Histoire de la Male Jornade 

Un des nombreux épisodes de la guerre de 100 ans, conflit qui a opposé les Plantagenets et les Capétiens et dont l’enjeu était, rien de moins, que la possession du royaume de France.
Déjà en 1438, le roi de France Charles VII avait tenté une première offensive pour reprendre le contrôle de Bordeaux au roi d’Angleterre Henri V. La seconde tentative en 1442 fut aussi un échec.

Depuis déjà quelques années, les troupes du redoutable sire d'Albret avaient commencé la reconquête de la région au nom du Roy de France. Sans la présence du très anglophile archevêque Pey-Berland (Pierre Berland, né en 1370 au hameau de Saint-Raphaël, paroisse d'Avensan entre Saint-Médard et Castelnau), le peuple de Bordeaux aurait très volontiers ouvert les portes de la ville aux armées de Charles VII : le comportement des Anglais dans l'affaire de Jeanne d'Arc avait fait naître un sentiment profond de réprobation dans le cœur de la population bordelaise. En 1450, le conseil du roi Charles VII décide d’en finir avec la présence anglaise à Bordeaux : une avant-garde des troupes françaises va camper prés de la jalle de Blanquefort.

Le maire de Bordeaux commande à tous les Bordelais pouvant porter une arme, de défendre leur cité. En ce jour du premier novembre 1450, c’est à peine un combat : plus de mille bordelais périssent, 2 000 sont faits prisonniers, le reste s’enfuit, le maire en premier.

Depuis ce jour de Toussaint s’appellera localement « le jour de la male jornade ». Lorsque les charriots rapportent les cadavres mutilés, un gémissement remplit la cité ; l’archevêque de Bordeaux, monseigneur Pey Berland (dont la tour Pey-Berland à Bordeaux conserve le souvenir) passe 2 jours et 2 nuits en prières, pleurant les morts de sa patrie.

« ... Les souffrances des hommes émouvaient son cœur. Lorsqu'il vit les cadavres ramenés du Haillan dans la ville sur des chariots, après le malheureux engagement contre le Sire d'Orval à la Toussaint de 1450, il éprouva tant de chagrin qu'il s'enferma deux jours dans son palais pour prier... », (tome 3 d'Histoire de Bordeaux, « Bordeaux sous les Rois d'Angleterre » sous la direction d'Yves Renouard, page 535.

Les troupes françaises ont tout de même été repoussées ; le siège de Bordeaux sera à nouveau organisé de juillet à octobre 1453 finalisé par la prise de la ville et l’entrée triomphale de Charles VII. Bordeaux est redevenue territoire français mais pas pour longtemps…

NB : Un complément sur la Male Jornade dans un article au Haillan et à Blanquefort.

Male jornade 

Seule, la Guyenne, depuis bientôt trois siècles possession anglaise, demeurait au pouvoir des Plantagenet. Charles VII décida de s'attaquer à cette province. Disposant maintenant de troupes nombreuses et aguerries d'une puissante artillerie et d'un matériel important, il fit son apparition dans la vallée de l'Adour, puis dans celle de la Garonne, enlevant successivement : La Réole, Monségur et Bazas. Le 31 octobre 1450, veille de la Toussaint, 600 de ses soldats, dirigés par Amanieu d'Albret, sire d'Orval, se présentèrent devant Bordeaux et saccagèrent quelques maisons des faubourgs. Les habitants de la ville furent persuadés qu'il s'agissait de pillards. « Orval le leur laisse croire et, après avoir ainsi insulté et menacé la ville, se replie sur la Jalle de Blanquefort, à deux lieues de Bordeaux, comme s'il voulait poursuivre sa chevauchée vers le Médoc, à l'exemple de Villandrando. Les Bordelais s'indignent ; ils veulent mettre à la raison ces cavaliers téméraires et ôter à leurs pareils toute envie de les imiter. Ils réclament des armes en vue d'une sortie en masse, au cours de laquelle ils ne feront qu'une bouchée de cette poignée de soldats du roi de France. Le maire anglais de Bordeaux (depuis deux siècles le maire de Bordeaux est anglais), Gadifer Shortoise, prend la tête de la troupe et, derrière quelques centaines de soldats anglais et gascons en garnison dans la ville, huit à dix mille Bordelais armés au hasard, sans discipline, sans tactique, en véritable cohue, font irruption le 1er novembre au matin hors des portes de Bordeaux.

« De là partirent dix mil hommes
En salades et en jacquettes,
Portant licous, cordes à pommes
Pour pendre Français aux charrettes ».
(Martial d'Auvergne.)

Les avant-postes d'Amanieu d'Orval lui rendent compte de cette menace. Il alerte aussitôt sa troupe et la conduit au delà des marais, dans un bois qui constitue une position forte, au nord de la Jalle. Là, il attend l'attaque. L'armée improvisée de Gadifer Shortoise se précipite en désordre à sa poursuite, franchit la Jalle et s'engage dans les marais où les fantassins s'enfoncent jusqu'aux genoux, les chevaux jusqu'au ventre. Le désordre de leur avance s'accroît ; tout est mêlé, soldats réguliers, artisans et boutiquiers armés à la diable. Quand les premiers Bordelais, enfin sortis des marais, parviennent sur un sol plus stable, d'Orval déclenche sa contre-attaque. Les archers écossais et les cavaliers d'ordonnance débouchent des bois, au trot de leurs chevaux cuirassés, la lance basse, et dévalent sur les Bordelais, mêlés, désunis, trempés, mal armés. D'Orval charge à leur tête. Les lourds hommes d'armes pénètrent dans cette masse informe, pointant et assommant. Ils ont tôt fait de tailler en pièces l'avant-garde bordelaise dont les survivants refluent dans les marais, entraînant cette foule sans encadrement dans une déroute éperdue à la tête de laquelle galope Gadifer Shortoise qui est le premier rentré dans Bordeaux. Plus de deux mille hommes sont demeurés couchés sur le champ de bataille (un autre historien dit : mille Bordelais morts, deux mille prisonniers). Le lendemain, jour des Morts, les Bordelais les entassent sur des chariots et, derrière leur archevêque Pey-Berland, qui passa deux jours et deux nuits à pleurer, procèdent à leurs funérailles. D'Orval, enivré de sa victoire, en rend compte au roi en lui demandant 300 lances de renfort pour s'emparer de Bordeaux en deuil des suites de cette mauvaise journée : la Male jornade. » En tous les cas, d'Orval ne dut pas s'approcher du château, le possesseur de celui-ci étant toujours allié des Anglais.

Guy Dabadie, Blanquefort et sa région à travers les siècles, Imprimerie Samié de Bordeaux, 1952, p. 40-41.

Pour plus d’informations www.mediterranee-antique.info/Generalite/Lavisse