Le lieu de la male jornade 

1450. Après des années de combats, le royaume de France peut enfin entrevoir le départ des Anglais. La guerre de Cent Ans va enfin se terminer. Les Bordelais ne sont pas pressés de quitter la tutelle des rois d’Angleterre qui leur ont accordé de nombreux privilèges municipaux, des impôts réduits et, par leur maîtrise des mers, la sécurité de leurs exportations de vins. Ils se sentent cependant délaissés par le roi anglais, préoccupé par des luttes internes.

Après avoir conquis la Normandie, le roi de France Charles VII attaque la Guyenne, où les Anglais n’ont que peu de troupes. Il s’empare de Bergerac et de toute la vallée de la Dordogne, puis de Bazas et arrive aux portes de Bordeaux.

Contournant la ville par le sud-ouest, des troupes royales (quelques centaines d’hommes seulement) s’installent sur la Jalle de Blanquefort.

Ce mouvement déclenche la colère des Bordelais qui, maire en tête, envoient le 1er novembre une troupe de plusieurs milliers d’hommes à la rencontre des Français. Cette expédition se conclut par une cuisante défaite. Cette journée est restée dans la mémoire des Bordelais sous le nom de « Male Jornade », la mauvaise journée.

La plupart des relations de cet évènement ont été rédigées d’après l’« Histoire de la conquête de la Guyenne », d’Henri Ribadieu. En dehors du fait que les combats se sont déroulés dans les marécages bordant la Jalle de Blanquefort, personne ne semble pouvoir en préciser le lieu précis.

Voici, tirés du texte de Ribadieu, quelques indications susceptibles de faire avancer le débat : « Le sire d'Orval était campé à Blanquefort, « à une petite lieue de Bordeaux », dit Mathieu de Coucy, lorsque ses coureurs arrêtèrent un gentilhomme de l'avant-garde bordelaise, nommé Gaillard de Latour, et vinrent informer leur chef de rapproche des Gascons. Les Français craignant d'être enveloppés par ces dix mille hommes, et prévoyant qu'ils ne pourraient avoir passage sans combat, ils quittèrent leur cantonnement en bon ordre prirent le large environ une demi lieue, et s'établirent à « costé d'un boscage » dans une région de bois et de landes qui à la fois cachait à l'ennemi leur petit nombre et leur offrait, pour attendre l'heure de l'action, une position favorable ».

Ce fait d'armes, si brillant ou si triste, selon le camp que l'historien considère, eut pour théâtre une lande boisée dont l'exacte position n'est pas encore parfaitement connue. De Lurbe, La Colonie et Bernard de Girard ont cherché à Talence, à Castres, à Bègles ou au Raman l'emplacement de la bataille. Le Raman, petit village situé à une lieue de Blanquefort, à deux lieues de Bordeaux, dans un pays de taillis et de bruyères, semble le point où il faut placer le lieu de l'action ».

Trois ans plus tard, le 17 juillet 1453, la bataille de Castillon mettra un terme à la guerre de cent ans.

Pour ce qui est de la tradition blanquefortaise, elle me semble plus proche de la réalité que les prétentions haillanaises. Mais il est difficile de savoir aujourd'hui quelle était la nature de la végétation en chaque point du territoire.

Texte de Michel Baron.