François Renouil et la milice

À la fin du XVIIe siècle, les armées françaises étaient composées de régiments de mercenaires étrangers et de la milice. Le recrutement de la milice avait été organisé par un règlement du 29 novembre 1688. Chaque paroisse devait désigner un ou plusieurs miliciens parmi les hommes célibataires âgés de 20 à 40 ans. En 1691, à la suite d'abus, on imposa le tirage au sort pour un service de deux ans avec possibilité de remplacement.

La paroisse du Taillan avait alors les mêmes limites que la commune actuelle. Il n'y avait pas de municipalité mais, pour le recouvrement de la taille, la communauté des habitants devait désigner chaque année un ou des collecteurs responsables sur leurs propres biens des rentrées de l'impôt. Ces collecteurs étaient parfois conduits à régler les problèmes de la collectivité.

Lorsque, en 1691, le Taillan doit désigner un milicien, ce sont les collecteurs dirigés par Berthoumieu Bourgès, laboureur, qui en sont chargés. Vingt hommes participent au tirage et le sort désigne François Renouil. Celui-ci persuade Léonard Bordes « garçon étranger à la paroisse » d'aller servir à sa place. Après l'avoir armé et équipé d'un fusil de la valeur de 15 livres, d'un sabre et ceinturon en bon état, Berthoumieu Bourges le conduit au sieur Descomps capitaine de la milice. Après l’agrément du capitaine, Bordes paraît fort content et satisfait d'aller faire cette campagne.

Mais nos collecteurs apprennent, qu'au moment de son départ, Bordes n'a pas caché « son mauvais dessein » et a révélé à certaines personnes dignes de foi que, « comme il n'était point natif du Taillan, dès qu'il serait en marche il déserterait et emporterait les armes que ladite paroisse lui avait fourni ». Pour se garantir, les collecteurs, étant avertis qu`il lui est dû dans la paroisse du Taillan certaines sommes, font opposition au paiement de ces sommes (27 livres et 28,5 livres) jusqu'à ce que Bordes soit de retour avec les armes et un certificat de son capitaine comme quoi il a fait la campagne dans sa compagnie.

Ils ont été bien inspirés car, après quelques jours, Bordes a effectivement déserté. Cette désertion a été signalée par une lettre du capitaine Descomps (écrite le 3 mai de Casteljaloux) qui demande que le remplacement du déserteur soit assuré par la paroisse. Les collecteurs se sont rendus chez le sieur Hauquinot pour lui demander de faire « marcher » François Renouil, son neveu (Hauquinot est le surnom de Mathelin Videau, époux de Jeanne Renouil). Les choses ont traîné, il n'a trouvé personne pour le remplacer.

Un « logement militaire » a été décrété chez les collecteurs qui protestent et somment François Renouil de rejoindre la compagnie à Casteljaloux. François Renouil est-t-il parti ? C'est peu probable car le 12 janvier 1693 il a épousé au Taillan Jeanne Dugrava dont il a eu au moins cinq enfants. Il serait intéressant de connaître le nom de celui qui est parti à sa place. Lorsqu'un déserteur était recherché, l'autorité militaire installait des garnisaires, (militaires en garnison) dans sa famille. Celle-ci devait subvenir aux besoins des soudards (et à leurs caprices) jusqu'à ce que le déserteur rejoigne son corps. Cette pratique était particulièrement efficace. Elle a été très souvent employée pendant les guerres de la Révolution et de l'Empire.

Texte rédigé à partir de notes prises par Michel Baron vers 1980 dans les minutes de maître Tallanet, notaire à Blanquefort, déposées aux Archives départementales de la Gironde (3E28206 et 207). Ces minutes étaient alors très délabrées, une bonne partie des feuillets partant en poussière.