Je me souviens du tramway à Blanquefort 

Le premier tramway à chevaux de Bordeaux fut mis en service le 4 mai 1880. Treize ans plus tard, un réseau suburbain électrique se développait en banlieue, en remplacement des omnibus (1883, création de la ligne omnibus Bordeaux - Blanquefort - Le Bouscat - Le Vigean). Ce moyen de transport en commun bordelais allait connaître une belle aventure. Jusqu’au 1er mars 1958. Nos anciens évoquent fréquemment le tramway d’après-guerre pour aller travailler à Bordeaux ou au cinéma, le retour sur Blanquefort au rond point de chez Gégé, l’arrêt facultatif à Majolan. Aujourd’hui, l’étude tram-train relance l’idée de revoir ce moyen de transport en commun revenir dans la commune.

tram-CPA

Les premiers pas 

Dès 1830 apparaît la ligne reliant la Place Richelieu aux anciens Moulins de Bacalan par les quais. Les chevaux tiraient des voitures de contenances diverses. Il s’agissait des débuts des omnibus. Une multitude de petites compagnies coexistaient tant dans la ville de Bordeaux qu’aux alentours. Le 19 janvier 1859, la création de la Compagnie Générale des omnibus de Bordeaux est possible grâce à la fusion des compagnies indépendantes. Le réseau allait pouvoir se développer. Le 25 avril 1871, un projet de tramway à cheval est à l’étude. Il mettra moins de dix ans pour être mis en service. En 1893, on comptait 1 247 chevaux dont 752 utilisés quotidiennement pour tirer les 71 voitures. 860 agents dont 106 contrôleurs complétaient le dispositif. Au 57 et 59 avenue de Tivoli se trouvait le dépôt pour nourrir les chevaux. Tous ne savaient certainement pas que cela n’allait pas durer bien longtemps. Déjà, les compagnies de banlieue notamment la compagnie du Tramway de Bordeaux-Bouscat au Vigean (BBV), créée le 14 mai 1892 étaient prêtes à en découdre avec les institutions et la ville de Bordeaux pour démontrer l’utilité de l’électrification (et des nouvelles technologies) et surtout lever l’interdiction faite aux lignes électriques de pénétrer dans Bordeaux.

La guerre du rail 

Disposant d’un capital de 200 000 francs, la compagnie B.B.V obtenait le 12 décembre 1892 par convention signée avec le préfet de la Gironde la concession pendant 50 ans d’une ligne de tramways à voie métrique entre Bordeaux (barrière du Bouscat) et le village du Vigean. Pendant l’instruction du dossier, le ministre demanda l’avis des chemins de fer du Midi et du Médoc (voir encart) car on craignait un possible détournement de trafic de la gare de Bruges. La compagnie du Médoc fut la seule à émettre une réserve : « Si comme la chose était prévue en 1891 - la prolongation jusqu’à Blanquefort était réalisée - la compagnie du Médoc protesterait énergiquement car elle se retrouverait dans une condition d’infériorité par rapport à la nouvelle entreprise ». Le mode de traction n’étant pas défini dans le cahier des charges, le conseil d’administration adoptait rapidement la technologie américaine Thomson-Houston et l’alimentation électrique par fil aérien. Le 17 décembre 1893, une ligne de 4,820 kilomètres est ainsi livrée à l’exploitation. Le succès est au rendez-vous. La compagnie revint donc à la charge sur la question de la gare Terminus à Bordeaux. Nouveau bras de fer avec la municipalité qui refusa le boulevard du Bouscat et la rue Croix de Seguey. Contournant la difficulté et non sans arrières pensées, le Conseil Général (gérant les ponts et chaussées) fut saisi le 12 avril 1894, d’un double prolongement de la ligne vers Blanquefort et vers Bordeaux (Place de la Comédie) pour la nouvelle Compagnie du Tramway de Bordeaux-Bouscat au Vigean et Extensions (BBVE). Un an plus tard, les deux extensions l’une vers Eysines et l’autre vers Blanquefort furent réalisées !

Les bus plus modernes 

Le département rachètera les concessions des lignes suburbaines en 1920 et réalisera la pénétration du réseau dans Bordeaux. Ainsi, le 18 décembre 1924, la ligne de Blanquefort bénéficiera d’un départ Cours Tournon. En 1926, c’est la Tramways Electriques et Omnibus de Bordeaux (TEOB) qui hérita de l’exploitation des 25 lignes urbaines et des deux réseaux suburbains. La TEOB permettra la modernisation des installations et du parc de tramways. En 1939, l’agglomération était desservie par 38 lignes et équipée de 375 motrices et 180 remorques. C’est à cette époque de la seconde Guerre Mondiale que la fréquentation connut la plus forte croissance. L’affluence passa ainsi de 80 millions de passagers en 1939 à 131 millions en 1941, puis à 150 en 1946. Mais malgré les hausses de tarifs, le déficit de la TEOB se creusa. La substitution des autobus aux tramways fut préconisée dès le 5 novembre 1950 avec l’achat de 25 autobus à diesel. Le 5 juin 1952, le bus prit en charge la ligne Bordeaux-Blanquefort. Le dernier tram disparut le 7 décembre 1958… pour renaître de ses cendres le 21 décembre 2003.

Le train avance plus lentement 

Comme abordé dans Equinoxes et Solstices n°2 (mars 2002), la Compagnie des Chemins de Fer du Médoc mit quelques années pour construire la ligne Bordeaux-Pointe de Grave. La première concession datait pourtant du 17 octobre 1857 (première ligne ferroviaire en France : 1823 - Bordeaux-La Teste : 7 juillet 1841) et la gare de Bordeaux Saint Louis servait de départ à cette future ligne. Pourtant, Bordeaux-Macau ne fut inaugurée que le 28 novembre 1868 ; Macau-Margaux et Margaux-Moulis respectivement le 7 mars et le 24 juillet 1869 ; Moulis-Pauillac le 30 juin 1870 ; Pauillac-Saint Germain d’Esteuil et Saint Germain d’Esteuil Lesparre le 1er juillet et le 6 septembre 1873 ; Lesparre-Soulac le 2 août 1874 ; Soulac-Le Verdon le 14 août 1875 et enfin, Le Verdon- Pointe de Grave le 1er août 1902. Soit près de 34 ans. La compagnie des Chemins de Fer du Midi qui réalisa la ligne de ceinture à Bordeaux racheta la ligne du Médoc en 1910. Son électrification interviendra le 4 juillet 1934.

Avec l’aimable participation de la Mémoire de Bordeaux

 Equinoxes et Solstices, janvier 2008, n° 27, p. 28-29. Le magazine de la ville de Blanquefort. Avec l’autorisation de la ville de Blanquefort.