La période révolutionnaire 

En 1789, alors qu'on s'agite à Paris, à Saint-Aubin il ne se passe rien ou presque, mais une lente évolution prépare les gens à accepter un nouvel état de choses.

En tirant les gens de la masse, en leur apprenant à lire et à écrire, l'Église affinait leur intelligence. On le constate en feuilletant les registres. Alors qu'au 17e siècle les actes se terminaient par « les témoins de ce requis n'ont sceu (su) signer », on voit, en avançant dans le 18e siècle, un nombre croissant de signataires « avec moy curé de Saint-Aubin ». Les premières signatures sont péniblement dessinées par des gens plus à l'aise derrière leur charrue, puis elles s'affirment. En s'instruisant, en allant plus souvent à Bordeaux vendre leurs produits, ils s'ouvrent au monde. Ils prennent conscience de leur dépendance, de leur condition misérable et sentent qu'on devrait changer tout cela. Dans nos campagnes se répandent, peut-être, ces porteurs de bonne parole qu'on appellerait aujourd'hui des propagandistes ou des agitateurs.

Et voilà qu'apparaissent en 1792, des gens capables de former un conseil municipal, d'administrer la commune et de rédiger des actes d'État-Civil : Talon certainement un révolutionnaire d'importation dont on n'avait jamais entendu parler, puis des Saint-Aubinois de vieille souche, les Fourthon, Baule, Hornon... Furent-ils des révolutionnaires acharnés? Difficile à dire car nous manquons de documents, mais on sait qu'ils eurent bien du mal à s'adapter au calendrier républicain et qu’au lieu d'écrire « 4 germinal an III », ils notaient « 1795 ».

En 1794, tous les saints furent interdits. Saint-Aubin devint Aubin, tout simplement, en même temps que la famille Saint-Médard devenait Sémédard. On vit pourtant l'officier public d'Aubin enregistrer sur un acte, après le nom de l'époux « originaire de Sainte-Hélène ». La force de l'habitude ! Cette fantaisie ne dura que quelques mois. Nos ancêtres devenaient-ils contre-révolutionnaires ? Le Saint revint et ne nous quitta plus. Sur les papiers officiels, un cachet portait « La Loi, le Roi » agrémentés de plusieurs fleurs de lys. Quand on eut guillotiné le Roi, on gratta simplement les mentions inutiles.

Et quand les noms durent être précédés du mot « citoyen », on sent bien que ce terme avait du mal à passer les becs de la plume. Nos révolutionnaires, donc, n'avaient pas l'air très virulents, car on vit plus tard leurs survivants vieillis sous le harnais de la République, prêter serment à l'Empereur puis, ne reculant devant aucune idée préconçue, jurer fidélité à Louis XVIII et à son successeur.

Quelle fut la vie de la commune pendant cette période où, en d'autres lieux on se massacrait allègrement ? Des recherches ultérieures nous permettront peut-être d'en savoir plus. L'église fut-elle, comme en d'autres lieux transformée en bâtiment utilitaire, grange à foin, remise pour tombereaux ou charrettes, salle de danse ? Nous n'en savons rien.

On sait, par contre, que la commune nouvellement formée récupéra une partie des terres des ci-devant qui avaient émigré. Ces terrains ou bâtiments furent classés « biens délaissés ». C'est ainsi que la commune devint la propriété légale de plus de 3 000 hectares de landes confisqués à M. de Villepreux et que le presbytère fut acheté par un certain Faure. Mais on sait également que Pierre de Villepreux put récupérer son château où il mourut en 1817.

Texte extrait : Chronique de Saint-Aubin-de-Médoc, René-Pierre Sierra, juin 1995, éditeur mairie de Saint-Aubin-de-Médoc, p 116-118.