Le bouilleur de cru

Un bouilleur ambulant est une personne habilitée à produire ses propres eaux de vie. Ce n'est pas une profession mais un statut qui découle du statut de propriétaire récoltant (ne pas confondre avec distillateur qui est une profession). Certains bouilleurs ambulants bénéficient de manière résiduelle d'une allocation en franchise leur donnant droit à une exonération de taxes sur les 1 000 premiers degrés d'alcools pur qu'ils produisent. C'est ce que l'on nomme « privilège », et par abus de langage « droit de bouillir ».

En France, depuis 1959, ce privilège n'est plus transmissible par héritage, et s'éteindra donc au décès des derniers détenteurs.

Depuis 2008, les bouilleurs de cru ne bénéficiant pas du privilège sont taxés à 50 % sur les dix premiers litres d'alcool pur et ensuite à 100 %.

En 1960, il y avait en France encore 3 160 000 bouilleurs de cru déclarés, c’est-à-dire des fermiers ayant le droit de distiller pour eux-mêmes leurs propres fruits. Le bouilleur de cru doit déclarer son alambic à la douane et payer une taxe. L’Etat a même créé un diplôme pour « les bouilleurs de cru ambulants » (il y en a une quarantaine). On ne compte plus en revanche qu’une centaine de distilleries de fruits en France, les régions principales étant la Franche-Comté, l’Alsace et la Lorraine.

A l’étranger, la Suisse, l’Allemagne et l’Autriche possèdent aussi une grande tradition.

Autrefois frappées par de lourdes taxes destinées à combattre l’alcoolisme (qui était encore il y a un siècle l’un des trois fléaux avec la tuberculose et les maladies vénériennes), les distilleries font désormais partie de notre paysage gastronomique et sont reconnues par le label Entreprise du patrimoine vivant.

A Blanquefort

Un bouilleur passait régulièrement, il s’installait près du lavoir, avenue du Général de Gaulle pour quelques jours. Des photos (de M. Liaubet) témoignent de son installation, et du feu nécessaire pour la distillation.

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 Photos prises en 1967

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Commentaires de Yannick Barreau : « lors de l'aménagement du Centre Eco et à l'emplacement même du parking, était situé le lavoir et lors de sa démolition certains vestiges des fondations avaient été conservés et surtout y figurent des canalisations dont une assez importante, celles-ci permettaient de réceptionner l'arrivée des sources qui venaient du nord en descendant à travers Saturne.

Ces photos me semblent être à Destournet, c'est évident, à proximité, car ce transformateur et cette maison à droite m'amènent à penser que c'était plutôt à l'angle des 2 rues, là où sont construites actuellement les nouvelles résidences, et très exactement où se trouve actuellement le laboratoire d'analyses ; il y avait auparavant un parking en terre et même une station d'essence. Je ne pense pas que ce soit le toit du lavoir, que l’on aperçoit, mais celui de la cabane appelée « atelier public », vu d'un autre angle.

La maison de droite, c'était chez les Gilbert, les parents de Maguy Dallet.

Ce qu'on aurait pu appeler le tout premier lotissement de Blanquefort, ce sont ces maisons individuelles qui ont été construites dans ce secteur de Destournet, entre cette rue que nous voyons sur la photo et le boulevard Montesquieu. »

Laissez-passer

Nous avons retrouvé aussi quelques éléments personnels concernant une distillation familiale et les contraintes qui en découlaient pour le transport en particulier.

On faisait de l’alcool en distillant la lie de vin, et sur les déclarations, on lit ceci :

« distillation à l’atelier public de Blanquefort par Louis Mondon, bouilleur ambulant domicilié au Taillan pour M. Bret, récoltant à Blanquefort.

Il fallait ensuite transporter cet alcool avec un laissez-passer :

- 13 avril 1947, Bret Jean, une bonbonne contenant trois litres d’eau de vie à 42 degrés et 8 litres à 50°, parcours en vélo remorque, en quinze minutes.

- 2 avril 1959, Bret Jean, une bonbonne contenant six litres cinquante d’eau de vie à 51 degrés, soit 3 litres alcool pur, parcours en charrette, en quinze minutes.

- 2 février 1960, Bret Veuve, une bonbonne contenant six litres d’eau de vie à 55 degrés, soit 3 litres, 30, alcool pur, parcours en quinze minutes. Ainsi pour 55 litres de lie de vin, on produit 6 litres d’alcool à 55 degrés,

- 9 février 1961, Bret Veuve, au Bourg, pour 55 litres de lie de vin on obtient une bonbonne contenant quatre litres cinquante d’eau de vie à 50 degrés, soit 2 litres alcool pur, parcours en remorque à main, en quinze minutes.

- 14 février 1963, Bret Jean (de atelier public à Bret Jean) 2 bonbonnes d’eau de vie 10, litres 5, en tracteur, 15 minutes.

- 1 février 1964, Bret Jean, une bonbonne contenant quinze litres cinquante d’eau de vie à 51 degrés, soit 3 litres alcool pur, parcours en cyclo et remorque, en quinze minutes.

- 25 janvier 1965, Bret Jean, Bourg, une bonbonne contenant huit litres d’eau de vie à 50 degrés, soit 3 litres alcool pur, parcours en remorque vélo, en quinze minutes. »

La moyenne sur 7 ans est d’un peu plus de 8 litres. Cette eau de vie servait pour les conserves de fruits, mais aussi pour les « canards », les cafés arrosés et les petits coups de gnole de temps en temps. Pour lutter contre l’alcoolisme, peu à peu des mesures étatiques ont supprimé les droits de faire « brûler » la lie de vin et les autorisations ont cessé avec la mort des propriétaires. 

Le temps des bouilleurs de cru était terminé !