La culture des légumes autrefois

Nous avons déjà été amenés, à plusieurs reprises, à évoquer l’activité maraîchère à Eysines. Mais, comme nous sommes privés du raid des maraîchers par les circonstances sanitaires liées au Covid, nous avons pensé saisir cette occasion pour vous rappeler, en les rassemblant dans un article, les renseignements dont nous disposons sur les légumes cultivés annuellement à la fin du XIXe et au début du XXe siècle.

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La zone maraîchère eysinaise va de l’avenue du Médoc (D2215) au sud, à la Jalle (ici ligne sinueuse sombre) au nord (Photo aérienne google earth)

Grâce aux relevés que nous avons faits aux archives municipales, nous savons qu’il y a peu de production légumière avant 1882, car elle n’apparaît pas dans les « statistiques agricoles » avant cette date. Mais dès 1882, nous notons, sur environ 200 hectares de terres cultivées, des productions de pommes de terre, carottes, asperges, choux, haricots verts, petits pois, fèves… D’autre part, dans leurs témoignages, recueillis à diverses occasions (entretiens, JEP …), tous nos maraîchers ont insisté sur le fait que le mode de travail de la terre et les légumes cultivés sont restés sensiblement les mêmes de la fin du XIXe siècle jusqu’à la seconde guerre mondiale. Les premiers documents que nous avons datent de la fin des années 1980 et, régulièrement depuis les années 2010, nous interrogeons nos maraîchers en exercice et en retraite pour qu’ils nous fassent partager leurs souvenirs et ceux de leurs parents et grands-parents ... Nous avons donc mis tout cela par écrit pour surtout ne pas oublier ce passé agricole, si important pour notre commune.

 

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 Musée du maraîchage (Photos de Connaissance d’Eysines).

Laissons donc parler nos jardiniers !

Jusqu’à la seconde guerre mondiale, on cultive en amendant la terre régulièrement avec du fumier, entre chaque culture et avant les labours. Les traitements utilisés sont le soufre contre l’oïdium et la bouillie bordelaise contre le mildiou.

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Sulfateuse et soufreuse du musée du maraîchage (Photos de Connaissance d’Eysines).

Les cultures sont : pommes de terre, carottes, choux verts pommés (cabus), un peu de choux-fleurs, céleris raves, salades, citrouilles (galeuse d’Eysines), haricots verts et haricots beurre, asperges, melons à confiture, topinambours, radis, oignons, cresson… Et nous en oublions certainement !

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Calendrier de plantations (Photos des héritiers de M. Viaud).

 

Nos jardiniers cultivent principalement les légumes dans les sables noirs du Marais. Il faut se tenir au calendrier de plantations sinon les légumes ne poussent pas à quelques jours près, la récolte peut être compromise.

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Carottes et poireaux gardés pour la semence, semis de carottes, semis de laitues brunes et la carotte d’Eysines au catalogue ! (Photos de Connaissance d’Eysines).

 

Pour obtenir les semences des carottes, poireaux, céleris etc… : on laisse les légumes monter en graines, tout en taillant les tiges sur le côté pour que la sève monte jusqu’à la fleur. Puis on récolte en général jusqu’au 14 juillet, les carottes en août et les haricots en septembre, sinon les futurs plants sont moins beaux (en fonction de la lune).

Les pommes de terre sont mises à germer dans le grenier. Vers le 2 février, il est temps de planter les futures primeurs entre les rangs de vignes, dans les « graves minières ».

*Nota : Précisons pour vous tous qui n’êtes pas Eysinais de souche qu’en 1901, il y a 378 ha de vignes et 184 ha de terres maraîchères ! Imaginez alors les parcelles de vignes occupant en dehors du Marais, tous les terrains (où il n’y a pas d’habitations anciennes en pierre) sur le plateau et les douces pentes de tous les quartiers d’Eysines.

À la fin de l’hiver, on prépare les carreaux (parcelle avec une variété de légume, bordée d’une rouille et d’un fossé) laissés libres par les récoltes. On laboure, on ajoute le fumier (acheté puis « charroyé » depuis les palus des bords de Garonne) et de la plume de canard, de poule ou d’oie (importée du Gers …). On bêche, on ratisse et le terrain est prêt. Les semis et les plantations peuvent commencer.

 

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 Fèves, aillets et semis de carottes à gauche – diverses variétés de salades à droite (Photos de Connaissance d’Eysines.)

Les pommes de terre de consommation sont plantées en mars.

On arrache les pommes de terre et au fur et à mesure que le terrain est libre on le fait baigner, ce qui permet d’humidifier et d’assainir la terre. Quand le terrain est égoutté, huit à dix jours après, on peut bêcher ou labourer.

On sème la première carotte à la Saint-Jean à peu près. C’est alors le solstice, la durée des jours diminue, la carotte (une bisannuelle) ne montera pas à graines et se conservera mieux en terre en automne et en hiver. Les graines de carottes sont jetées à la volée ou déposées en sillon toujours en assez grand nombre, on ratisse pour recouvrir les graines. La levée se fait, les plants grossissent alors on effectue un premier éclaircissage ; par la suite, on éclaircit une seconde fois et on cure (désherbe) en même temps, à ce stade on peut faire des bottes de douze avec la fane. La croissance se poursuit jusqu'à l'automne, le même semis pouvant être commercialisé du printemps à septembre. Sur les bords des règes de carottes, on peut aussi cultiver les laitues.

Les semis de poireaux, oignons salades, etc… se font sous châssis, dans le jardin près de la maison. Lorsque les plants sont assez gros, ils sont alors repiqués dans le marais. Pour les poireaux, le repiquage se fait en profondeur et en biais dans des sillons recouverts ensuite jusqu’à l’œil ; cette culture permet d’obtenir un blanc important mais les poireaux sont courbés !

Les variétés de salade permettent une production en fonction des saisons. La laitue est en général cultivée, comme nous venons de le dire, en bordure des règes de carottes. Mais bien d’autres variétés prospèrent en pleine terre dans le marais dont une variété de scarole appelée « cornette de Bordeaux » ; elle pousse en corne comme les endives, elle est liée pour blanchir. Une fois récoltée, on enlève les feuilles du tour et ces salades peuvent être entreposées à plat avant la vente pendant environ 15 jours.

 

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Poireaux bleus de Solaize, artichaut (Photos de Connaissance d’Eysines).

Les asperges se cultivent dans les sables depuis la fin du XIXe siècle ; nous relevons de 1898 à 1904 une culture sur 20 ha. Les « griffes » d’asperges restent en terre plusieurs années et donnent pendant environ sept années. À l’automne, on ouvre la butte d’asperges, on fume, puis on referme. On récolte au fur et à mesure durant les mois d’avril à mai. Dans les années 1960, il y avait encore à Eysines environ 2 ha de plantations d’asperges.

Après la récolte, on peut aussi utiliser le terrain pour la plantation des melons à confiture.

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Galeuse et butternut, radis noir… prêts à être consommés ! (Photos de Connaissance d’Eysines).

Et le cresson…  Et bien sûr, comme énumérés au début, on cultive toutes les variétés d’oignons, de choux (frisé, blanc, cabus), un peu de choux fleurs(fragiles), des céleris (raves surtout), les topinambours, les courges (galeuses et melons), etc… Toutes ces cultures sont récoltées au fur et à mesure de l’été jusqu’en automne. À partir de l’automne, il ne reste dans les jardins que les carottes, poireaux et choux que l’on récolte durant l’hiver.

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Et les nouvelles variétés arrivées depuis quelques années : laitues feuilles de chêne, tomates, patates douces… (Photos de Connaissance d’Eysines).

Si, aujourd’hui, vous consommez les légumes d’Eysines, vous savez que les cultures se sont enrichies de variétés non citées ci-dessus : courgettes, tomates, aubergines, etc… Nos jardiniers se sont, en effet, adaptés à la demande des consommateurs et ont aussi adopté de nouvelles méthodes de culture, comme ils nous l’ont expliqué à plusieurs reprises lors de leurs interventions à l’occasion des Journées Européennes du Patrimoine !

Texte extrait du blog de l’association Connaissance d’Eysines, 4 juin 2020, Elisabeth Roux et Marie-Hélène Guillemet.