Les agents de la justice seigneuriale au 18e siècle 

Le seigneur justicier jouit de diverses prérogatives honorifiques et utiles, mais reste étranger au fonctionnement de la justice : son seul pouvoir consiste à nommer des officiers qui jugeront en son nom.

Les juges seigneuriaux 

Avant d'exercer leurs fonctions, les juges seigneuriaux doivent être reçus en la cour royale devant laquelle ressortissent les appellations de leurs jugements. Pour cela, ils doivent être âgés de 25 ans au moins, être gradués en droit, de bonnes vie et mœurs et professer la religion catholique. Les fonctions de juge seigneurial prennent fin par la démission du titulaire ou la révocation du seigneur. Un « grand âge avancé », des « infirmités », des occupations trop absorbantes, sont les raisons ordinairement alléguées par les officiers seigneuriaux pour renoncer à leurs charges.

Certains actes cependant sont révélateurs de conflits entre les juges, et leurs commettants, les premiers préférant abandonner leurs fonctions plutôt que de supporter les tracasseries des seconds.

Le fait est que le statut des officiers seigneuriaux les place sous la dépendance étroite de leurs seigneurs. Le juge est parfois pourvu « pour toute sa vie », tel celui du captalat de Buch, nommé « pour des raisons particulières et pour récompense de services », le seigneur renonçant à la faculté de pouvoir le révoquer. Mais de tels traits sont rares.

Le plus souvent, les lettres de provision prévoient que le juge exercera ses fonctions « tant qu'il plaira au seigneur ». Ce pouvoir de révocation discrétionnaire s'exerce pleinement lorsque l'officier a été pourvu gratuitement. Si l'officier a acheté sa charge, sa situation paraît plus solide. Il ne peut être destitué sans remboursement de la finance versée. Sous réserve de respecter les conditions nécessaires, il a théoriquement la faculté de transmettre sa charge. Mais les seigneurs bordelais se montrent attentifs à écarter les conséquences de la vénalité : l'hérédité des offices, surtout, leur paraît néfaste qui, en les privant du pouvoir de recrutement, serait une entrave à l'exercice d'une bonne justice.

Les ordonnances font obligation aux seigneurs de donner à leurs juges d'honnêtes appointements « pour soutenir leur dignité ». Dans la pratique, les officiers seigneuriaux paraissent ne percevoir que des gages fort minces : en 1760, par exemple, le juge de la Sauvetat de Saint-André ne touche que 150 livres par an, le lieutenant 102 livres.

Certains compensent la faiblesse de leur traitement en cumulant les judicatures, tel Jean Deyrem qui est juge non seulement de Lamarque et Beychevelle, mais d'Arsac, d'Avensan, de Saussan enfin où est installée son étude de notaire.

Le plus souvent d'ailleurs, les fonctions de juge seigneurial sont exercées par des hommes de loi, avocats et notaires pour la majorité, qui retirent de cette charge un prestige honorifique plus que des rémunérations substantielles. Beaucoup ne résident pas dans leur juridiction et ne tiennent leurs audiences que de façon épisodique.

Texte extrait du livre de Gérard Aubin, La seigneurie en Bordelais d’après la pratique notariale (1715-1789), Ed. Université de Rouen n° 149, p 173-174.