La Maison noble de Bois Salut 

À la découverte d’un patrimoine méconnu : Eysines est connue pour son château Lescombes et ses expositions d'art contemporain, sa zone maraîchère avec son musée ainsi que sa cabane la Crampette. Mais peu d'Eysinais connaissent la Maison noble de Bois Salut. Michel Cognie, président de l'association Connaissance d'Eysines, connaît très bien son histoire et aime la raconter.

Bâtie au 16e siècle, la demeure était entourée, à l'époque, d'un domaine viticole et d'un petit bois qui subsiste en partie près de la poste. Après avoir appartenu au monastère bordelais des Feuillants, la demeure est acquise par une famille d'avocats au parlement de Bordeaux, les Du Sault. À la suite d'un mariage en 1676, les Bodin de Saint-Laurent en deviennent les propriétaires. En 1789, Antoine Bodin de Saint-Laurent est élu représentant de la noblesse aux états généraux. Le 8 novembre 1793, le Comité de surveillance d'Eysines décide de son arrestation, lui reprochant ses idées hostiles à la convention montagnarde. Le Tribunal révolutionnaire le condamne à mort et il est guillotiné.

Bois Salut est alors déclaré bien national, et en 1806, Jean Lafon l'achète. En 1844, c'est le docteur Barrière qui en est le nouveau propriétaire et il donne, en 1857, une partie du domaine à la commune pour la construction de l'église. En 1866, Alfred Lalande, le curé d'Eysines, achète la partie est de la maison, qui sera revendue plus tard à la famille Perey et en 1922, les Guiraud réunissent les deux parties est et ouest.

Mais, en 1983, la Maison noble, acquise par la CUB, est vouée à disparaître pour laisser place à un parking. M. Magne, alors président du syndicat de défense du quartier du bourg, demande au maire, Pierre Brana, sa sauvegarde. Elle intervient en 1988, par l'inscription à l'inventaire des Monuments historiques.

Aujourd'hui, la Maison noble de Bois Salut, qui est en partie occupée par la Caisse d'Épargne, est incontestablement un des joyaux du patrimoine communal. Et ce, par la présence d'éléments architecturaux marquants, notamment la porte de style gothique tardif situé au bas de l'escalier.

Article tiré du journal Sud-ouest du 26 juillet 2014.

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Michel David. La porte de style gothique tardif. Photo M. D.

La nouvelle vie de la Maison noble de Bois Salut 

Cette ancienne bâtisse qui vient d’être rachetée par la Ville va devenir la Maison de l’emploi, de l’économie et des entreprises, la M3E. Ouverture au public prévue début 2018.

Inscrite à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques depuis 1988, la Maison noble de Bois Salut est réputée pour son magnifique escalier en pierre, en colimaçon, et pour sa porte sculptée de style gothique, qui donne sur un petit patio intérieur. À l’instar du pigeonnier de Lescombes, cette bâtisse, qui date, semble-t-il du 16e siècle, est en matière de patrimoine, l’un des fleurons du bourg. Elle était, autrefois, entourée d’un domaine viticole et d’un petit bois. Elle aurait appartenu un temps au monastère bordelais des Feuillants.

Aujourd’hui, cette vieille dame s’apprête, tout en conservant, ses richesses, à entamer une nouvelle vie.

Après avoir abrité longtemps une agence bancaire, la Maison noble de Bois Salut vient d’être rachetée par la municipalité à la Caisse d’épargne pour un montant de 195 000 euros, comme le précise le maire, Christine Bost. Des travaux d’aménagement intérieur et de toiture vont débuter en septembre. Et, si tout se passe comme prévu, dès le début de l’année 2018, elle devrait accueillir à la fois des chômeurs et des employeurs, pour créer sur la commune « une nouvelle dynamique en matière d’accès à l’emploi ». « Notre objectif est de mieux coordonner les actions de tous ceux qui œuvrent dans ce domaine, les institutions, les associations, les entreprises », souligne Benoît Gayou, adjoint au maire chargé de l’emploi et du développement économique.

L’idée est de faire se côtoyer des personnes qui ont parfois du mal à se rencontrer, au quotidien.
Dans l’idéal, les demandeurs d’emplois pourraient déposer ici leurs demandes, leur CV et les dirigeants des 480 entreprises d’Eysines, petites ou grandes, leurs offres en matière de recrutement.

Des contacts sont déjà en cours avec Pôle emploi (Eysines dépend de l’agence de Saint-Médard), la Mission locale, le Club des entreprises, les deux groupements d’employeurs d’Eysines (spécialisés dans l’agriculture et l’aide à la personne).

Des permanences seront mises en place dans les locaux de l’ancienne bâtisse qui se trouvera à deux pas de la ligne D du tramway lorsque celle-ci sera en service. L’Aspe, l’association spécialisée dans l’insertion et le service emploi de la mairie (eysines-emploi.fr) auront également leur place dans cet espace, qui veut fonctionner comme une passerelle entre le grand public et le monde économique.

« L’emploi n’est pas une compétence municipale, mais nous pensons avoir une responsabilité morale en la matière », indique Christine Bost. « Cette question est centrale aujourd’hui dans notre société, et l’on ne peut pas ne pas s’en préoccuper. »

Article du journal Sud-ouest du 27 avril 2017, Christine Morice.

La maison noble de Bois Salut

La maison noble de Bois Salut est sans doute un des plus importants domaines fonciers que nous trouvons à la fin du Moyen Age à Eysines. Il s’est transmis sans grande modification durant l’Ancien Régime puis il a été morcelé aux XIXe et XXe siècles. 

Porte

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La tour d’escalier : la porte et la montée d’escalier

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le 2 mars 1990, un arrêté stipule le classement à l’Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques de l’ancienne maison noble de Bois Salut, appelée aussi maison Guiraud : « Epoques de construction : fin XVe siècle – début XVIe siècle & XVIIe remaniée au XIXe siècle. Est classé l’ensemble de l’ancienne maison noble de Bois Salut actuellement dénommée « maison Guiraud », située au 61 avenue de la libération pour la partie médiévale (fin XVe/début XVIIe siècle) et 4 avenue de Verdun pour l’aile XVIIe siècle, y compris les parties rajoutées au XVIIe et au XIXe siècles, comprenant façades, toitures, escalier à vis, éléments anciens subsistants, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur ».

Les éléments qui ont permis son classement sont concentrés sur la partie médiévale, avec la tour hexagonale : « Cette maison possède une tour d’escalier à vis en pierre, hors œuvre, percée au rez-de-chaussée d’une porte décorée, dans le style gothique tardif, de choux fleuris et d’un ange. Cette porte très ornée, peu connue, compte parmi les plus soignées de celles qui existent dans les édifices civils de la Gironde. »

Les éléments qui ont permis son classement sont concentrés sur la partie médiévale, avec la tour hexagonale : « Cette maison possède une tour d’escalier à vis en pierre, hors œuvre, percée au rez-de-chaussée d’une porte décorée, dans le style gothique tardif, de choux fleuris et d’un ange. Cette porte très ornée, peu connue, compte parmi les plus soignées de celles qui existent dans les édifices civils de la Gironde. »

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fenetre

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La famille du Sault 

(*Nota : Ce nom du Sault, a plusieurs orthographes : en un seul mot Dussaut ou Dussault et en deux mots du Sault).

Selon un document relevé aux archives départementales, le 8 avril 1598, Charles Dusault, avocat au Parlement de Bordeaux, lègue à son fils aîné Charles, lui aussi avocat au Parlement, « toute la maison et bourdieu appelé de Bois-Salut paroisse d’Eysines ». Il vient de faire construire un pressoir ce qui atteste l’activité viticole de ce bien. Sans doute a-t-il hérité de cette maison ? Mais quelle était la condition de son aïeul qui en a entrepris la construction ? L’étude de la tour d’escalier et de son décor par des historiens, architectes et spécialistes des armoiries situe cette construction entre 1470 et 1550 ou peut-être plus précisément avant 1510. Nous avons donc recherché dans les années 1470/1510, la personne de la famille Du Sault susceptible d’avoir fait construire ce logis. Nous avons étudié les filiations de la maison du Sault dans le « Nobiliaire de Guienne et de Gascogne » de O’Gilvy aux archives départementales et nous avons trouvé Etienne du Sault, marié à Jeanne Pépin de Frédouville, qui combat au côté de Talbot à la bataille de Castillon.

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En 1674, Bois-Salut est à Philibert Dussaut fils de Jean Olivier avocat général (qui avait dû en hériter au décès de son frère Charles). Le 2 octobre 1611, il a reçu de Gratian de Mulet seigneur de la Plane « la moitié de tous les droits seigneuriaux de la maison du Luc à Eysines et les padouens à Langlet et à la Petite Marguette » en reconnaissance des services rendus par la famille Dussaut. En 1632, il a épousé Jeanne de Grimaud. Il est Conseiller au Parlement en 1632 et joue un rôle important lors de la Fronde de Bordeaux. Il meurt le 8 juin 1697.

En 1676, Marguerite Dussault épouse Thibaud Bodin de Saint Laurent et apporte en dot Bois Salut.

Les Bodin de Saint Laurent 

Il s’agit d’une famille originaire de l’Anjou qui s’est établie dans le Périgord. Joseph Bodin a reçu ses lettres patentes d’anoblissement en 1654 avec le titre de Conseiller d’Etat.

Thibaud Bodin de Saint Laurent décède en 1703. Sa veuve Marguerite Dussault doit, pour conserver Bois-Salut, donner 18 000 livres à Olivier Dussault. Elle transmet son bien à Joseph Bodin de Saint Laurent, son fils ou petit-fils. En 1722, Joseph Bodin épouse Marie Bert. Le 1er août 1729, à Eysines, il épouse en secondes noces Marguerite Campet. Joseph est alors propriétaire dans la paroisse d’Eysines, outre Bois-Salut, du fief de la Taule du Luc, de la maison noble de Labadan, du marais du Langlet et du moulin de Jallepont. Il est aussi seigneur de la Roque de Thau. Il décède le 2 avril 1731 à Eysines, âgé de 52 ans. Il a eu deux enfants : Antoine et Marie Anne (qui épouse le 20 octobre 1755 à Eysines Jean André Polhet, conseiller de Roi). Son fils Antoine, né à Bordeaux, épouse en 1752 Marie Anne Campouney (ou Campourcy).  Entre 1756 et 1775, six enfants naissent à Eysines.

Naissances à Eysines de Claude Jean-Baptiste et de Magdeleine Catherine, les deux premiers enfants d’Antoine Bodin de Saint Laurent et de Marie Anne Campouney.

Les possessions eysinaises héritées de son père par Antoine, sont relativement nombreuses et Bois Salut est un domaine étendu.  A la fin des années 1780, Antoine Bodin de Saint Laurent revendique un bien nommé « le mayne de Billy », mais Pierre Duret affirme que ce mayne fait partie des biens de Laplane.

Le 4 juin 1789, maître Guillot mandaté par Antoine Bodin de Saint Laurent attente un procès à Pierre Duret auprès du tribunal de Bordeaux. Voici quelques extraits : « A monsieur le grand Sénéchal de Guienne à Monsieur le Lieutenant général, Supplie humblement : Bodin Dussault de St Laurent disant qu’il doit se féliciter d’avoir demandé au sieur Duret la copie au long de ses titres. Il en résulte qu’il n’a rien à prétendre sur le fonds du suppliant et que par conséquence son action en retrait est insoutenable. Ce n’est pas en effet d’après les titres modernes c’est d’après les titres anciens qu’on doit se décider et un titre ancien ne s’applique nullement aux fonds qui donnent lieu au procès... Ainsi d’après cette reconnaissance le fief de sieur Duret doit être borné au couchant par le chemin public tirant à la Peyre Miqueu. Or ce chemin est au levant et au midi des possessions de la maison de Labadan sur lesquelles on voudrait appliquer le titre que nous examinons ce qui suffit pour prouver l’impossibilité de cette tentative jamais aucun feudiste n’ayant proposé de franchir une Borne aussi permanente qu’un grand chemin… » et le texte se termine ainsi « A toutes ces considérations il faut ajouter les conséquences qui résultent de la résistance que les auteurs du sieur de St Laurent ont toujours opposé aux prédécesseurs du sieur Duret et leurs possessions constante des objets contentieux en toute franchise et liberté. Ce considéré monsieur il vous plaise de votre grâce adjuger au suppliant les conclusions qu’il a prises par la requête du 4 août 1788 et faire bien ». Le 31 août 1789, M. Magne, avocat de Pierre Duret, répond : «… Pierre Duret négociant seigneur de la maison noble de la Plane à Eysines disant que si le sieur Bodin Dussaud de St Laurent… L’expérience que le suppliant a acquis dans les matières féodales devrait lui avoir appris que les confrontations données dans les titres du siècle dernier et des précédents n’ont jamais la précision ni la clarté de celles données dans les titres récents … et que par conséquent il n’était pas étonnant que la reconnaissance de 1603 ne portât pas exactement les mêmes confrontations que celle de 1763… » et le texte se termine ainsi « … de faire revente dudit domaine dans trois jours… donne que le jugement qui interviendra en tiendra lieu en conséquence permettra au suppliant de se mettre en possession dudit domaine circonstance et dépendance pour en jouir et disposer en toute propriété et usufruit sous l’offre que fait le Sieur suppliant de rembourser à le tout principal de son acquisition avec les frais et loyaux coûts résultant du contrat d’achat si tôt que le suppliant en sera instruit tout comme … lui les clauses pactes et conditions du contrat et de satisfaire à tout ce que décrit la coutume de Bordeaux en conséquence condamne … à remettre les fruits et revenus dudit domaine… ».Dans le dossier des archives départementales, nous trouvons aussi la reconnaissance de Jeanne de Billy du 20 octobre 1672, celle de Marie Lescaur du 22 juillet 1763 et un plan dressé en avril 1790. Cependant nous n’avons pas trouvé le résultat du procès. Mais rappelons-nous qu’en 1611, Philibert Dussaut avait reçu de Gratien de Mulet, seigneur de Laplane, une partie des droits seigneuriaux…

Lorsque survient la Révolution, Antoine Bodin de Saint Laurent « accepte la constitution » devant la municipalité d’Eysines. Mais, ayant deux puis trois fils émigrés, il est considéré comme ennemi du Peuple. Le 8 novembre 1793, le comité de surveillance d’Eysines prescrit donc son arrestation. Une visite à Bois Salut permet de constater son absence. Mais il est arrêté le lendemain à son domicile bordelais, 16 rue Labirat et incarcéré au Fort du Hâ. Agé de 70 ans et presque aveugle, il est condamné à mort et guillotiné.

Les propriétaires de la Révolution à aujourd’hui 

En juillet 1806, Bois Salut est vendu par François Bodin de Saint Laurent (enfant naturel d’Antoine Bodin de Saint Laurent ?) à Jean Lafon. Le 8 août 1833, suite à une saisie mobilière, ce bien est acquis par Michel Peringuey, demeurant à Belin, marié avec dame Barbe Zélia Lafon, demeurant avec lui.
*Nota : Michel Perringuey est donc le gendre de Jean Lafon.

Le 12 janvier 1838, Jean Fort et  Françoise Dubreuil son épouse demeurant ensemble à Bordeaux 5 rue Saint André, achètent le domaine « connu sous le nom de Langlet, ou Bois Salut, situé dans la commune d’Eysines, consistant en maison de maître, logement pour les cultivateurs, chai, cuvier, remises, parc à bœufs et tous les immeubles par destination qui s’y trouvent, jardin, garenne, terrain non cultivé, vignes hautes et vignes basses, le tout en un seul tenant et entouré de murs et fossés mitoyens, d’une contenance totale de 15 ha 38 a 61 ca ou 49 journaux 24 règes 4 carreaux. Cet enclos qui forme le principal manoir dudit domaine de Langlet est entouré de tous côtés par des chemins publics ».

Les confronts de cet immense domaine de Bois Salut sont donc alors : à l’ouest : la Grand’rue, le bâti est situé à la « limite » des parcelles ; à l’est : le domaine englobe la Biblanque jusqu’au Vigean ; au nord : le chemin du moulin à vent ; au sud : le chemin de Picot.

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Bois Salut en 1808 et 1844 (extraits cadastre aux archives départementales) 

 

Au début des années 1840, le domaine subit plusieurs  ventes : par exemple, le 3 Septembre 1840, M Fort  vend à Etienne Charles Alphonse Bouché de Vitray, docteur médecin et oncle de notre médecin Bouché de Vitray qui exerce à Eysines de 1897 à 1909, «…une pièce de terre labourable complantée en vigne ayant une forme rectangulaire, faisant partie du domaine de Langlet ou Bois Salut, situé à Eysines d’une contenance d’environ 2 ha 87 ca, confrontant : du levant aux propriétés des sieurs Decher et Jean Martin, rouille mitoyenne entre 2 d’une largeur de 1, 299m - du couchant et du nord aux propriétés des vendeurs - du midi au chemin de Lescombes au Vigean sur laquelle elle aura une entrée…».

Ce terrain est appelé domaine de Larroque et il est décrit ainsi en 1905 : « un petit domaine dit de Larroque situé à Eysines au lieudit La Biblanque composé de terres labourables, vignes, grand jardin potager, jardin d’agrément le tout complanté d’arbres fruitiers et autres - Au centre de ce domaine est édifiée une maison d’habitation à rez-de-chaussée seulement avec des dépendances, ces constructions sont bâties en pierres de taille, moellons, chaux et sable et recouverte de tuiles creuses. Ce domaine qui a façade sur deux chemins l’un dit de la mairie au Vigean et l’autre dit du Grand-Louis à l’église et au Vigean abouti au chemin Biblanque par une allée dépendant de la mairie et d’une superficie d’environ un hectare deux ares et confrontant en corps, du midi, au chemin de la mairie au Vigean, au levant, à Benatte et chemin Biblanque, au nord, à monsieur Durgeon Argelos, et du couchant au chemin du Grand-Louis à l’église et au Vigean ».

Le 26 octobre 1844, M Fort, veuf, partage entre ses deux enfants ses possessions.   Jean Fort, fils, marié à Melle Anna Henriette Fleury Moreton, a le domaine de St Vincent et d’autres biens ainsi que les vins de Bois Salut. Elina, épouse Barrière, reçoit la maison 96 rue du Loup à Bordeaux, le domaine de Bois Salut et le domaine de Fondebroy (La Forêt).

Selon le descriptif de l’acte notarié, l’ensemble du domaine de Bois Salut, estimé à 15 000 francs, comprend : « …maison de maître, granges, écurie, remise, logement des cultivateurs, chai à bois et à vin, cours, jardins, garennes, prairies et vignes, le tout en un seul tenant entouré de murs et haies vives d’une contenance approximative d’environ 9 ha. Le domaine confronte dans son ensemble : du levant aux propriétés de M. de Vitray et de M. Marmiesse, haie vive entre eux appartenant en entier au domaine de Bois Salut, du couchant aux propriétés du sieur Arnaud et Jean Marceron, des sieurs Capeyron et Dées et à la rue du Bourg, du midi au chemin qui conduit de la mairie au bourg du Vigean et du nord par le jardin de la propriété dudit Dées mur entre deux appartenant en entier au domaine désigné et au chemin dit du moulin à vent… ». Le mobilier aussi est listé : « … 24 chaises- 6 chaises de cerisier- 1 meuble de salon en acajou, garni- 1 meuble de salle à manger en bois peint- 6 fauteuils en bois peint – 7 grands tableaux à cadre doré- 10 petits tableaux – 1 trumeau et 2 glaces- 1 garniture de cheminée avec vase, pendule et chandeliers – 8 lits avec leurs couches et garnitures – 12 paires de draps de lit- 6 douzaines de serviettes et 2 douzaines de torchons- 2 douzaines de tabliers de cuisine et autant d’essuie mains- 1 table de cuisine et 4 tables à manger- 2 tables d’étude et 2 de toilette- 1 table de nuit – 4 armoires et 4 buffets, pour un total de 2 000 francs … » … « Les vins dans le chai 218 hl pour 4 600 francs avec les récoltes de 1841 à 1844 ».

A partir de cette date, le docteur Barrière et ses héritiers vont transformer et continuer à morceler le domaine et même la maison de maître !

En 1852, « M. Pierre Barrière et Dame Françoise Fort son épouse, ont fait don d’un terrain de 1 ha 19 ares dépendant de leur domaine de Bois Salut pour édification d’une église, un cimetière et trois chemins », suivant contrat chez M° Brannens notaire à Bordeaux, devant M° Guilhem le 6 juillet 1852.

*Nota : Nos recherches se font principalement aux archives municipales avec les cadastres et leurs matrices. Le premier cadastre « napoléonien » est daté de 1808 aux archives départementales et de 1810 aux archives municipales, le second de 1844. Il faut ensuite attendre 1937 pour qu’un nouveau cadastre soit édité. Pendant ces presque quatre-vingt-dix années, Eysines se construit énormément. Les matrices cadastrales sont éditées et tenues à jour, tandis que les parcelles se morcellent sans changer de numéro, ayant juste un p en indice. Ainsi on peut trouver plusieurs propriétaires sur une parcelle ayant le même numéro… Ceci explique nos suppositions lorsque nos recherches ne peuvent pas s’appuyer sur des actes notariés.

Le docteur Barrière effectue diverses augmentations ou diminutions sur les bâtis de Bois Salut : en 1855/56, des modifications dans les constructions ; en 1859, de nouvelles constructions pour un hangar et poterie ; entre 1870 et 1879, des démolitions ; en 1864 une nouvelle construction, puis d’autres encore entre 1868 et 1880 …

Peut-être a-t-il alors transformé la maison de maître pour en faire deux maisons accolées mais indépendantes avec une nouvelle porte et une cage d’escalier dans la partie sud et peut-être aussi fermé la ou les communications entre les parties ouest et est ?

Des ventes ont aussi lieu : en 1855, un bien est vendu à François Dugay qui le transmet à son gendre Guillaume Denigès en 1882 ; en 1858, Louis Guiraud achète la partie Est de la maison de maître d’un are avec neuf ouvertures. Elle sera ensuite achetée par le curé Lalande en 1866, puis revendue en 1871.

En 1859, une maison de treize ares est vendue à Mme Péringuey et sa sœur Melle Lafon. En 1861, trois sœurs Lafon habitent à deux maisons du docteur Barrière : une est maîtresse de pension. Nous avons aussi retrouvé quelques renseignements sur l’une d’elles : Jeanne Jenny Lafon, née le 12 août 1814 à Eysines, fille de Jean Lafon et Marie Laborde (M. Peringuey qui « achète » après les Lafon est le beau-frère de Jeanne Jenny). Est-ce que M. Peringuey a gardé une partie de Bois Salut, qui devient la maison de Jeanne Jenny ? Ou alors l’achat est fait en 1859 par Mme Perringuey et Jeanne ? Jeanne décède le 19 novembre 1890 à son domicile au Bourg d’Eysines. De 1864 à 1887, Jeanne Lafon fait le blanchissage et le lissage du linge pour la fabrique. En 1897, soit 7 ans après son décès, son legs en faveur de la fabrique est effectué, selon son testament du 1er janvier 1888, déposé chez M° Hosten à Belin : « Je donne et lègue tous les biens que je possède à ma mort, meubles et immeubles à mes neveux et nièces de la famille Peringué : Adolphe, Loiza, Justine, Fanny, Zoé, et Sophie Pereingué. Je veux qu’après ma mort on fasse dire des messes au moins tous les mois pour les défunts de la famille. Je laisse à cette intention 200 francs à l’église à la charge de la fabrique. Je donne mon paravent à M Henri Barrière, je donne la vie des saints de tous les mois à M Louis Barrière, fait à Eysines le 1er janvier 1888, signé Jenny Lafon ».

Une nouvelle construction suit, entre 1864 et 1882 : une grande maison avec douze ouvertures et une porte cochère. En 1897, cette maison est vendue à Louis Antoune, gendre Guiraud (qui, en 1893, a déjà acquis de son beau-père une partie de la maison de maître avec neuf ouvertures).

Une autre construction, sur la parcelle A 1111, est réalisée par un des fils du docteur entre 1880 et 1882. Cette maison est agrandie en 1890 car elle a alors vingt-trois ouvertures ; des écuries et remises sont aussi bâties. L’ensemble est vendu en 1893 à Arnaud Labat, la maison est appelée encore aujourd’hui « maison Labat ».

Enfin, sur la parcelle A 1096, à côté de l’église, des transformations importantes ont lieu. En 1856, une partie de la parcelle, plantée de vigne sur 11a 20 ca, est achetée par François Dugay à Pierre Barrière ; en 1871, Guillaume Denigès succède à son beau-père.

Le 17 avril 1880, M. Elie Théophile Henri Barrière, propriétaire, et son épouse Suzanne Granier, demeurant 89 rue David Johnston à Bordeaux ont vendu à « …MM. Jules Tiphon prêtre et curé d’Eysines où il demeure et Désir Tiphon prêtre et curé du Taillan où il demeure, acquérant conjointement et pour moitié entre eux, une parcelle de terrain en nature de pré de la contenance de 1 180 m2 environ sise au-dessus du Bourg, cette parcelle a forme d’un carré long qui confronte du nord le chemin qui longe l’église, du couchant la propriété de M Barrière vendeur, limite formée par ce côté en ligne droite formant le prolongement de l’axe du clocher de l’église, du midi par un grand côté, du levant par un des petits côtés à la propriété de M. Barrière, la limite est formée de ce dernier côté par une ligne droite formant le prolongement d’une allée d’arbres sise sur la propriété Barrière. Les acquéreurs devront faire construire à leur frais avant le 15 avril 1881 un mur de séparation sur la ligne mitoyenne séparant au midi la parcelle vendue de la propriété Barrière. Ce mur sera mitoyen, aura 2 m de hauteur y compris les fondations. Il sera en parpaings de 21 cm au moins… » (vente Barrière-Typhon devant Maître Rabion, notaire à Bordeaux).

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                                                                  Maison de Jules Tiphon

Sur ce terrain, Jules Tiphon fait construire une maison qui est vendue en 1889 par ses héritiers à Yves Argillos. L’acte de vente nous permet d’en préciser la description : « …Une maison construite en pierres et couverte en ardoise, composée d’une cave, un rez-de-chaussée et un premier étage avec petite construction au Nord et attenante. Et un jardin attenant et entourant ladite maison, le tout occupant une superficie approximative de 11 480 m2, situé dans la commune d’Eysines au-dessus du Bourg… Les constructions : Pour avoir été édifié par ledit Jean Jules Tiphon… sans principe d’architecte ni entrepreneur… ».

La famille Guiraud qui est apparue parmi les propriétaires successifs de Bois Salut, a réuni en 1922, pour un moment, les deux parties de la maison de maître. En effet, par vente judiciaire du 21.3.1922 au tribunal civil de Bordeaux « …les biens de la succession de Michel Perey cultivateur au Taillan (Germignan) décédé le 22.9.1918 ; Jeanne Barreau son épouse, ses enfants Jean « Paul », Jeanne épouse de Clément Jossome (décédée le 21.8.1909 à St. Médard), Jeanne épouse de François Antoune (décédée le 24.1.1898 à Eysines) et mère de Jean Antoune et de Jeanne épouse de Jean Jules Delauba sont acquis par Bernard Guiraud. Cette succession comprend 17 lots dont : 1° Lot. Maison avec cour et jardin, écurie, remise, chai située à Eysines-bourg, chemin de l’église à l’angle d’un autre chemin, partie sur cave, partie sur terre-plein. Rez de Chaussée : un corridor d’entrée auquel donne accès une porte à un vantail et d’où part l’escalier qui monte, une cuisine avec une fenêtre, souillarde attenante ayant une porte vers le jardin, une pièce avec une cheminée et une porte vitrée, une salle à manger carrelée avec fenêtre, un autre corridor aboutissant à celui décrit en premier lieu, une chambre planchéiée avec fenêtre et des WC. Montons l’escalier de pierre avec rampe en fer, au 1° étage : chambre avec cheminée et fenêtre, chambre avec cheminée et fenêtre, chambre avec fenêtre, chambre avec cheminée et fenêtre. Montons l’escalier de boisdans une tour de pierre adossée au côté ouest de la maison, grenier sur toute la maison…Jardin autour de la maison, écurie et remise en pierres, hangar en planches. 1900 m2. Confronts : ouest : Bernateau et Antoune, sud : chemin de servitude ayant appartenu aux époux Barrière, nord : rue de l’église, est : possessions Barrière… Ces biens avaient été achetés par Perey à Pierre Alfred Lalande, prêtre acte du 5.4.1871 chez M° Blondeau Bordeaux. (Bureau des hypothèques de Bordeaux vol 2297) … ».

Le 22.3.1935 ; par vente judiciaire, la partie de maison possédée par Antoune passe aux époux Guiraud-Bouchard : « …maison et dépendances, à l’angle des rues du Bourg et de l’Eglise, cadastrée A 1109, au sud épicerie en A1111… Origine : Louis « Arnaud » Antoune époux de Claire Guiraud l’avait acquis de Péringuey par vente au tribunal civil de Bordeaux le 13.8.1895. Péringuey l’avait acheté à Barrière le 3.10.1857 M° Guilhem à Bordeaux … »

Cela explique que l’on ait désigné, au XXe siècle, cette maison comme la « maison Guiraud ».

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Cette « maison Guiraud » est l’ancienne maison de maître de Bois salut. A la fin du XXe siècle, elle est vendue à nouveau en deux lots. Dans la partie la plus ancienne, la Caisse d'Epargne s'installe de mai 1991 à fin 2015-début 2016, puis la mairie achète en 2017 et la M3E est inaugurée en mai 2018. Pour l'autre partie, nous savons qu’elle est vendue en 2001 puis à nouveau en 2018. Cette partie de maison est toujours une propriété privée.

Toutes les illustrations appartiennent à Connaissance d’Eysines, sauf indication particulière.
Nota : les textes en italique sont extraits du dossier relevé à la DRAC.

Texte extrait du blog de l’association Connaissance d’Eysines, 5 juillet 2021, Michel Baron, Marie-Hélène Guillemet, Elisabeth Roux.