Une curieuse épidémie en 1774

Dans le cours de la présente année 1774, Dieu a affligé notre province d'un fléau qui a ruiné nombre de familles. Vers le mois d'octobre dernier, se manifesta une maladie contagieuse sur les bœufs et sur les vaches. Quelques personnes pensaient qu'un quidam qui avait promené une vache dans ces cantons était la cause du malheur, on disait que cet homme avait logé chez Arnaud, aubergiste de Saint-Seurin chez qui vont loger les paroissiens de Saint-Médard, que ce même homme, y ayant trouvé des bouviers de Saint-Médard, en pria un de laisser attacher sa vache au derrière de sa charrette pour s'épargner la peine de la conduire. Suivant cette histoire, les bœufs du bouvier qui menait la vache moururent les premiers, ensuite ceux d'un bouvier qui suivait la vache.

Quoi qu'il en soit de cette histoire, il est très sûr que la maladie se manifesta sur la paroisse de Saint-Médard. Un cas se révéla en Astignan, Issac, le Bourg et Gajac. Comme le mal gagnait, les supérieurs y apportaient attention, on cherchait les remèdes à ce terrible mal mais inutilement : le plus efficace fut d'empêcher la communication. Il était difficile d'y parvenir parce que la nécessité d'aller cueillir et ramasser la vendange obligeait certains d'entre mes paroissiens d'aller avec bœuf et charrette chercher leur petite récolte dans les vignes d'Astignan. De plus, la saison de du miel était arrivée (la lande avec l'apparence de ne rapporter que des sables morts produisait quantité de miel, la cire, le goudron, la résine et le charbon, écrit l'intendant en 1743).

Ceux de Saint-Médard qui en avaient à vendre venaient de nuit et le portaient soit chez Maisonnobe dit le Compte (ce Maisonnobe, Auvergnat, s'établit par la suite à Saint-Médard où il tenait auberge, vraisemblablement il fit construire la maison qui appartient à Ch. Lestage, boulanger.) Soit chez Heyquem, dit Magouye, qui en fait le commerce dans cette paroisse. M. l'abbé Beaurein fit défendre le transport de miel et de vin et pour mieux réussir il fit un acte audit Maisonnobe tant comme propriétaire et bien tenant qu'en qualité de procureur constitué de M. le Commandeur (le commandeur du Temple puis de Malte, seigneur de Martignas) par lequel acte il rendait ledit Compte responsable de tous les événements qui s'ensuivraient du transport du miel et du vin par des bouviers de Saint-Médard qui aurait pu porter la contagion sur la paroisse.

Quant à moi, curé de cette paroisse, ne pouvant rien faire de mieux je consignais un louis d'or entre les mains de François Constantin, dit Panchille, syndic du Tènement Denigès pour qu'il eut à le distribuer à ceux d'entre mes paroissiens qui arrêteraient quelques bouviers étrangers, surtout de Saint Médard, où régnait la contagion. Cet expédiant réussit. Les paroisses voisines en ayant entendu parler craignaient et ne vinrent plus à Martignas. Cependant, les froids qui règnent depuis bien des jours et qui sont très forts faisant cesser nos craintes, des bouviers des paroisses où ne règne pas la contagion viennent porter le miel, M. Copmartin, subdélégué de l'Intendance, l'ayant ainsi décidé (secrétaire général de la préfecture actuelle). Eysine, Parempuyre, Saint-Aubin, Salaune, Gradignan ont souffert. Le 23 novembre 1774. Signé : Siniê Curé.

À tous ces fléaux s'ajoutaient les dégâts causés par les loups. Une note de Guyot de Laprade, maître particulier des eaux et forêts du 15 janvier 1785, signale que « les environs de Bordeaux sont infestés de loups et de sangliers qui donnent des occasions fréquentes aux paroisses de former des troupes pour leur faire la chasse ce qui a déjà occasionné trois différents procès cette année par la jalousie des quelques seigneurs qui ont trouvé « mauvais

qu'on traversât leurs terres et à main armée ». C'est pour parer à toutes les difficultés que, dans les dernières années de l'ancien régime, le gouvernement royal s'efforce de soulager les paysans et de leur venir en aide par diverses mesures notamment :
- la dispense de tirage au sort des milices,
- le dégrèvement des terres défrichées,
- l'enquête sur les corvées.

Notes du docteur Arnaud Alcide Castaing sur la paroisse de Saint-Médard-en-Jalles sous l’Ancien Régime et sur la commune de la Révolution au XXe siècle, dossier familial, 1946, 270 pages, p.47.