La Boétie et le Médoc.

1569. Étienne de La Boétie séjournait fréquemment en Médoc chez sa belle-fille, Jacquette d'Arsac. Cette dernière avait épousé Thomas de Montaigne, frère de Michel de Montaigne, le célèbre auteur des « Essais ». La Boétie avait épousé Marguerite de Carle, veuve de Jean d'Arsac-Castéra. La Boétie se plaisait dans ce pays un peu désolé ; il trouvait un charme particulier à la solitude de ses forêts et à l'immensité de ses landes. Un sonnet heureusement conservé nous révèle la délicatesse de son âme en même temps qu'il nous dépeint ce pays d'Arsac qui n'a d'ailleurs pas beaucoup changé :

« Ce jourd'hui, du soleil la chaleur altérée

A jauni le long poil de la belle Cérès ;

Ores, il se retire ; et nous gagnons le frais,

Ma Marguerite et moi, de la douce soirée.

Nous traçons dans les bois quelque voie égarée

Amour marche devant et nous marchons après

Si le vent ne nous plaît des épaisses forêts,

Nous descendons pour voir la couleur de la prée

Nous vivons franc d'émoi, et n'avons point souci

Des rois, ni de la cour, ni des villes aussi.

O Médoc, mon pays solitaire et sauvage.

Il n'est point de pays plus plaisant à mes yeux ;

Tu es au bout du monde, et je t'en aime mieux.

Nous savons après tous les malheurs de notre âge.»

C'est en se rendant chez ses amis Montaigne, accompagné de sa femme et de sa belle-fille, Jacquette, que La Boétie, tourmenté par une forte dysenterie, fut obligé de s'arrêter à Germignan, paroisse du Taillan de Médoc, où il mourut de la peste après quelques jours de souffrances, chez le beau-frère de Montaigne, M. de Lestonnac, le 18 août 1563. Il était âgé de 32 ans (Richard de Lestonnac, conseiller au Parlement de Bordeaux, avait épousé, le 5 mai 1555, la sœur de Montaigne, Jehanne Eyquem. Les Lestonnac eurent, parmi leurs enfants, la vénérable mère de Lestonnac, qui devait fonder le couvent de Notre-Dame à Bordeaux.) Michel de Montaigne, appelé en hâte au chevet du mourant, l'assista dans ses derniers moments. Il a relaté ces heures cruelles en termes émouvants et cette mort prématurée de La Boétie lui a inspiré quelques-unes des plus belles pages qui aient jamais été écrites sur l'amitié.

Paul Duchesne, La chronique de Ludon en Médoc, Rousseau frères, Bordeaux, 1960, p.50.

Pour compléter lire l'article sur Etienne de la Boétie dans la commune du Taillan.