Sabin Dessoliès, prêtre et maire 

Sabin Dessoliès est né à Bordeaux et fut baptisé le 30 décembre 1751 à Saint André de Bordeaux, fils de Jean Dessoliès, marchand et de Marie Anne Malet, habitants de la paroisse Saint Michel.

Le 24 mars 1791 à Bordeaux a lieu l'élection du curé pour Eysines ; c'est  M. Dessolier, chapelain de Talence, qui a obtenu la majorité. Il est proclamé curé d’Eysines. Son traitement est de 1500 livres. (Référence : 4L282).

M. Dessoliès devient maire d’Eysines le 6 janvier 1793 et ce jusqu'au 23 thermidor an VI (10.08.1798). Voici son certificat d’individualité du 23 thermidor an VI : Sabin Dessoliès 5 pieds 1 pouce, cheveux châtains, yeux bleus, front découvert, nez long, bouche petite, menton relevé, visage ovale et coloré.

Le 25 germinal an V, Dessoliès prononce le serment : « Nous jurons haine à la royauté et à l’anarchie. Nous jurons attachement et fidélité à la République et à la constitution de l’an III » en qualité d’agent municipal. (Référence : 11L71). C’est le serment défini par la loi du 5.9.1797. Extrait du registre des délibérations de la municipalité de Blanquefort 3° jour complémentaire an V. « Le citoyen Dessoliès ex-ecclésiastique a fait serment de haine à la royauté et à l’anarchie, fidélité et attachement à la république et à la constitution de l’an III. » (Référence : 11L72).

Le 23 thermidor an VI, Dessoliès déclare n’avoir pas rétracté son serment. P. Gatineau et J. Curat, « lors officiers municipaux », disent avoir omis d’enregistrer le serment prêté par Dessoliès en 1792. Le 15 vendémiaire an VI, le citoyen Dessoliès, agent municipal, a été remplacé.

Sabin Dessoliès, ange ou démon ?

Ancien vicaire de Talence, il a été chassé de l’église d’Eysines mais il demeure toujours dans le bourg. Il y a 15 jours, il a rassemblé tous les mauvais sujets des paroisses voisines et est venu, pour ainsi dire à force armée, dire les Vêpres dans l’église malgré le desservant. Il les a psalmodiées n’ayant trouvé personne qui lui aidât à les chanter. Il y a un procès verbal dressé par l’adjoint du maire et porté au préfet. C’est un mauvais sujet sous tous les rapports. (Référence  : Fonds Gaillard AMB. 9MS403).

Pétition pour Dessoliès à l’archevêque : « Monseigneur, les paroissiens d’Eysines ont l’honneur de vous demander le citoyen Dessoliès pour leur curé. Cet ecclésiastique a toute leur confiance depuis 12 ans et la mérite sous tous les rapports, la très grande masse des habitants n’en veut pas d’autre, ne pouvant oublier qu’il a partagé avec elle les malheurs de la Révolution et supporte encore avec courage les chagrins que quelques personnes qui pensent autrement que nous lui font éprouver. Ce faisant nous prions le Ciel, Monseigneur, de répandre sur votre grandeur ses bénédictions et ses grâces ». Suivent 160 signatures environ dont : Lherbé, Guillaume Bouet, Guillaume Bacquey, Pierre Castagnet, Michel Olivié, Jean Eyquem, Jean Nogueyrau, Jean et Pierre Gardère, Lalumière…

(Référence : Fonds Gaillard AMB. N° 30. Le 24 thermidor an X. ).

Lettre de M. Bouet contre Dessoliès à l’archevêque de Bordeaux du  27 thermidor an X : « Vos vertus et vos lumières vous ont appelé à la place la plus glorieuse et la plus intéressante pour la religion et vos désirs les plus ardents sont de la faire triompher de ses ennemis et de lui rendre la vénération et le respect qu’elle n’aurait jamais dû perdre. Transplanté dans un pays où vous ne pouvez pas vous-même connaître la moralité des ministres subalternes qui doivent vous seconder dans vos vues bienfaisantes, l’intrigue va vous entourer ; je sais qu’elle cherche déjà à vous surprendre des nominations qui seraient un outrage pour les mœurs et pour la religion. Je sais que le nommé Dessoliès, curé constitutionnel d’Eysines, a fait une pétition qu’il colporte chez les paysans pour leur extorquer des signatures, mais il n’en aura pas beaucoup, celles qui s’y trouveront seront en très grande partie supposées. L’opinion de la paroisse étant généralement bien prononcée contre lui parce qu’il n’a su ni se faire estimer ni faire respecter la religion et qu’il a commis une infinité de scandales dans lesquels l’autorité civile a été obligée d’intervenir. Vous en trouverez la preuve parmi les papiers de la municipalité de Blanquefort et à la préfecture, vous y verrez que ce curé s'est refusé à faire le service divin le jour de Pâques, qu’on a été obligé d’appeler un autre prêtre de la ville pour le suppléer et que quelque temps après, ce curé jaloux de l’estime qu’on avait pour ce prêtre et voyant qu’on pouvait se passer de lui sortit tout furieux et tout habillé de sa maison, entra dans l’église, chanta Vêpres tout seul et sans lumière pendant que l’autre prêtre s’habillait dans la sacristie, cette scène intimida ce prêtre qui pour ne pas faire de scandale se retira sagement sans bruit et n’a plus reparu. Je vous cite ce fait parmi une infinité d’autres parce qu’il est consigné dans les papiers de la municipalité de Blanquefort. Je ne vous dirai pas qu’il fait un métier de guérir ce que les paysans appellent dans ce pays le mal donné, mais il ne le fait pas pro-déo à Dieu ne plaise que cet avis soit dicté par un esprit d’animosité ; l’intérêt seul de la religion me guide, elle ne prendra jamais l’empire qu’elle doit avoir tant qu’elle sera prêchée par des ministres immoraux qui ne savent pas prêcher par l’exemple. Mais vous ne vous en laisserez pas imposer par des pétitions trompeuses et vous connaîtrez parfaitement la moralité des individus avant de leur confier des fonctions aussi délicates ».

(Référence : Fonds Gaillard AMB. N° 30).

Lettre de Dessoliès à « Monseigneur du  13 janvier 1803 : « C’est la troisième et ce sera la dernière lettre que j’aurai l’honneur de vous écrire, trop convaincu de l’inutilité des démarches que l’on fait auprès de vous quand on a juré. Dans le moment où j’écris, je n’ai pas mangé depuis deux jours quoique j’aie tout vendu pour subsister, jusqu’à mes vêtements les plus essentiels. C’est vous avoir fait d’assez grands sacrifices pour que je puisse vous dire que, si vous ne me fournissez de suite ma subsistance ou ne me réintégrez dans ma place, je reprends mes fonctions que trop de délicatesse m’avait fait abandonner. Colly, dans son ivresse, vient de révéler un secret qu’il était bien essentiel de dérober à la connaissance publique ; il a dit en termes formels, sur les reproches de sa mauvaise conduite, qu’on ne lui ôterait pas sa place, parce qu’il l’avait bien payée et que les circonstances autorisaient ce genre de négociations. Je n’ai pas été de son avis, j’ai déclaré hautement que c’était une vraie simonie. Je suis convaincu, Monseigneur, que vous avez ignoré ces manœuvres, mais si vous êtes mal entouré ce n’est pas de ma faute et j’en souffre cruellement. J’attends et sollicite vivement une réponse de votre part et vous assure que ma pauvre paroisse est en très mauvaises mains, quoiqu’on puisse vous dire. »

(Référence : Fonds Gaillard AMB. N° 30.  »)

Les aveux de Dessoliès.

Lettre du préfet de la Gironde au rédacteur de l’ « Écho du commerce » du 9 ventôse an XIII : « Monsieur, Je vous prie d’insérer dans votre journal les aveux contenus dans l’affiche ci-jointe, il est nécessaire qu’ils reçoivent toute la publicité possible. Signé Ch. Delacroix.

« Je soussigné ex-curé d’Eysines déclare que pour me procurer des ressources pécuniaires j’ai fait croire aux esprits faibles et aux ignorants que j’étais dépositaire d’un pouvoir surnaturel, que je connaissais la manière de guérir ces maladies purement imaginaires à qui le peuple donne le nom de « mal donné », que j’ai fait tout ce qui a dépendu de moi pour accréditer cette erreur. Je reconnais qu’il n’y eut jamais ni sorciers ni devins, que ces préjugés sont nés de la superstition et je promets de faire désormais mon possible auprès des dupes qui m’avaient accordé leur confiance pour les guérir de ces ridicules préjugés. Je m’engage en outre à renoncer à ce métier digne d’un escroc, à vivre par des moyens honnêtes, de manière à ne plus mériter de reproches et à ne reparaître dans la commune d’Eysines où j’ai fait tant de dupes que pour retirer le mobilier que j’y puis avoir. Au Fort du Hâ, le 29 ventôse an XIII.   Dessoliès. »

(Référence : Fonds Gaillard AMB. N° 30. ).

 

Recherche et texte de Michel Baron.