Lieu-dit Cantemerle 

L’explication du nom de Cantemerle semble difficile à deviner ; ne signifie-t-il point « là où chantent les merles » ?

Un joli conte populaire en fournit l'explication : il y avait un dragon fantastique qui désolait le parc de Cantemerle ; il effrayait le monde et faisait peur aux oiseaux. Un chevalier beau comme saint Georges le terrassa et lui coupa la tête. Tous les merles de la contrée accoururent et donnèrent au vainqueur une aubade qui dure toujours.

Si cette tradition ne semble pas conforme, il en existe une autre qui quitte la fable pour s'approcher de l'histoire : elle se lie à l'occupation étrangère de la Guyenne : on dit que de nombreux archers venus du Grand Nord remontaient la Gironde et abordaient près de Cantemerle. Le Sire de Sauves, pour repousser les brigands, ne disposait que peu de combattants et seulement d'une vieille couleuvrine baptisée « Le Merle ». Il prépara le stratagème suivant : il camoufla l'artillerie dans le bois et attira les visiteurs indésirables les conviant à un grand festin.

Le vin de Cantemerle fut servi à chaque plat ; il était bon et les hommes buvaient ferme. Lorsqu'ils furent à point, le sire de Sauves fit signe aux siens, et s'adressant à la couleuvrine lui dit : « chante, merle » et ordonna le feu. Les ennemis surpris, épouvantés et titubants se rendirent à merci. C'est en souvenir de cette prouesse, que l'histoire de France ne conte pas, que le nom de Cantemerle serait resté au pays.

Situé sur les confins des communes de Ludon et de Macau, à 20 kilomètres de Bordeaux et presque à la hauteur du bec d'Ambès, le château de Cantemerle faisait partie de cette ligne tortueuse de fortifications qui défendait anciennement les rives du Médoc baignées par la Gironde.

Sur le côté nord d'une petite vallée, à environ 200 mètres des fortifications, s'élevait la Tour de Vue ou de la Fuie, du haut de laquelle une vigie surveillait au loin les rives de la Dordogne, les eaux de la Gironde et le pays d'Entre-deux-Mers. C'était de là que s'envolaient les pigeons messagers, là aussi qu'on recueillait les signaux transmis de tourelle en tourelle, soit de la mer, soit du pays de Saintonge ; reproduits par la Fuie de Cantemerle et répétés par les mottes de Ludon et Parempuyre, ils donnaient l'éveil à Bordeaux.

Les bénédictins de l'Abbaye de Sainte-Croix de Bordeaux, concessionnaire des alluvions que délaissait la Garonne, en s'éloignant des graves de Macau, devaient au seigneur de Cantemerle, le premier colac (esturgeon) pêché chaque année dans les eaux de leurs îles. Ils étaient tenus de présenter le poisson sur un plat d'argent avec un cérémonial convenu. Cet hommage, qui rappelait l'ancienne domination de Cantemerle sur les eaux de la Garonne, était flatteur pour celui qui le recevait, mais souvent aussi sujet à contestation sur le poids ou titre du plat d'argent remis avec le poisson.

Les seigneurs de Cantemerle étaient prompts à relever les injures dont ils avaient à souffrir. En voici un exemple : « par arrêt du 7 septembre 1713, le Parlement de Bordeaux condamna Me Pierre Cocart, prêtre, vicaire perpétuel de la paroisse de Macau, à comparoir au devant de la principale porte de l'église dudit lieu, issue de messe paroissiale et là étant à demander pardon à messire Pierre de Villeuneuve Dufort, chevalier baron de Cantemerle, Macau, Ludon dehors et autres places, de l'insulte qu'il lui avait fait en la personne de son valet ».

L'arrêt fut exécuté le dimanche 25 septembre 1713, en présence de messire Henry d'Arrerac d'Alesme, seigneur d'Arsac et coseigneur de Parempuyre, du sieur de Jehan écuyer, du sieur François de Peyraux, seigneur de Giscours et quelques autres témoins qui signèrent au procès-verbal d'exécution.

Texte issu du site www.medoc-pratique.com.