La guerre de Cent ans 

Bien avant 1337, date officielle de son début, la guerre sévissait dans notre région. De 1293 à 1303, Philippe le Bel occupa Bordeaux et ses environs, mais il en fut chassé par les Bordelais.

Pour assiéger une ville, il faut l'entourer, occuper les faubourgs et la grande banlieue, sillonner la campagne pour ravitailler les troupes. Bien souvent, les Saint-Aubinois durent affronter ces hordes de gens d'armes, mi-soldats, mi-pillards, qui vivaient sur la population, rançonnant amis et ennemis, faisant régner l'insécurité et la misère. On se battait un peu partout au gré des alliances, au hasard des rencontres, suivant l'humeur des chefs désireux d'affirmer leur autorité, de prouver leur courage, de masquer leur lâcheté, ou d'assouvir leurs bas instincts. On n'y mettait pas trop de sentiment, les amis d'aujourd'hui étant les ennemis de demain et vice-versa. On buvait sans retenue ce vin qu'il suffisait de prendre au paysan terrorisé. Et si quelqu'un osait protester, on lui passait simplement l'épée à travers le corps, après l'avoir bien torturé quand on soupçonnait l'existence de quelques pièces d'or ou d'argent.

En cette deuxième moitié du quatorzième siècle, le sénéchal Jean de Grailly, captaI de Buch commandait en Aquitaine pour le compte des Anglais. Il possédait une partie de Saint-Médard et des terres sur Saint-Aubin. On peut penser que, dans son propre intérêt, il s'attachait à maintenir la paix sur ses domaines. On note qu'un de ses oncles, Archambeau de Grailly hérita, en 1393, d'une partie du château de Cujac, avec les terres, les maisons, les animaux domestiques ainsi que les hommes et « homiasses » (les femmes) qui en dépendaient.

Ce Jean de Grailly était l'ennemi intime de Du Guesclin qui le vainquit à Cocherel, mais qu'il tint prisonnier à Bordeaux en 1367, en guise de remerciements pour avoir débarrassé le pays des Grandes Compagnies en les emmenant guerroyer en Espagne.

En 1362, Edward de Woodstock, le Prince Noir, fils du Roi d'Angleterre, reçoit l'Aquitaine érigée en principauté. Il a les pleins pouvoirs et bat monnaie. Il construit de nombreux châteaux-forts. Il connaît bien les Français qu'il combat puisqu’en 1356, il a emmené le Roi Jean prisonnier à Bordeaux. Loin de se faire aimer, il multiplie les exactions et les pillages. De leur côté, les Français cherchent à reconquérir leur belle province perdue, plus de deux siècles auparavant, par les excès de passion d'une reine au sang trop généreux que le tempérament trop lymphatique d'un roi n'avait pas su contenir. Les seigneurs gascons abandonnent le Prince Noir qui renonce à l'Aquitaine et meurt en 1376. Mais les Anglais, eux, n'ont pas renoncé. Les rois de France continuent la lutte. Malgré la destruction de leur flotte à Saint-Julien en 1400, malgré les difficultés de ravitaillement, ils persévèrent. Conséquences de la guerre et des mauvaises récoltes, une terrible famine ravagea le Médoc au début du 15ème siècle. On mangea tous les animaux et même, paraît-il, parfois les hommes.

De gré ou de force, les Saint-Aubinois participent à l'effort de guerre des deux camps. L'Histoire, il est vrai, ne mentionne aucune bataille sur le territoire de la commune. Par contre, il y en eut dans les environs. La plus terrible fut sans doute celle qui se déroula le premier novembre 1450, que certains historiens nomment « la bataille de Blanquefort » et d'autres « la bataille du Haillan ». Une troupe française de 600 hommes environ vint camper entre les deux agglomérations, en bordure du marais, non loin de la Jalle, semble-t-il. Les Bordelais prennent cette troupe pour une bande de pillards. Ils s'arment à la hâte avec ce qui leur tombe sous la main et partent joyeusement, à dix mille, pour pendre ces bandits haut et court. Les Français manœuvrent, attirent les Bordelais dans les marais et les attaquent. Ils en tuent deux mille. Le reste reflue en hâte vers la ville. Pey-Berland, leur archevêque, en recueillant les cadavres, pleura, dit-on, pendant deux jours. Ce funeste évènement fut appelé « la male jornade » (la mauvaise journée).

La situation des Anglais se dégrade. Le Roi d'Angleterre envoie l'amiral Talbot et son fils pour repousser les Français. Le 21 Juin 1453, à Martignas, Talbot a donné rendez-vous au comte de Clermont pour une bataille en champ libre qui ne causerait pas de dommages à la population civile. Clermont attend Talbot pendant trois jours. Celui-ci se présente, fait paître ses chevaux à quelque distance des Français, puis se retire sans combat. Clermont s'avance, surprend les archers anglais au repos et les massacre. Le 23 Octobre 1453, Talbot est tué à la bataille de Castillon ; les Anglais, vaincus se retirent définitivement, l'Aquitaine redevient Française. La guerre de Cent Ans est terminée. Nos ancêtres vont-ils connaître la paix ?

Texte extrait du livre du René-Pierre Sierra, Chronique de Saint-Aubin-de-Médoc, juin 1995, éditeur mairie de Saint-Aubin-de-Médoc, p 31-33.

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