ancien régime. L'affaire était d'importance et aurait pu se terminer à Bordeaux, devant le tribunal du District du département, mais les officiers municipaux ludonais se montrèrent indulgents.

À la date du 1er juillet, dans un procès-verbal d'excuses, Jean Meymat assure la municipalité de tout le respect dont il est pénétré pour elle. Cet acte de soumission fut aussi judicieux que prudent, car, dès le 16 décembre suivant, Jean Meymat devint lui-même officier municipal.

Le 18 juin, Jacques Philippe Brugnière, 66 ans, curé de Ludon, ci-devant, bénédictin à Bordeaux, abbaye de Sainte-Croix, prêtre constitutionnel, réclame son certificat de résidence dans la paroisse de Ludon, maison de M. le Curé, et dans le même procès-verbal, la municipalité le reconnaît comme curé et pasteur et dit n'avoir que des éloges à faire de son civisme.

Le même jour, Félix Maurice Thalamin, 34 ans, maire de Ludon, cy-devant frère capucin, apothicaire à Bordeaux, réclame son certificat de résidence et, immédiatement, la municipalité le lui a accordé, ajoutant que le dit Thalamin a tellement mérité son estime par son civisme que c'est d'une voix unanime que les habitants l'ont proclamé maire. Ces deux ecclésiastiques semblent avoir particulièrement adopté les idées nouvelles. Thalamin était défroqué, nous verrons que Brugnière ne tarda pas à l'imiter en cessant ses fonctions de curé. Ces certificats de résidence étaient nécessaires pour toucher les pensions de l'État. Or, Brugnière touchait 500 livres comme cy-devant bénédictin, et Thalamin 500 livres comme cy-devant capucin. Le premier touchait en outre 1 500 livres comme curé de Ludon et 350 comme faisant fonction de vicaire. Les prêtres étaient ainsi incités à prêter serment par intérêt.

Le 10 août, le Roi et sa famille sont emprisonnés au Temple. Début des violences insurrectionnelles.

Le 20 août, destruction de la statue de Louis XV, sur la place ci-devant Royale, en vertu d'un arrêté de la municipalité de Bordeaux.

Le 2 septembre, assemblée électorale à Libourne pour la nomination des députés à la Convention. Sont électeurs à Ludon : Audigey, Lemoine fils.

Le 22 septembre, proclamation de la République à Bordeaux. Lecture en fut faite, le 26, sur la place de l'Arbre de la Liberté et sur la place Nationale, ci-devant Dauphine. Le décret fut immédiatement envoyé aux armées et à toutes les municipalités. Ordre est donné d'enlever les armoiries, girouettes et autres marques féodales qui « salissaient les regards des hommes amis de l'égalité et de la liberté » ; de faire disparaître les fleurs de lis et « jusqu'au plus petit vestige de cette hydre affreuse de l'esclavage et de la tyrannie ». Quiconque proposerait ou tenterait de rétablir en France la royauté ou tout autre pouvoir attentatoire à la souveraineté du peuple, ou de rompre l'unité de la République, sera puni de mort.

1793. Le 21 janvier, le roi Louis XVI est guillotiné à Paris.

Le 18 mars, suprême effort pour « déprêtrailler » la France. Décret de la Convention mettant hors la loi générale et inexorable tout prêtre réfractaire trouvé sur le territoire de la République. Tout citoyen qui connaîtra la retraite d'un prêtre devra le dénoncer.

Le 24 mars, le citoyen Jean Bayle a été le dernier enchérisseur de la ferme des chaises de l'église de Saint-Martin de Ludon, et ce pour le prix et somme de soixante et une livres par an. On voit que la population était encore assidue aux cérémonies du culte. Le 19 mars, un décret avait ordonné de dénoncer aux tribunaux tout citoyen qui se permettrait des indécences dans les lieux consacrés à la religion. Il ne devait pas en être longtemps ainsi.

Le 21 avril, décret portant que les ecclésiastiques séculiers et réguliers, frères convers et lais, qui n'ont pas prêté le serment de maintenir la liberté et l'égalité, seront transférés à la Guyane Française.

Le 11 mai, Brugnière écrit sur le registre de l'état civil : « À l'avenir, les actes de mariage se feront conformément à la nouvelle loi, attendu qu'on m'a nommé officier public. »

21 mai - Aujourd'hui, le Procureur de la commune, au nom de la municipalité, a convoqué une assemblée générale de tous les citoyens de la paroisse aux fins de procéder à la nomination d'un chirurgien qui soit placé dans la maison de charité de cette commune, pour qu'il soit chargé de l'administration des remèdes et autres soins qui seront utiles aux pauvres malades, indigents, qui seront inscrits sur le registre qui en sera fait par les citoyens qui composent le Conseil général de la commune. De suite, on a procédé à la nomination du chirurgien. La pluralité des voix a été donnée en faveur du citoyen Joseph Courtade, maître-chirurgien, demeurant dans la paroisse de Parempuyre. Aussitôt la nomination consommée, avons pris l'arrêté suivant : le citoyen Courtade s'oblige de voir et traiter les malades pauvres et de leur fournir les remèdes moyennant la somme de 450 livres qui lui sera payée tous les ans par le trésorier de la commune. De plus, promettons au citoyen Courtade de le faire jouir d'une partie de la maison et jardin et autres effets qui lui seront nécessaires tant pour lui que pour la composition des remèdes. Le citoyen Courtade s'oblige aussi de procurer un sujet capable d'administrer les remèdes qui seront nécessaires au public, lequel sujet sera constamment dans la maison. Le citoyen Courtade s'oblige en outre à donner les médecines aux citoyens de la commune à 10 sols meilleur marché que les autres chirurgiens des environs.

2 juin - Après le décret du 2 juin 1793, par lequel la Convention mettait les Girondins hors la loi, la Convention décréta que le département porterait désormais le nom de département du Bec d'Ambès, car les noms de Gironde et de Girondins devaient disparaître à jamais. Cette appellation subsista jusqu'en 1794.

Septembre. Cependant, alors que tout le monde ne faisait que parler de liberté, la situation politique s'aggravait. Les mois d'août et septembre virent les débuts de la Terreur avec les grandes lois d'exception: lois sur la presse, loi des suspects contre la liberté individuelle. Partout, c'est la lutte à outrance contre les émigrés, les insermentés et les traîtres. Ce sont, dans les départements, les tribunaux révolutionnaires; dans les communes, les comités de surveillance. À Ludon, la grosse besogne de la municipalité fut la pose des scellés et l'organisation des séquestres sur les biens des émigrés. Il faut reconnaître qu'elle fit preuve, dans l'accomplissement de cette tâche ingrate, de modération et d'impartialité.

8 octobre. Dans la nuit du 8 au 9 octobre, huit prisonniers furent extraits des prisons de Bordeaux, dirigés sur Paris et écroués à la Conciergerie pour être traduits devant le Tribunal révolutionnaire. Parmi eux se trouvait Lemoine fils (Guillaume-Antoine), de Ludon, qui fut condamné à mort le 2 novembre et exécuté le même jour.

Le 23 octobre, exécution de Saige, ancien maire de Bordeaux, homme très riche dont l'hôtel est l'actuelle préfecture, cours du Chapeau-Rouge.

An II, 25 frimaire. Le nouveau calendrier est désormais adopté sur les registres de Ludon.

Le 15 décembre, acte est pris par la municipalité de Ludon de la décision du conseil du district de Bordeaux au sujet du citoyen Bertrand d'Audebard de Ferrussac. Ce dernier ayant pu produire un certificat de résidence délivré par la commune de Moissannes, district de Saint-Léonard, département de la Haute-Vienne, qui atteste sa présence dans ladite commune du 14 août 1791, sans interruption jusqu'au 16 septembre 1792, le conseil permanent du district de Bordeaux déclare que le dit Daudebar de Ferrussac n'est pas émigré, fait mainlevée provisoire de tous séquestres de ses biens et accepte pour caution Jacques Daudebar, frère aîné du susdit, domicilié à Ludon.

Frimaire (16 décembre). Procès-verbal des séquestres posés en divers lieux, de concert avec le maire et officiers municipaux et le commissaire nommé par le district de Bordeaux à la commune de Ludon.

Darche de Luxe, supposé émigré, duquel le bien se compose de : maison de maître, cour, jardin, cuvier, chai, granges à foin, écurie, parc à bœufs, parc à vaches comprenant avec les vignes en graves et en palu 177 journaux 3/4. Le scellé a été mis à la maison seulement, sous la garde de deux vrais sans-culottes. Le séquestre est sous la responsabilité de Jean Lagunegrand, agent d'affaires du dit bien. Il a été trouvé dans le chai : 12 tonneaux de vin de grave, 4 tonneaux de vin de palu ; au parc à bœufs : une paire de bœufs ; au parc à vaches : sept têtes de vaches ; les outils aratoires et des provisions courantes. Le présent procès-verbal porte une mention en surcharge indiquant que le séquestre du citoyen d'Arche a été levé le 11 ventôse, an II (29 février 1794). Le dit citoyen Darche n'était donc pas émigré.

Villeneuve, résidant à Cantemerle-Macau, ayant un fils émigré, a été séquestré entre les mains de Jean Taillade, vigneron, le domaine consistant en vignes (145 journaux), jardin et chambre, au lieu nommé à Gasteau.

Séguineau fils, à La Lagune, âgé de dix-sept ans, ayant un beau-frère émigré sans avoir donné la preuve du partage des biens. Avons posé les scellés sur la maison de maître sous la garde de deux vrais sans-culottes, avons laissé libre une chambre à deux lits garnis, une chaise longue, deux glaces, une commode, un piano et une autre chambre à coucher avec lit pour les gardes du scellé. Le bien se compose de : un cuvier avec accessoires un chai garny de· 20 tonneaux de vin nouveau ; un parc à bœufs garny de trois paires de bœufs ; un parc à vaches garny de vingt têtes de vaches ; une écurie avec un cheval; cent-septante-quatre journaux de vignes, terres et prairies.

Du Gravier, de Macau, ayant un fils émigré, séquestré entre les mains de Raymond Lasserre, meunier, comme étant le plus proche voisin ; 5 journaux vignes.

Du Noguès, ci-devant noble présumé émigré, séquestré pour 39 journaux vignes, terres et prés.

Lalanne, de Macau, a sa femme émigrée ; séquestré entre les mains de Jean Rozié, dit Tonton, pour 183 journaux de vignes, terres et marais.

Lemoine, de Bordeaux, ayant son fils jugé à Paris, séquestré pour un bien composé de : 130 journaux vignes, terres, pré et marais maison, cour, jardin, parc à bœufs garny de deux paires de bœufs, parc à vaches garny de cinq têtes de vaches, écurie garny de quatre chevaux ; chai garny de 29 tonneaux de vin nouveau ; et la maison du jardinier dans laquelle deux caves où l'on croit qu'il y a vin vieux.

On voit que les commissaires de Ludon ne poussaient pas très avant leurs perquisitions. Ils se contentaient, la plupart du temps, de ce qu'on leur annonçait.

Pontet, de Bordeaux, par la raison qu'il n'a point produit à la commune de Ludon son certificat de résidence ; séquestré dans les mains du citoyen Eymerie le bien composé de 149 journaux vignes, aubarède, pré, artichauts, avec bâtisses, cour et chay garny de 35 tonneaux de vin nouveau.

Le 22 décembre, la municipalité et le conseil général de la commune, extraordinairement assemblés à dix heures du matin, ont fait la nomination de huit citoyens pour le bureau de subsistance : le citoyen de Ferrussac, président ; Pierre Fontareau-Desmirail, secrétaire Guérry Jean, marchand (Jean Guérry eut une fille qui épousa Pierre Viguolles. Le fils de ce dernier, dit « Le Pointu », eut un fils, Jean, et deux filles, dont l'une épousa Lagunegraud. Les enfants de ce dernier furent Mme Léonce Ferry et M. Edmond Lagunegrand, dont la fille a épousé M. Sailhan) ; Larroque ; Dévignes, dit Riquart ; Lafargue, tailleur ; Dévignes, dit Nouille ; Guillaume Seguin, tailleur.

Ce bureau de subsistance dut s'occuper tout d'abord de la réquisition des foins dans la commune. Cette année 1793 fut marquée par une grande disette, notamment de foin et de blé (les conventionnels rendirent un arrêt qu'il ne pourra être fabriqué qu'une seule espèce de pain ; l'ensemencement des parcs d'agrément et de toutes les terres vaines et vacans fut ordonné). La commune de Ludon, plus favorisée que les communes voisines, put livrer à celles-ci pas mal de fourrage, mais il fallait une autorisation spéciale du conseil général du district pour toute vente de foin et l'acheteur devait en faire la déclaration à sa propre commune qui en surveillait l'emploi.

Nous trouvons ainsi des certificats de livraison de foin dans les communes de Blanquefort, de Saint-Aubin, de Saint-Médard-en-Jalles, du Pian, de Gradignan.

 

De plus, le comité de subsistance des sans-culottes de Bordeaux avait organisé un service pour le transport des subsistances dans le département du Bec d'Ambès. Nous trouvons l'acte de réquisition d'un cheval avec harnais, adressé à cet effet à la citoyenne veuve Pomies, 4, rue Désirade, à Bordeaux.

Une autre élection beaucoup plus importante, faite le même jour à Ludon, fut celle du fameux comité de surveillance institué dans les communes pour dénoncer les suspects. Furent nommés : Guillaume Pontet, président ; Étienne Audigey ; Pierre Dévignes, dit Chin ; Louis Prélat, à la Palu ; Bernard Miquau ; Jean Cricq, vigneron ; Jean Renouil, de Paloumey ; Jean Mériguet.

Chaque village avait ainsi son comité de surveillance investi du pouvoir de décerner mandat d'arrêt contre tout citoyen dénoncé comme suspect ayant manifesté des sentiments incivils, nobles, père ou fils d'émigré. Ce mandat transmis à la municipalité, le citoyen arrêté était immédiatement transféré dans une prison de Bordeaux, jugé par la commission militaire et exécuté ou acquitté.

Le 8 nivôse (28 décembre), le curé Brugnière avait été nommé officier public depuis le 11 mai précédent, et il signait les actes de l'état civil : Brugnière, curé officier public. À partir du 28 décembre, il signa tout simplement : Brugnière, officier public. Il y a tout lieu de penser que c'est depuis cette date que l'église fut fermée au culte. Brugnière ne devait quitter définitivement Ludon que dans les derniers jours de 1794.

Le 22 ventôse, le receveur du district de Bordeaux reconnaît avoir reçu, à titre de dépôt de la municipalité de Ludon : deux calices, deux patènes, un ciboire, un pied de soleil et une croix, le tout en argent. Ce dépôt était la conséquence de la suppression du culte. L'église fut fermée ou ne servit plus qu'aux bruyantes réunions politiques de l'époque. C'est là que les orateurs du cru se rendaient populaires en déclamant du haut de la chaire transformée en tribune.

En fait, les églises paroissiales constitutionnelles s'étaient fermées d'elles-mêmes, sous la pression des circonstances, dans le courant de novembre 1793. L'exercice public du culte catholique fut suspendu environ 18 mois, jusqu'au décret du 3 nivôse an III (2 février 1795) qui lui rendit la liberté de se produire. Après que la Convention eût décidé l'abolition de toute religion, les églises furent transformées en temples de la Raison, « seule divinité devant qui puissent s'incliner les hommes libres ». Trônant sur le maître autel, s'offrant à la curiosité de tous, la déesse n'était pas nécessairement pour cela une femme de mauvaise vie. Beaucoup ne remplirent ce triste rôle que par orgueil ou par crainte et, autour d'elle, le peuple dansait et banquetait à qui mieux mieux. Voici un exemple de ce genre de solennité. Au-dessus de l'autel, orné de festons de chêne, on lisait ces mots : « À la philosophie ». Cet autel portait une torche allumée qu'on nommait « le flambeau de la vérité ».

Deux groupes de jeunes filles, vêtues en blanc, couronnées de chêne, tenant un flambeau à la main, se rangeaient autour de l'autel. Bientôt la Raison, représentée par une belle femme, venait recevoir au milieu d'elles les hommages des mortels. Après avoir entendu chanter les hymnes en son honneur et la musique qui les accompagnait, la déesse Raison se retirait en jetant un regard de bienveillance sur ses adorateurs. À cette marche silencieuse succédait une musique bruyante et des chants d'allégresse. Les assistants, séducteurs ou séduits, se hâtaient de prêter serment de fidélité à la nouvelle divinité. Plus tard, les églises furent désignées sous le nom de Temple de l'Etre Suprême. On y célébra le culte décadaire devant l'autel de la patrie sur lequel était déposé le livre de la Constitution. On y célébrait surtout les mariages avec une certaine pompe, en présence des officiers municipaux, de la garde nationale et des enfants des écoles, aux cris mille fois répétés de vive la République. « Jamais l'imagination plate du lettré de troisième ordre, jamais la solennité grotesque du pédant, fier de ses phrases, ne trouvèrent une occasion plus propice de s'étaler avec plus d'emphase sentimentale et plus d'ingérence administrative. Devant ces prescriptions de cuistres et ces parades de marionnettes, on ne ferait que hausser les épaules si, derrière l'apôtre qui compose des allégories morales, on n'apercevait pas le persécuteur qui incarcère, supplicie et tue. » (Taine, Origine de la France contemporaine).

Le 5 mars 1794, par suite des dures privations que la disette faisait endurer aux habitants, les malheureux, égarés ou poussés par la faim, parcouraient les campagnes, arrachant et dévorant les jeunes pousses des semences confiées à la terre. Ysabeau fut obligé d'adresser une proclamation aux habitants menaçant des pires sanctions les auteurs d'un crime aussi atroce. Ysaheau était un ancien oratorien, délégué de la Convention à Bordeaux avec Tallien. Il était relativement modéré et surtout occupé des plaisirs de la table.

Germinal (30 mars 1794). État des charges locales pour la commune de Ludon. C'est le projet du premier budget communal annuel.

Entretien et réparation des bâtiments communaux. 150 livres
Loyer du lieu ordinaire des séances de la municipalité. 100 livres
Appointement du secrétaire greffier. 200 livres
Fourniture de papier, bois et lumière. 300 livres
Un garde-champêtre qui est jugé indispensable. 400 livres
Traitement du maître d'école en faveur des pauvres. 300 livres

                    Total 1 450 livres.

12 germinal (2 avril 1794). Considérant que, dans la République française, fondée sur la vertu, les peines sont personnelles comme les récompenses, les représentants du peuple à Bordeaux, jugeant que la condamnation militaire prononcée contre Jean Dufour fils ne peut être étendue sur les biens du citoyen Martin Dufour père, accorde la mainlevée du séquestre établi sur les biens du susdit.

22 prairial (10 juin 1794). Les lois iniques de ventôse et prairial furent le prélude de la grande terreur dans toute la France. La loi du 22 prairial décrétait la suppression des avocats, des témoins à décharge, et la substitution des preuves morales aux preuves matérielles. L'accusateur public avait les mains libres. On ne se gêne plus pour égorger. La formalité de l'interrogatoire préalable est supprimée comme superflue (article 12). S'il existe des preuves, soit matérielles, soit morales... il ne sera point entendu de témoins, à moins que cette formalité ne paraisse nécessaire pour découvrir des complices (article 13). Cette loi, honte de la Convention, fut votée d'enthousiasme, toute entière, établissant pour unique règle des jugements « la conscience des jurés éclairée par l'amour de la Patrie », supprimant la défense et n'admettant qu'une seule peine : la mort.

16 messidor (4 juillet 1794). Jeanne Alix, née à Ludon le 30 mars 1730, religieuse à la Maison du Bon Pasteur, est guillotinée à Bordeaux. C'est l'époque où le sinistre Lacombe, le type le plus parfait du criminel, d'après le mot de Camille Jullian, acquit sa triste célébrité à Bordeaux. La guillotine resta installée en permanence sur la place de la Nation, ci-devant Dauphine, actuellement place Gambetta, du 23 octobre 1793 au 14 août 1794.

Un comité de surveillance dressait la liste des suspects et envoyait les inculpés devant la commission militaire, présidée par Lacombe, qui les jugeait et les faisait exécuter.

La Maison du Bon Pasteur, rue du Grand-Cancera (aujourd'hui, n°58, rue du Cancera, partie des Nouvelles-Galeries), renfermait onze femmes et le prêtre Cazeaux. Ces femmes furent dénoncées et arrêtées, le 12 messidor, an II. Parmi elles, se trouvait Jeanne Alix qui était sœur et, en même temps, cuisinière du couvent. Le surlendemain, le prêtre Cazeaux fut découvert chez elles dans sa cachette. Dès lors, « le Tribunal est fixé ». Condamnés à mort, tous les accusés furent guillotinés le 4 juillet. L'exécution de ces malheureux fut marquée par un fait particulièrement odieux.

Après que huit femmes, dont Jeanne Alix, eurent été mises à mort, la nommée Marguerite Milon monte sur l'échafaud, est liée sur la planche fatale et... le couperet ne tombe pas ; la guillotine était détraquée. Il existe une habitude, sinon une loi, suivant laquelle le condamné qui n'a pas été exécuté à l'heure fixée est gracié, ou du moins voit sa peine commuée. Les sanguinaires terroristes bordelais eurent le triste courage, pour se soustraire aux vociférations du peuple qui leur criait de descendre la femme de l'échafaud, de faire remonter les cinq dernières victimes, dont le prêtre Cazeaux, sur une charrette et de les reconduire au palais Brutus (ancien palais de l'Ombrière, porte Cailhau). Quelques heures plus tard, on vint prévenir que la guillotine était réparée et les cinq victimes reprirent le chemin de leur supplice. Cette cruauté émotionna tellement le peuple que Lacombe crut devoir se justifier par une longue déclaration au Club national : « Le scélérat Cazeaux, dit-il, sous prétexte de religion, faisait passer dans le cœur des personnes faibles le poison de l'aristocratie ». Ce fut un des derniers forfaits de ce monstre qui devait bientôt payer de sa tête son ignominie.

Du 6 juin au 25 juillet 1794, 28 religieuses furent ainsi guillotinées. On enterra d'abord les suppliciées devant l'église Saint-Seurin. Plus tard, les corps furent transportés à la Chartreuse, en face de l'église Saint-Bruno. La cause de béatification de Jeanne Alix a été introduite en cour de Rome le 16 février 1927.

9 thermidor (26 juillet 1794). Chute de Robespierre à Paris et fin de la Terreur. La réaction fut violente et instantanée. Les prisons s'ouvrent dans toute la France. Le tribunal révolutionnaire est suspendu. La loi du 22 prairial abrogée. La Convention était frappée à mort. « Sublime et atroce à la fois, on la voit détruire avec une fureur aveugle, administrer avec une promptitude surprenante et une prudence profonde ; changée par le besoin d'une action forte de démocratie turbulente en dictature absolue, elle devient réglée, silencieuse, formidable. Partout, toute la fin de 93 jusqu'au commencement de 94, elle marcha unie par l'imminence du péril. Mais, quand la victoire eut couronné ses efforts, à la fin de 93, un dissentiment put naître alors, car des cœurs généreux et forts, calmés par le succès, criaient miséricorde aux vaincus. Mais tous les cœurs n'étaient pas encore calmés... La pitié des uns excita la fureur des autres. Les chefs du gouvernement avaient systématisé la violence et la cruauté et, lorsque les dangers et les fureurs étaient passés, voulaient égorger et égorger encore, mais l'horreur publique se levait de toute part. Il fallut quelques instants pour secouer l'engourdissement de la crainte, mais on y réussit bientôt et le système de la terreur fut renversé. » (Thiers, La Révolution française).

À Ludon, les seules victimes de la Terreur furent Jeanne Alix, guillotinée à Bordeaux, et Lemoine fils, jugé et exécuté à Paris. Les résultats de cette époque funeste furent profondément déplorables en Médoc comme dans toute la France. Réquisition d'hommes, de chevaux, de charrettes, de fourrages, de grains, de fer. Réquisition des églises, des consciences, des cœurs et des volontés, anarchie financière, terreur économique, désarroi agricole. Les chemins sont dans un état épouvantable. Les troupeaux paissent en désordre.

Le 15 août, sur arrêté d'Ysabeau, la guillotine est déposée dans un lieu convenable et ne sera plus dressée qu'au moment des exécutions.

An III. 4 vendémiaire (25 septembre 1794). Nous avons vu que, contrairement à Mme de Pomies, Mme de Bacalan, sa sœur, avait toujours eu de bons rapports avec la municipalité. Voici le certificat remis à cette dernière sur sa demande : « Depuis trente ans que la citoyenne Bacalan vit parmi nous, elle a toujours mené une conduite irréprochable ; nous n'avons jamais entendu aucune plainte contre elle. Depuis la Révolution, elle et sa famille se sont toujours distinguées par leur attachement aux nouveaux principes. Elle a toujours prouvé sa soumission aux lois, elle a toujours fourni avec plaisir aux réquisitions ; enfin, il ne nous est rien parvenu sur son compte que des preuves de patriotisme. En foi de quoi, nous avons délivré le présent certificat. »

20 vendémiaire (11 octobre 1794). « De suite que j'ai appris que la place de maire est incompatible avec celle de fermier de la nation, je donne ma démission de maire. En maison commune de Ludon, le 20 vendémiaire, l'an III de la République française, une et indivisible. Signé : Talamin. » Ce départ précipité du maire Talamin était la conséquence d'une série d'événements dans la commune sur lesquels il nous faut revenir. Talamin était, en effet, fermier des biens séquestrés du château d'Agassac, avec Mathias Rihaud, le boucher, et un nommé Courtade, ses associés. De cette époque date une pétition, présentée par Mme de Pomies, dans laquelle elle expose que le fermier de ses biens séquestrés prétend jouir de la moitié de sa maison d'habitation, alors qu'il existe d'autres logements sur son bien. Elle demande que l'administration fixe le logement auquel elle peut prétendre.

Le Conseil général du district de Bordeaux, considérant que la veuve Pomies, obligée de s'éloigner de Bordeaux, conformément au décret du 2 germinal, avait le droit d'occuper sa maison de campagne, décida que la grande maison resterait affectée au logement de la citoyenne Pomies, ainsi que le chai à bois, le caveau et la moitié du jardin, étant entendu que la petite maison formait un logement plus que suffisant pour le fermier Courtade.

Le 29 fructidor, an II, la municipalité se transporta au ci-devant château pour faire livrer à Mme de Pomies, par les fermiers du séquestre, du bois et du vin et les faire mettre dans le petit chai, mais Courtade et le citoyen maire s'y opposèrent, disant que tous les bâtiments leur appartenaient, sauf le château, et la municipalité se retira. Le deuxième jour complémentaire, la commission municipale revint et commença à faire serrer le bois dans le chai, mais Courtade alla sortir la clé, disant avec fureur que la municipalité était drolle et qu'elle se permettait des choses qui ne la regardait pas. La commission n'insista pas et constate mélancoliquement, dans son procès-verbal : « Quand les fermiers nationaux ne font aucun cas des arrêtés de l'administration, pour ne pas dire pis, il serait bien étonnant que des officiers municipaux à qui ces opérations sont confiées, qui ne sont que des administrateurs subalternes, fussent écoutés. »

Le 7 vendémiaire, an III, les officiers municipaux se transportèrent de nouveau à Agassac, mais cette fois ils s'étaient fait accompagner d'un serrurier. Ils trouvèrent le chai à bois ouvert, mais durent faire sauter la serrure du chai à vin et procédèrent enfin à l'inventaire du bois et du vin. On constata que les fermiers avaient détourné 2 barriques de vin et 150 faissonats. C'est probablement à la suite de ces faits qu'on fit comprendre à Talamin que sa démission de maire était indiquée. Mais Courtade se plaignit au juge de paix de Macau qui fit ouvrir le chai et le caveau. La municipalité fit alors appréhender Courtade par la force armée et on l'enferma dans la prison communale pour vingt-quatre heures. À peine libéré, Courtade commit de nouveaux méfaits. Le 15 vendémiaire, il fait tuer une vache prête à mettre bas. Le 19, il se sert des barriques neuves inventoriées. Il fait tuer quatre brebis pour les vendanges ; aucun fossé de la propriété n'est curé. Les procès-verbaux pleuvent sur Courtade qui n'en a cure. Le 16 pluviôse, la municipalité constate que le fermier a fait couper des arbres dans une vraie aubarède, alors qu'il n'avait droit qu'aux aubiers bordant la préceinte ; le 22, procès-verbal constatant que les vignes d'Agassac sont restées déchaussées depuis plus de six mois et ainsi exposées aux plus fortes chaleurs de l'été, puis aux froids rigoureux de l'hiver, et ce, par la négligence de Courtade qui a employé des bœufs de la citoyenne Pomies à son usage personnel.

Enfin, le 29 pluviôse, éclate un vrai scandale. À 10 heures du soir, chez le citoyen Boucheron, aubergiste, le boucher Mathias Ribaud se permit impertinemment de dire, faisant allusion à Courtade et à Talamin, que toute la municipalité étaient des coquins et des jaloux. Sur-le-champ, ladite municipalité requit le commandant de la garde nationale de lever un piquet et d'aller chercher le citoyen Ribaud qui fut enfermé dans la maison d'arrêt jusqu'au lendemain. En somme, le bien d'Agassac était mis en coupe réglée par les fermiers du séquestre. Après le départ de Talamin, Courtade passa la main à un certain Drouillard, mais les friponneries continuèrent.

Le 8 prairial, la municipalité est prévenue qu'on rencontre à Bordeaux le cabriolet de Drouillard attelé de deux chevaux de labour d'Agassac. Le 12 du même mois, c'est-à-dire fin mai, les cuves sont encore pleines de rapes et les cochons sont enfermés dans le cuvier. Les voyages à Bordeaux se multiplient, toujours avec des chevaux de labour non ferrés. Drouillard fait même un voyage de 10 jours à Condom avec trois chevaux et, à son retour, la municipalité fait constater les blessures des animaux, par le forgeron Meimat. Drouillard fait alors transporter au Despartin, pour coucher ses manœuvres, les matelas et couvertures de lit du château. La municipalité, sur son refus de les rapporter, le fit comparaître devant elle. Drouillard ayant dit qu'il était le fermier de ces effets, que la municipalité n'avait pas à le contrôler et s'étant répandu en propos injurieux, fut enfermé dans la maison d'arrêt communale pour vingt-quatre heures. Le lendemain, à 7 heures du soir, la municipalité étant assemblée, le citoyen Meimat, officier municipal et de police, décoré de son écharpe, s'était présenté à la maison d'arrêt pour sommer Drouillard de se rendre en maison commune devant la municipalité. Ce dernier refusa, disant que, si on le voulait en maison commune, on le sortira par morceaux et proférant des injures contre les piquets et le greffier, disant que le piquet était des J.F. et de la canaille et que le secrétaire était un drôle et que c'était lui qui soulevait et mettait le trouble dans la commune, et qu'il ferait bien de ne pas se trouver sur sa route. Non seulement Drouillard ne s'amenda pas, mais, par défi, il fit coucher tous ses manœuvres, hommes, femmes et enfants, dans les lits du château ; en tout, 22 personnes.

19 germinal (6 avril 1795). La municipalité assemblée a rappelé que la loi de la Convention du 27 frimaire, an II, décide que les maisons curiales non vendues au profit de la nation serviront de maisons d'instituteurs et a délibéré d'après la loi que la maison ci-devant curiale de Ludon sera désormais le logement du citoyen Largeteau, secrétaire-greffier et instituteur.

24 germinal (11 avril 1795). Mme de Pomies étant décédée le 15 ventôse (5 mars), la mainlevée du séquestre de ses biens se fit de la manière suivante, sur pétition de deux de ses fils, Charles et Pierre de Pomies. Voici l'arrêté pris par le district de Bordeaux à la date ci-dessus : Considérant que, par donation contractuelle, la citoyenne Lavie, veuve Pomies, constitua à son fils, Charles, le moitié de la terre d'Agassac au moment de son mariage, le 19 août 1789 ; considérant que l'autre moitié du bien d'Agassac, dont la veuve Pomies n'a pas disposé, se trouve indivis entre le citoyen Pierre Pomies, au service dans les armées de la République, et la nation, représentant Jean-Baptiste Pomies, émigré ; arrête que, moyennant lesdits partages, mainlevée est faite aux citoyens Charles et Pierre Pomies, pétitionnaires, pour les portions qui leur reviennent, et celles revenant à Jean-Baptiste Pomies, émigré, demeurent confisquées au profit de la nation.

10 floréal (8 mai 1795). Sur plainte de l'agent national, nouveau titre que porte le procureur de la commune, la municipalité assemblée interdit, sous peine d'amendes très fortes et d'emprisonnement, le pacage des bestiaux, et en particulier des cochons, dans le cimetière, dans la cour de la maison d'école et dans les vignes et rontaux.

Le 20 floréal, mention est faite de l'achat, par le citoyen Laroque, pour la somme de 20 000 livres, de la maison dite de la Charité. La municipalité décide de faire une vente publique de tous les vases de pharmacie qui servaient naguère à l'apothicaire.

Le 8 prairial, réouverture des églises en France. En fait, celle de Ludon resta fermée jusqu'au Concordat.

Le 25 prairial, nomination du premier garde-champêtre à Ludon, Pierre Cardin.

An IV. Le 28 brumaire, inventaire est dressé par la municipalité du bétail de la propriété du Bourdieu du Prat, appartenant au citoyen Georges O'Byrne qui est autorisé à en reprendre possession : deux bœufs, douze vaches, une jument, un veau. Constatation est faite que la vigne n'a pas eu de façons, que les fossés n'ont pas été curés ; de plus, une partie du bétail aurait disparu, tout cela par la mauvaise exploitation du fermier Duzan.

Le 18 fructidor, réorganisation de la garde nationale dans la commune. En conformité de la loi du 29 prairial, trois compagnies sont constituées. Sont élus : capitaine de la compagnie du bourg, le citoyen Laroque ; capitaine de la compagnie de la Taste, le citoyen Pierre Dévignes, dragon ; capitaine de la compagnie de la palu, le citoyen Audigey.

Le 6 messidor, vente comme bien national de la maison curiale de Ludon au citoyen Bernard Dourcy, à Blanquefort, pour 6 012 livres.

Le 5 septembre 1797, mort de Pierre Pacareau, évêque constitutionnel à Bordeaux. Il fut inhumé dans la cathédrale, mais les restes de ce prélat schismatique en furent enlevés de nuit quelques années plus tard. Son successeur fut Dominique Lacombe, curé de Saint-Paul, qui devait obtenir, au Concordat, l'Evêché d'Angoulême. II mourut en 1823.

1800. Le 31 décembre, le citoyen Brousse est maire de Ludon.

An IX. Le 19 pluviôse, le conseil municipal donne avis favorable à une pétition du citoyen Saubolle, chirurgien, qui demande la place d'officier de santé de l'hospice de la commune.

Le 15 germinal, le nombre des électeurs est de 242.

An X. Le 18 pluviôse, le maire donne lecture de la circulaire du conseiller d'État, préfet de la Gironde, relatif au monument à élever à Bordeaux, sur la place Nationale, en l'honneur de Bonaparte, vainqueur, pacificateur et restaurateur de la prospérité nationale. Le conseil municipal, pénétré de la plus vive reconnaissance pour la bienveillance que le préfet veut bien témoigner aux habitants des campagnes en les appelant à concourir à ce monument avec les habitants de Bordeaux, a arrêté qu'il sera ouvert des souscriptions et qu'il sera nommé des commissions pour instruire et prévenir les habitants de ce tribut d'amour qu'ils ont à satisfaire, mais que les fléaux multipliés et successifs dans une même année, de la gelée, de la grêle, ravage affreux des mulots et inondations, rendront bien peu importantes, en raison de cette position douloureuse.

« La religion, dit Thiers, était évidemment une des choses à l'égard desquelles la Révolution avait dépassé toutes bornes justes et raisonnables. Nulle part, il n'y avait autant à réparer. » Bonaparte n'hésita pas. Le 7 nivôse, an IX (28 décembre 1800), il décida que tous les édifices religieux seraient rendus au culte, si cela n'était déjà fait. Il cassa les arrêtés fixant les cérémonies sacrées aux seuls jours du décadi. Il supprima, pour les prêtres, l'obligation du serment civique qu'il remplaça par une simple promesse d'obéissance à la Constitution. Il entra enfin en pourparlers avec le Pape.

Signé le 26 messidor de l'an IX (15 juillet 1801), le Concordat fut solennellement promulgué le 28 germinal, an IX (18 avril 1802).

Paul Duchesne, La chronique de Ludon en Médoc, Rousseau frères, Bordeaux, 1960, p.141-174.